Dimanche 23 janvier 2010, Besançon

"Ici à Sfax, ici à Sfax

Hier à Sousse, hier à Sousse

Demain Paris, demain Paris..."

(Gaëtan Roussel - Alain Bashung)

Commencer une année sur une révolution, la Révolution du Jasmin....

 

Elle a commencé par la révolte d'un jeune homme, Mohamed Bouazizi, qui a choisi de donner sa vie pour exprimer sa révolte, donner sa vie en s'immolant... On pense à Jan Pallack en République tchèque, on pense à ce personnage dans Nostaghia de Tarkovski, qui s'immole lui-aussi, mais que l'on prendra pour un fou...

 

Mais la folie a parfois le pouvoir d'ouvrir une brèche, lorsqu'elle exprime ce qui couve dans l'esprit de toute une population. Alors le feu se répand dans les consciences, et la colère descend dans la rue...

 

Je me souviens, quand j'ai vécu en Algérie, avoir pensé "Les jeunes (c'étaient mes élèves, et pas les plus idiots, loin de là !) se lancent dans l'intégrisme parce qu'ils n'ont pas trouvé d'autre voie pour exprimer leur révolte." 

Et ce que j'aime dans ce Jasmin, c'est qu'il a poussé comme une idée nouvelle, comme une autre voie possible...

 

Je ne parlerai pas de l'attitude de nos dirigeants... On l'a assez dit, et c'est bien dommage que par leurs conventions hypocrites, qui pue la diplomatie rampante et intéressée, ils aient sali notre image auprès de ces joyeux révoltés...

 

Je ne ferai que louer le courage, l'intelligence du peuple tunisien, qui a su avoir l'audace de faire face à leur dictateur et à sa cour d'infâmes profiteurs, et de le mettre dehors. En cela ils ont inventé une idée, un possible, et sans se couvrir les mains de sang, sans céder à la rancœur assassine.

 

C'est un message magnifique qu'ils ont adressé au monde, un message qui impose le respect, un message d'espoir, et j'oserais presque dire : "un message qui peut sauver le monde"... C'est une fleur magnifique qu'ils ont jetée dans le ciel des idées, des possibles, une belle fleur mature et sage. 

Décidément, je continuerai à aimer le Jasmin...

 

Après, bien sûr, il y a les inquiétudes quant à l'après. Mais les dés ont été correctement jetés. Quelque chose est vraiment arrivé. Quelque chose de nouveau, d'aussi magnifique que le combat de Gandhi, sauf que là, justement, il n'y a pas de Gandhi, il n'y a pas de héros. Le héros c'est ce jeune homme certainement, mais lui, on l'appellera "le Martyr". Le vrai héros c'est le peuple tunisien. 

Bravo peuple tunisien !

 

Commencer l'année avec ces événements c'est un grand plaisir. C'est comme si 2011 commençait dans un sublime parfum...

 

Alors amis tunisiens je vous souhaite de continuer votre mouvement avec la même dignité que vous l'avez commencé, je vous souhaite de réussir votre lutte pour gagner une vie meilleure, plus heureuse, plus active, plus responsable ou la liberté soit exactement comme vous l'avez inventée, propre à ce que vous êtes, fidèle à ce que vous avez rêvé...

 

En guise de Jasmin je n'ai que du thé, mais tant pis : je le boirai en pensant à vous et en vous souhaitant, la tasse en l'air, - à vous peuple heureux et à tous ceux qui liront ces lignes :  "BONNE ANNÉE 2011, BONNE ANNÉE DU JASMIN" !

 

 

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Mercredi 2 février 2011, Tabor

 

Ils sont arrivés ce matin, à 10h30. Trois cartons seulement, beaucoup plus petits que s'ils avaient été CD classiques. 1000 Digipacks, comme une réserve de futur emballée dans des paquets enrubannés de plusieurs couches de film plastique transparent...

 

Voilà. Un an et demi et travail qui arrive dans les bras d'un livreur pressé mais non déplaisant, et qui se pose sur les carrelages en céramique de la maison de Ludmila. C'est fait, une page se tourne. Maintenant c'est un autre programme, la promotion, la recherche des concerts, contacts, la presse et tutti quanti...

 

J'en sors un, enlève le cellophane qui le protège, vérifie, constate. Laminé brillant semble-t-il, pas d'encoche pour saisir le livret. Il semble que la commerciale se soit trompée de mail, n'a pas pris les dernières versions. On a tellement changé. Cela m'arrange un peu, je m'étais habitué, en regardant l'épreuve que j'avais tiré avec mon imprimante, à la finition brillante. C'est peut-être mieux comme ça. Le hasard... Quant à l'encoche, pas indispensable en fait. Donc rien d'inquiétant. La prochaine fois, s'il y a lieu, on sera plus précis. Quand il y a des changements, il ne faut pas hésiter à répéter la version définitive plusieurs fois.

 

Côté impression, je regarde le digipack, extérieur, intérieur. Rien à redire, le papier se tient bien, la densité est conforme, c'est beau. Différence des nuances de bleu entre le CD et l'intérieur du Digipack sur lequel il s'emboîte. Mais cette différence fonctionne bien, plus violet pour le fond, bleu plus froid pour le CD. Le livret est beau comme ça, je veux dire en comparaison avec la maquette que j'avais bricolée et qui était dix fois plus épaisse. Fin, souple. Une page me semble plus floue que l'épreuve que j'en avais. Mais rien de grave, l'effet est de toutes façons orienté vers le flou. Donc tout fonctionne. Antoine a bien travaillé, c'est beau. Pas encore eu l'occasion de mettre le CD dans un lecteur. On verra plus tard.

 

Je suis sorti, après, acheter des cigarettes, retirer mille couronnes au distributeur. Dehors il neigeait. C'était Noël un peu, l'air frais, bonne luminosité néanmoins. La neige ou la glace par terre. Une jolie journée. Marché dans Tabor, tentant de trouver un bar où boire un café en fumant une cigarette. Le premier bar où je suis entré était non fumeur. Tiens, ils y viennent eux-aussi ! Ressorti, je ne vais pas en République tchèque pour trouver ce que la loi nous impose en France. Finalement c'est à la pension Alfa que j'irai. Discuté avec le patron, le frère de Martin qui nous a recherché des dates en République tchèque et qui est maintenant en voyage en Australie. Je lui montre un exemplaire du CD. Il regarde, parcourt le livret, je regarde avec lui, - pas encore habitué... J'en profite aussi pour réserver des chambres pour les musiciens en avril, à l'occasion de notre tournée.

 

Voilà, un moment exceptionnel qui s'inscrit dans l'ordinaire, dans le quotidien. Moment tant attendu qui est devenu un moment passé, une page tournée.... Voilà comment on se voit toujours projeté dans l'avenir, des avenirs comptés qui, un par un, finissent par devenir des pages tournées...

 

En tout cas, il est là, il est beau, il reste maintenant à le défendre, à le faire circuler, - bref, à l'aider à "marcher"... C'est ainsi qu'on fait avec tous ses bébés ! Mais tous les bébés ne finissent pas par marcher... hélas...

 

 

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Jeudi 3 février 2011, Ceske Budejovice.

 

Parti hier après-midi pour une grande promenade en Bohème Sud, avec deux rendez-vous professionnels à la clé. Objectifs : Pisek, Susice (je ne mets pas les accents tchèques car cela risque de sortir bizarre sur  certains ordinateurs). Rapport à la recherche d'un concert supplémentaire pour notre tournée d'avril.

A Pisek, le patron m'a déjà fait attendre, puis téléphoné pour me dire qu'il ne pouvait pas venir, qu'il devait garder sa fille ect. Je lui propose donc de repasser à mon retour de Susice (lire souchitsé). J'ai en effet rendez-vous là-bas à 17 h.

Je pars donc après ce premier rendez-vous raté. Direction Strakonice. Jusque là tout va bien. Mais dans la ville, je ne trouve pas la direction pour Horazdovice. Je prends une route que je crois la bonne, après avoir dû déjà retourner une fois, et je fais quelques kilomètres. Au premier village, je prends une carte pour savoir si je suis dans la bonne direction. Je n'y suis pas. Au lieu de retourner, je décide de couper par des petites routes. Mais je n'ai pas pris en compte le climat et le budget déneigement de la République tchèque. Me voici sur une route couverte de neige et de glace, certes où on a semé des gravillons. Mais avec mes pneus d'été... en outre à la limite d'usure... Bref, le temps passe à traverser de très jolis paysages à 20 km à l'heure de moyenne. Avant de reprendre une route principale j'ai pris cette photo. Le voyage n'aura pas été complètement vain :

 

 

Le temps que j'arrive à Horazdovice il était déjà 6 heures, j'avais une heure de retard. J'appelle le patron du Tradicny club, qui ne parle pas anglais, et je comprends qu'il est reparti, qu'il n'est plus au club. Je demande donc par téléphone à Ludmila de le rappeler pour lui demander si c'est encore nécessaire que j'aille à Susice.

Après quelques minutes, elle me confirme qu'il est bien reparti et que ça ne sert à rien que je continue. Après deux heures de voiture inutiles, je repars à Pisek où j'ai rendez vous à 19 heures.

Là-bas j'attends presque 3/4 d'heure que le patron arrive. Discussion pour entendre qu'il a déjà son planning de base plein (tous les vendredi d'avril) et que remettre une date un autre jour est un risque financier pour lui. Il doit réfléchir et me confirmer.

Je rentre presque bredouille à Tabor où j'arriverai à 21 h. Il reste cependant un petit espoir pour Susice car Ludmila a pu expliquer les conditions et les jours possibles. Il semble intéressé mais doit réfléchir. On doit se rappeler....

 

Aujourd'hui rendez-vous à Budejovice avec Antoine Palomar, le Directeur de l'alliance Française de Ceske Budejovice, la capitale de Bohème sud. Repas ensemble au très beau Masne kramy, un grand restaurant très ancien où l'on boit une délicieuse bière pression (Budvar cuvée spéciale pour ce restaurant qui appartient à la Brasserie de Budejovice : Budvar = nom allemand de Budejovice).

 

La langue française aidant, cela permet d'être plus précis. D'autres pistes envisagées, notamment dans le village de Nova Rhadi qui a demandé une animation en Français pour le deuxième week-end d'avril. J'apprends que nous allons jouer dans une salle de l'ancien centre culturel de Budejovice, bonne acoustique et lieu intéressant.

 

Ludmila me retrouve après avoir fini ses cours au Conservatoire. Le doute persistant à propos du concert à Tabor, nous téléphonons à la Mairie. Nous arrivons à obtenir un rendez vous le lendemain matin avec Mme Horejkova (1er adjointe et ancienne directrice de la culture, Petra, l'actuelle directrice de Culture, et Karel Danhel, le Directeur du Théâtre. Karel préférerait le mercredi 6 au samedi 9. On en reparlera demain.

 

Retour à Tabor. Sur la route il commence à neiger....

 

 

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Vendredi 4 février 2011, Tabor (CZ)

 

Fin de réunion ce matin à la Mairie de Tabor. La date de concert est confirmée, ce sera bien le mercredi 6 avril. Lenka Horejskova nous a reçus dans son bureau de première adjointe, juste à côté de celui du Maire. Karel Danhel, était là, avec son humour infaillible et sa sympathie. Je n'oublierai jamais que c'est le premier à m'avoir accueilli à Tabor et qu'il a toujours montré une bienveillance amicale à mon égard.

Nous jouerons donc dans le théâtre et je me réjouis d'avance de ce concert dans cette salle à l'excellente acoustique, et en présence du chœur des enfants de l'école de musique. Il y aura intérêt à filmer ce concert car nous n'aurons pas beaucoup d'occasions d'interpréter Les Cigognes d'Helpa en présence du chœur !

Quatre dates déjà confirmées. On attend les réponses pour Susice et Nove Rhada.

 

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TOURNÉE EN RÉPUBLIQUE TCHÈQUE :

 

Mercredi 6 avril, Tabor

 

Ca y est ! Nous y sommes ! Première journée en République tchèque ! Le premier concert demain, ce sera ici, à Tabor.

Nous sommes partis de Besançon hier en fin de matinée. Arrivée à Tabor à 21 h 30. D'habitude, tout seul, je mets plus de temps...

Nous en avons profité pour faire une photo à la frontière Tchèque, enfin, ce qu'il en reste, car l'espace de Schengen a transformé le rideau de fer en grand oiseau de métal planant sur un espace vide. Voici la photo :

 

Aujourd'hui, répétitions. Elles ont eu lieu à l'école de musique de Tabor. Au milieu, pose imposée par les cours de Karel et l'occupation de la salle par un professeur de batterie. Nous en avons profité pour faire une petite promenade. La vieille ville, les bords du lac Jordan (première retenue d'eau artificielle d'Europe centrale) puis à nouveau la vieille ville en l'attaquant par les coteaux. Charmant bol d'air avant... une bonne bière !

 

 

 

 

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Mercredi 27 avril 2011, Besançon

 

Je découvre que j'avais écrit les lignes ci-dessus à Tabor, avec ces photos. Je ne m'en souvenais plus...

 

Après je n'ai plus eu le temps d'écrire. Voyage, balances, concerts, afters avec l'équipe et sommeil....

 

Plus de deux semaines ont passé. Je suis à Besançon, seul à la maison. Théo est à un stage de musique.

Je viens de terminer "Survivants" de Chuck Palahniuk, un grand farceur néo-néo-baroque d'une grande intelligence. D'un grand cynisme amusé. J'écoute l'album "Blue Valentine" de Tom Waits. 

 

En début de soirée j'ai lu sur Libé que Sarkozy et Berlusconi voulaient revoir les accords de Shenghen pour y supprimer la libre circulation entre les pays. Cela suite à l'arrivée de centaines de fuyards tunisiens... Joli couple de Présidents... Aussi jolis que ces décisions... Marine Lepen va être contente : Sarkozy s'occupe de fabriquer la sensibilité idéologique qui la fera élire...

 

A propos de Sarkozy encore. Avec sa magnifique invention de Pôle Emploi :

Pour ce qui est des intermittents, la gestion de tous les intermittents de France a été centralisée dans une cellule à Nanterre. 

Or, sans avoir aucune explication et sans raison apparente je suis depuis deux mois privé de mes allocations. 

La cellule de Nanterre est injoignable par téléphone et les trois mails et trois fax que je leur adresse depuis un mois et demi sont restés sans réponse. Sans l'aide d'amis et de parents je n'aurais plus rien à manger...

En discutant avec une amie salariée de Pole Emploi, j'apprends que la refonte des assedics et de l'ANPE est un foutoir sans nom, que rien ne fonctionne et que c'est la panique pour les gens qui y travaillent. Il va sans dire que pour les utilisateurs du service c'est encore pire.....

 

Ce soir j'entends aux informations de France Culture que le Ministre de l'Éducation vient d'annoncer qu'il était encore possible d'alléger les coûts de l'administration. C'est ainsi qu'ils envisagent, à la prochaine rentrée, de supprimer 6000 postes dans l'Éducation Nationale. Comme par hasard l'Éducation Nationale.... Comment se fait-il qu'on nous annonce jamais qu'on va supprimer des postes dans l'armée, dans les trésoreries, je ne sais pas, dans des endroits froids et ennuyeux ! Non, on parle de l'Éducation Nationale. Comme si le niveau de nos écoliers n'était pas tombé assez bas.... 

 

Mais c'est vrai, Ben  Ali a démontré qu'un trop bon système éducatif était dangereux pour la sécurité des dirigeants. Je pense que Sarkozy et ses amis de l'oligarchie financière et industrielle ont dû retenir cela de la leçon tunisienne. Avec un regret cependant :  "Si seulement on avait eu le temps d'envoyer nos experts anti émeutes, au moins personne n'aurait su d'où nous puisons notre inspiration pour gérer l'éducation nationale en France..."

 

Et puis notre Président continue de faire son Napoléon. Vous savez ce qui a expliqué l'acharnement de Napoléon de poursuivre la guerre ? Il savait que c'était le seul moyen pour garder sa place. Il savait qu'en arrêtant la guerre il perdrait très rapidement le pouvoir. C'était la fuite en avant. 

Au plus bas des sondages, après avoir fait une gaffe historique au début du mouvement tunisien, Monsieur Sarkozy décide d'emprunter les sentiers de la gloire... Or, je crains bien qu'il se soit gouré une fois de plus. La Libye n'est pas la Tunisie. Elle est loin d'être aussi mature, unie, prête pour l'invention d'un nouvel ordre, et démocratique de surcroît. La Libye est constituée d'un ensemble de tribus. Et voyez en Côte d'Ivoire, en Irak, en Afghanistan, comment les pays composés de tribus entendent la démocratie... Quel que soit le résultat de l'intervention en Libye, Kadhafi gagnant ou perdant, le résultat sera catastrophique... La seule différence, ce sera le destin du pétrole : pour nous ou pour d'autres... On ne précipite pas un mouvement vers la catastrophe, il y aura plus de souffrances, de morts, de victimes après cette intervention...

 

La France s'égare... Comme avec le numéro unique de Pole emploi : "faites le choix un, deux, trois, quatre, cinq, six" nous dit la voix automatique. Mais aucun choix n'est le bon, aucun numéro appuyé ne débouche vers la solution escomptée. C'est le château de Kafka, c'est l'absurde errance.... Et c'est notre humanité qui se dissipe à l'horizon...

 

Un employé de France Télécom s'est immolé sur le parking de son lieu de travail aujourd'hui.... Mais cette immolation ne ressemblera pas à celle de Mohamed Bouazizi.... La France ne bougera pas, la France se recroqueville, la France a peur.... Son rêve est enfoui dans son passé.... 

 

"Pressez sur la touche un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit, neuf, dix"..... Nous dit la voix goguenarde.....Et rien ne changera.....

 

 

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Jeudi 2 juin 2011, 2 h 20, Besançon

 

S'il n'était pas si tard, j'aurais envie de vous parler de Bob Dylan.

 

Je n'aime pas trop Bob Dylan, je veux dire écouter sa musique, jamais été fan et pense que je ne le serai jamais...

Pourtant, s'il n'était pas si tard, et si j'avais un peu de temps, j'aimerais parler de ce personnage que je viens de découvrir. Ah oui ? si tard ? Quand je dis tard je ne parle pas de l'heure mais des années. Oui, ce personnage que je viens de découvrir... en 2011 !

 

C'est bien, des fois, de laisser des sujets se perdre comme ça, dans les arcanes du temps. Pour avoir un jour l'occasion de les découvrir subitement, à un moment où tout prendra un autre sens...

 

Car enfin, je suis désolé de dire qu'en tant que jeune Français d'alors, le message de Dylan n'avait pas beaucoup d'intérêt. Et je ne dirais certainement pas la même chose si j'étais américain... Si j'étais américain, je dirais que Dylan est une sorte de Rimbaud pour nous. "Nous" c'est bien sûr les américains que nous serions, par la force des choses, si je l'étais.... Puisque, si j'étais américain, forcément, vous qui me lisez, vous le seriez aussi !

 

Mais bon, nous sommes Français et nous écoutons Dylan, exceptés quelques brillants anglophones, sans comprendre rien à ce qu'il dit, et sans davantage comprendre la place qu'il a pu prendre dans l'écriture de la chanson américaine.

 

Pour tout dire, je pense que si j'étais américain je serais un grand admirateur de Dylan car j'aurais le plaisir, en l'écoutant, de comprendre, ou de percevoir, ses mots si étranges, si envoûtants et si modernes !

Les Américains ne s'y trompèrent pas, quand ils écoutaient ce qu'il chantait : c'est bien son texte qui faisait la différence avec les autres chanteurs. Il a inventé une écriture. 

Or quelle valeur cela peut-il avoir pour nous qui, soyons francs, ne le comprenons pas?...

 

Il y a aussi quelque chose d'important chez Dylan, c'est sa nature, c'est sa façon d'être, c'est son attitude.

 

S'il n'était pas si tard je dirais qu'il y a même quelques points communs entre Dylan et Rimbaud, et même, qu'ils se ressemblent un peu, je veux dire physiquement : deux jeunes types aux regards clairs, pénétrants... Quelque chose dans le regard, vous ne trouvez pas ? 

 

Dommage que le cinéma n'existait pas au temps de Rimbaud. Car quel film aurait-on pu faire sur ce qu'il était entre 18 et 25 ans ! L'avantage, avec Dylan, c'est qu'on l'a filmé, et que, un jour, un grand réalisateur américain passionné de musique a fait un long film sur lui. Je veux parler de Scorcese, son film : "No direction home"

 

Ce film, déjà, a l'avantage de nous fait saisir, nous, Français, par le biais des sous-titres, cette langue particulière qu'il use dans ses chansons. Et nous permet d'appréhender un personnage complexe, extrêmement séduisant (je trouve), et, d'une certaine façon, plus intéressant que Jim Morrison, dont le film "The doors" donnait un aspect assez ennuyeux (c'est évidemment subjectif).

 

Ce que j'aime chez Dylan, comme chez Rimbaud, est, d'une certaine façon, sa solitude. Son instinct. Et c'est probablement aussi ce qui lui a sauvé la vie... Le - ce qui semble un faux - accident de moto lui a évité la lente descente aux enfers qu'ont eu aussi bien Rimbaud que Morrison. Par rapport à Rimbaud, disons qu'il a eu la chance que la chanson rapporte mieux que la poésie. Il est certain qu'avec un bon pactole pour refaire sa vie, Rimbaud n'aurait pas fini si tristement. Il aurait probablement moins eu à marcher et n'aurait peut-être pas chopé ce cancer du genoux qui l'emporta. Et va savoir s'il n'aurait pas repris l'écriture, après huit ans de pose, comme Dylan l'a fait avec ses concerts ?

 

Certes, si Dylan n'avait pas levé le pied et en serait peut-être mort, peut-être serait-il devenu un mythe, comme Rimbaud ou Morrison ? Peut-être, peut-être, tout peut s'imaginer...

 

Quelle classe donc ce Dylan ! 

Et alors, si je n'ai pas grand plaisir à l'écouter sans le voir, je constate, avec le recul, une chose. C'est que le style de langue qu'il a inventé pour la chanson s'est transmis de proche et de loin. On a parlé de son influence sur les Beatles et quelques autres anglo-saxons célèbres. Mais en France il a déteint aussi, et notamment sur l'écriture des chansons de... Bashung.

 

Il faudrait bien des analyses et des démonstrations pour prouver cela. Et je n'ai pas le temps et ce n'est pas mon métier. Pourtant cela me paraît presque certain. Est-ce que Messieurs Fauque ou Bergman seraient d'accord ? Si je les croise un jour je leur demanderai.

En tout cas l'influence semble presque certaine, et il n'est qu'à feuilleter les paroles de l'album "Osez Joséphine" pour se rendre compte qu'on passe d'un texte de Fauque à un de Bergman et à un de Dylan sans qu'on sente un vrai contraste (excepté la langue !)

Oui, Dylan a inventé beaucoup, avec cette grâce nonchalante des jeunes gens, avec cette sorte d'obsession de l'écriture, de la machine à écrire qui semble, par ailleurs, l'avoir protégé de la tourmente de ces tournées infernales, - comme elle semble, aussi, avoir été l'expression d'un égocentrisme certain (la scène du film où il martèle sa machine tandis que la jolie Joan Baez chante est quand même assez exaspérante).

 

Beau portrait que nous fait donc Scorcese, après Pennebaker (Dont look back, 1965) dont il utilise quelques plans. Le film nous montre que Gainsbourg n'était pas si bon que ça dans les médias, car les réponses du jeune Dylan aux journalistes n'étaient jamais vulgaires ou dégradantes pour leurs interlocuteurs (je ne pardonnerai jamais à Gainsbourg ses propos à Catherine Ringer), mais cocasses jusqu'au surréalisme et souvent d'une ironie irrésistible.

Oui, beau portrait et beau personnage qui a en même temps reçu un immense succès et des terribles attaques et critiques de la part du public même.... 

Oui vraiment, s'il n'était pas si tard, j'aurais vraiment aimé vous parler de ma découverte de Dylan.....

 

 

 

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Jeudi 2 juin 2011, Besançon

 

Chacun pose sa pierre quand il est question de construire un monde nouveau. Cela prend du temps, parfois beaucoup. Mais les idées ne s'effacent pas si facilement même si l'on a parfois l'impression qu'elles stagnent.

 

Dans ce contexte de crise, on s'aperçoit que ceux qui l'ont semée, les banques et les financiers, ne sont pas ceux qui en paient le prix. Un sentiment d'injustice se fait sentir. Et surtout quand on constate que le système qui s'installe dans le monde depuis quelques décennies va dans le sens des intérêts d'une caste de plus en plus étroite, et qu'il sème de plus en plus de pauvreté, de souffrances et de misères... En outre, ce système n'a pas d'avenir à long terme, il conduit à une impasse. Et ce système n'est pas à l'honneur d'une progression de l'homme mais qu'il impose une régression de l'humanité...

 

L'actualité met en valeur cette injustice grandissante, met aussi en valeur les dysfonctionnements, de plus en plus visibles, de ce système qui, du reste, est extrêmement complexe puisqu'il concerne le monde entier.

L'actualité montre aussi que la révolte monte et qu'elle a déjà réussi à gagner des parties. Donc qu'une lutte peut être engagée, et peut aussi, peut-être, être gagnée.

Alors les actions se montent, - on se réveille...

A Besançon par exemple, comme dans beaucoup de villes, des mouvements sont créés. Ils ne sont pas suivis pas des milliers de personnes dans chaque ville, mais au total cela fait quand même du monde ! 

Ce qui est important aussi, c'est que ce mouvement est mené par des jeunes. C'est donc un mouvement qui désigne un avenir.

Quelques photos d'une action menée cette après-midi par le groupe Besançon Démocratie Réelle :

 

    

 

   

 

 

 

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Mercredi 12 octobre 2011

 

Je n'ai rien écrit dans ce journal depuis le mois de juin.... Cet espace de communication a peut-être été remplacé par un autre, ce facebook qui a tant de succès...

Ce soir, donc, je reprends l’écriture, c’est devenu nécessaire, mais ce ne sera plus public cette fois. En tout cas pour l’instant…

J’ai vraiment l’impression de vivre la fin d’un monde, ce monde qui a été, en quelque sorte, le mien… Je le ressens d’abord avec cet écroulement du disque… Je le ressens avec ces débuts d’affaires qu’on nous fait passer comme liées à cette fameuse crise, mais qui ne le sont pas. Je veux dire que cette crise n’est qu’une page qu’on est en train de tourner. Le capitalisme a changé de visage. Il est devenu un sauvage qui a décidé de faire entrer le monde entier dans sa sauvagerie.

On revient au temps des grands seigneurs, ceux qui avaient les moyens de construire de rutilants châteaux tandis que les paysans crevaient de faim, assommés par les taxes. Les riches sont de plus en plus riches, et quand ils sont organisés en groupes d’actionnaires, de trusts industriels, alors ils deviennent plus puissants que les états…

On a vu ce que donnaient ces régimes. On va voir ce que ces nouveaux vont faire subir… Cette putain d’espèce humaine n’évoluera donc jamais dans le bon sens…. C’est tant pis…

Regarder tout ça se mettre en place est un spectacle déprimant. D’autant plus déprimant que je ne me suis pas mis, mais vraiment pas, du bon côté…

Mais ce n’est pas grave. Une vie c’est court et j’ai déjà un bon stock d’existence. Après tout, cela ne sert à rien de se croire éternels. Nous ne le sommes pas et donc, 51  ans d’une vie assez intéressante à mon goût, c’est déjà pas si mal.

Car voilà. La vie d’artiste devient vraiment de plus en plus difficile. Certains pensent que ce n’est pas si important. Le problème c’est que, pour moi, il n’y a que ça d’intéressant. Est-ce plus intéressant que de vivre ? Ce n’est pas ainsi que je formulerais. Je dirais que c’est cela, la vie, ma vie…

Après, voilà. On peut essayer de faire autre chose si la vie le permet. Et en faisant cet autre chose, continuer à créer quelque chose. Après tout j’ai plus d’une corde à mon arc, donc si je ne peux pas faire ceci, je pourrai toujours faire cela. En quoi faire des chansons serait-il plus important qu’écrire autre chose, ou que de photographier….

Je dis cela car la menace semble en ce moment venir de toute part. Contrôle de Pole emploi qui veut essayer de me faire passer pour un dirigeant de l’association, ce qui aurait pour effet de m’éjecter immédiatement du régime de l’intermittence. Et d’autre part, l’association qui m’emploie et aussi qui me soutient dans mes projets, se trouve actuellement dans une situation vraiment critique… Seule la Ville pouvait nous aider à passer ce cap difficile et nous avons reçu aujourd’hui la petite lettre qui nous signalait que cette aide était refusée. Sachant que notre dossier était dans les mains d’un type qui se vante, en discutant avec un de mes musiciens de « n’être pas mon copain », j’avoue que la réponse n’est pas surprenante…

Alors voilà, une asso qui me soutient en voie de cessation de paiement, moi sans allocations, déjà que j’ai quelques dettes qui traînent, dont un sérieux retard de loyer… On voit que l’avenir est en train de devenir problématique….

Ceci dit j’ai reçu aujourd’hui une bonne nouvelle. Cela faisait sept mois que je me débattais pour essayer de convaincre les représentants des droits de Django Reinhardt de m’accorder le droit de citer quelques notes de Django dans mon morceau « Gens du voyage ». Eh bien j’ai reçu la réponse positive aujourd’hui. C’est magnifique car, quand vous faites un texte qui vous tient à cœur sur l’histoire des manouches, en mentionnant les discriminations qu’ils ont subies pendant des siècles, se voir refuser par leurs représentants d’utiliser quelques notes de Django, c’est une situation vraiment désespérante. Cette réponse du responsable de Cristal Publishing, qui possède les droits d’édition de Django, ça a été comme si les manouches venaient me donner leur assentiment quant à la chanson que je leur ai consacrée. C'est-à-dire que soudain le monde s’ouvre, de moi à eux avec la chanson, d’eux à moi avec cette autorisation. Autant dire, c’est comme si le mur entre nos peuples était tombé, offrant une promesse pour tous les manouches, promesse d’une rencontre, d’une réconciliation…

 

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Dimanche 25 décembre 2011, Tabor (cz)

 

C'est étonnant ce que l'on écrit comme ici, - je veux dire : c'est étonnant lorsqu'on se relit... Dans une vie on passe par une infinité d'instants pendant lesquels on peut avoir une inspiration différente. Ce que j'écrirai maintenant, dans une heure je l'écrirais différemment. Notre esprit est traversé d'images, de voix à peine perceptibles qui murmurent en nous en permanence. On s'en rend compte quand on se réveille en pleine nuit : on a l'impression qu'on était en train de penser, alors qu'on dormait. La nuit notre pensée se poursuit sous la plaque de la conscience, dans les sous-sols de notre esprit. Et, quand on se met à écrire, comme maintenant, soudain on donne la parole à cette voix permanente. Et, au lieu de continuer sans cesse, là, elle s'arrête. A la fin de ce petit texte il y aura un point final. Et ce que j'ai écrit prendra fin, et la pensée qui a guidé mes doigts sur le clavier prendra fin elle-aussi.

 

Alors, ce qui aurait dû s'effacer, comme une bande magnétique qui tournerait en boucle, et dont les nouveaux enregistrements effacent les anciens, - ce qui aurait dû s'effacer est fixé par les mots. C'est pourquoi, des semaines ou des mois après, lorsqu'on relit un de ces fragments de pensée continue, on est surpris. On reconnaît ce qu'on a écrit, mais on s'en étonne quand même... Comme si quelqu'un d'autre avait écrit ces mots sur le clavier...

 

Lorsque j'écrivais de vrais journaux intimes, sur des cahiers à la couverture toilée, j'avais découvert à quel point on oublie ce que l'on a vécu, ce qu'on a pensé, les points de vue qu'on a eus. A quel point on oublie...

On passe une vie à oublier et, un jour, la mort vient donner son grand coup d'éponge, et le tableau redevient vierge...

 

Je viens donc de relire le texte ci-dessus et je suis atterré de voir que déjà il y avait ce problèmes avec Pole Emploi. Et ça continue... Après l'épisode "on vous bloque pendant trois mois votre compte parce que la Trésorerie a voulu prélever à un Tiers détenteur", il y a eu "on vous bloque votre compte parce qu'on fait une enquête sur vous" et puis, lorsque l'enquête s'est avérée terminée, on a perdu votre dossier, et le temps qu'on retrouve votre dossier, évidemment, puisque vous ne pouvez pas payer vos impôts quand vous faites l'objet de ces retards cumulés, la Trésorerie essaie à nouveau de vous prélever et le blocage continue.... Entre temps, comme vous ne pouvez pas payer votre loyer, vous recevez un huissier qui vous dépose un formulaire vous donnant deux mois pour payer votre loyer, sans quoi votre bail sera résilié, et, sans l'argent que vous a prêté un ami, vous n'aviez pas un sou pour passer les fêtes de Noël....

 

Dans quel état faut-il se mettre dans ces moments là ? Vous cédez à la panique et on vous retrouve mort contre un arbre, poussé par un regrettable coup de volant ?... Ou vous faites comme ce jeune vendeur tunisien, vous vous immolez devant la Préfecture de votre localité ?... 

 

Mais n'allez pas croire qu'une Révolution s'ensuivra... Les Français ne savent plus contre qui se révolter... 

 

En tout cas, il est clair que celui qui a demandé la réorganisation de Pole Emploi, c'est Monsieur Sarkozy et son gouvernement... 

Celui qui a supprimé l'impôt sur les grandes fortunes et qui essaie maintenant de faire des économies sur le dos des plus humbles, celui qui a supprimé la taxe professionnelle, laquelle a été remplacée par une autre taxe, concernant une partie de ceux qui étaient exemptés de taxe professionnelle auparavant, et qui, dans tous les cas, est plafonnée à 3000 euros... Ce qui revient à dire que la charge est de plus en plus lourde pour les "petits", et de plus en plus légère pour les "gros" ! Imaginez ce que devait payer une entreprise comme Peugeot auparavant, alors que maintenant ils ne paient plus que 3000 euros ! Une bagatelle quoi !

 

Alors, que se passe-t-il lorsqu'on ouvre les portes à un système pareil ? On entre dans un état de sauvagerie, où les riches participent de moins en moins au bien public, où ils occupent de plus en plus l'espace public dont ils ont verrouillé l'accès, et où les pauvres s'épuisent à payer de toute part... On en revient à la France d'avant la Révolution Française....

 

Mais bon, on ne va pas paniquer. On va attendre de voir la forme que prendra cette sinistre catastrophe. Il est difficile, certes, de perdre des acquis, d'entrer en récession. Mais la vie a encore quelques générosités qui aident à tenir le cap et à être patient.

 

Le chanteur, par exemple, a vécu ce mois-ci quelques satisfactions. Jouer avec une formation qui est de plus au plus au point. Le dernier concert était ce jeudi 22 décembre, et je me suis senti tellement bien... Résultat d'un travail mené pendant des mois. Résultat de mises au point successives, à des endroits fort différents, que ce soit dans le jeu des musiciens ou dans celui du chanteur, que ce soit sur des sujets techniques ou personnels... C'est difficile de créer une "union" avec des individualités, c'est difficile ce faire une "cohérence" en s'inspirant d'éléments disparates, c'est difficile d'assumer d'être leader quand vous n'aimez ni donner des ordres, ni en recevoir, c'est difficile de vous mettre en lumière quand vous aimez tant la discrétion de l'ombre...

Il a donc fallu des discussions, des explications, de la précision pour être compris. Mais il a fallu aussi être soutenu, et je dois reconnaître la magnifique complicité de Stéphane, notre bassiste. Stéphane a été en quelque sorte mon ange gardien dans le groupe. Je l'en remercie du fond du coeur...

 

Il a fallu aussi que j'interroge celui que je mettais devant les yeux des spectateurs, car on n'est pas toujours celui qu'on imagine être. Il a fallu se détacher de lui et lui demander de travailler son attitude, de prendre conscience de ses mouvements, de son allure. Que ce soit face à une caméra, que ce soit face à un miroir : apprendre à ouvrir les yeux, à se regarder bouger, pour ensuite occuper son corps devant les spectateurs et les regarder. Certains se voient offrir un coach par leur producteur. Sans producteur il fallait que je devienne mon propre coach. Analyser les séquences de concert filmées, et tout reprendre devant un miroir. C'était un travail un peu contre nature, mais tellement utile....

 

Chaque travail mené porte ses fruits. Un concert doit donner un plaisir au public et aux musiciens. Votre travail personnel donne ses résultats pendant ce moment magique du concert. Car je parlais des individualités. Chaque musicien a la sienne. Chacun porte un rêve de projet personnel. Plus votre projet est porteur de cohérence, puis il reçoit l'adhésion des individualités qui le constituent. Cette adhésion est indispensable et n'est jamais totalement acquise... Quand on la sent, comme c'était le cas lors de ce dernier concert de l'année, c'est magnifique. Alors le Pole Emploi qui vous met en danger et hante votre avenir, vous le mettez sous cloche, comme la lettre dans "La Marge" d'André Pieyre de Mandiargues, et vous continuez à tenir votre cap, vous vous donnez un droit de vivre, d'exprimer, de créer. Le droit d'aimer...

 

Mes amis aussi... Ils sont hommes, ils sont femmes. Ils sont doux, ils sont intelligents. Ils me tiennent en vie. Je les remercie eux aussi de tout coeur....

 

Voilà, la fin de l'année arrive. Les inquiétudes sont grandes, mais cette année m'a permis de monter un projet cohérent et défendable. Il y a eu des rencontres passionnantes, il y a eu des propositions de collaboration, il y a eu des lancements de perspectives, et il y a eu des moments de grande humanité... C'est cela qu'il faut prendre en compte, et tant pis si ces financiers, ce Sarkozy qui joue leur jeu, font peser sur nos têtes une lourde menace. C'est maintenant justement qu'il ne faut pas lâcher la barre, qu'il faut tenir coûte que coûte. Créer c'est résister, résister c'est créer un avenir. Que chacun le fasse à son niveau. Accrochons-nous et ne refermons pas nos esprits...

 

 

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Dimanche 15 avril 2012, Le Moulin de Brainans

Réveil dans la zone appelée "Loges" du Moulin de Brainans.... Il n'y a plus personne, me suis levé trop tard, il n'y a plus qu'un "dedans" sis sous un faux ciel bleu et un "dehors" sis sous un vrai ciel gris d'où la pluie tombe plutôt tranquillement...

 

Le "dehors" et le "dedans" communiquent par le son. Ici, c'est bien la patrie du "son" : même quand les amplis sont éteints. Le frémissement de la pluie et du vent dans les feuilles, quelques chants d'oiseaux en stéréo large spectre. J'ai de  l'espace plein les oreilles sans grand renfort de décibels...

 

Le "dedans" est passif comme un micro dont  personne n'aurait allumé l'alimentation Phantom 48 volts. "Dedans" rien ne bouge, de dedans aucun son ne vient, excepté le couinement du banc de kermesse sur lequel je suis assis...

 

Pas de bruit mais des signes, partout :  sur les boiseries peintes en jaune, sur le ciel bleu avec de beaux nuages blancs peints au plafond, et sur chaque meuble, chaque objet. C'est comme une mémoire qui court, dans ces autocollants collés partout, avec leurs noms de groupes, leurs graphismes rock, punk, underground, sages ou kitchs...

 

Derrière chacune de ces petites images, quelques peu roublardes et fashion, l'écho d'une soirée ; d'abord là-bas, dans le tumulte de la grande salle, et puis ici, pour des after dont certaines ont dû être du pire baroque nineteen's ! 

L'écho du rock dont je sens les ficelles pendre de ce faux ciel bleu... oui car sans ces gens que j'ai vus à l'oeuvre hier soir, ce Gavroche plein de souvenirs, ce Jean-Luc plein d'amour, et Pauline et, avant, ces petites mains que je voyais préparer le repas de l'équipe avec un soin, une attention qui vous donnent des frissons... oui, sans ces salariés engagés comme des moines et sans tous ces bénévoles au service de l'art et de la fête, bien sûr que rien n'aurait été...

 

C'est très curieux d'envisager toute cette histoire dans cette salle vide, un dimanche pluvieux mais d'une pluie printanière, pleine de lumière.... 

Et de lire tous ces noms collés au mur : NO WAR ; Flying Donuts ; Not my Président ; Startruck ; Sexypop ; Steroid ; Les Lutins Géants ; LOS 3 PUNTOS ; Raoul Petite (dont Jean-Luc est fan, qui me disait, cette nuit, que ma voix ressemblait à celle de Raoul, un compliment en somme) ; Les Blaireaux ; Kaophonic Tribu ; Mon Côté Punk ; Deportivo.... 

Une pose pour chaque nom, un cliché de style campé sur une tribune m'as-tu-vue : les codes d'un mélange de masque, d'image de soi, d'un besoin d'être vu, identifié, remarqué....

 

La mythologie des musiques actuelles, la pose et l'étiquette... Le rock Français et d'ailleurs, l'authentique comme la copie conforme, l'art et le cochon, mais peu importe, une longue suite magnifique de soirées déraillées et échevelées, dans une volonté commune de faire vivre le public avec les "artistes", de faire retentir la musique, d'emporter les esprits, de desserrer les étaux du quotidien, de créer la mémoire d'une génération, de faire éclater la vie dans un artifice de décibels, de chants et de cris, de fumées et d'alcools, de substances explosives, de sabotage des limites....

 

Ici, là, à côté, dehors, l'homme a passé les bornes, la femme a tombé l'uniforme. De la scène à un coin d'herbe, les désirs, les ivresses, les délires, ont coulé comme l'eau dans les pales d'un Moulin du Jura, une des premières scènes de musiques actuelles de la région... Ce lieu magique et parfumé qui, hier, nous a invités à venir jouer notre musique !

 

Et c'était bien... 

et maintenant il faut que je me sauve car on m'attend pour dîner ! 

Merci donc le Moulin, et, comme dit le graffiti ci-dessous : longue vie !

 

 

 

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Mardi 1er Mai 2012, Tabor (CZ)

 

Le 30 avril en République tchèque est le jour des Sorcières "Čarodéjnice". On dirait plutôt, nous, la nuit des sorcières, car c'est bien la nuit que tout a lieu...

 

Toute la journée du 30 avril on voit d'étranges préparatifs : on coupe du bois, on l'empile aux abords de foyers en construction. Et les lieux ne manquent pas dans ce pays pour faire des feux en plein air. Car la nuit du 30 avril, presque toute la République tchèque sera devant un feu de camp.

 

On comprend que, là où se trouvent les cottages - autre tradition de ce pays, les cottages regroupés dans les collines, au bord des rivières et des ruisseaux - il y a toujours un emplacement pour un feu et, autour, des bancs en cercle autour du foyer. Car il y aura au moins un jour de l'année où le feu sera utilisé, c'est cette nuit du 30 avril.

 

Vers 19 heures, on se met à sentir la fumée du feu de bois partout où l'on va. Partout on allume des feux. La nuit tombera une heure et demie plus tard et il semble que tout le pays se recouvre du voile de fumée blanche de la nuit des sorcières.

 

 

Vous voyez la lumière, en haut, dans la forêt ? Voici un feu, un gros... Et il y en aura un autre derrière le photographe, on le découvrira plus tard. 

 

Les feux, donc. Chacun fait le sien : le petit feu derrière le jardin où la famille se réunit pour griller quelques saucisses ; le feu en pleine nature où une bande de jeunes a décidé de se retrouver bien loin des parents ; des feux organisés par des associations ou groupements divers ; des feux montés en commun par les propriétaires d'un ensemble de cottages voisins (c'est souvent le cas). Bref, il n'y a pas de règle, chacun décline la nuit des sorcières a sa façon. 

 

Mais il faut quand même préciser qu'il y a deux autres compagnons de route de cette nuit là. D'abord il y a la bière et les boissons alcoolisées. Car pour beaucoup cette nuit là sera une nuit d'ivresse mémorable ! Et puis, curieusement, il y a un style de musique. Car autour des feux, souvent, il y a des guitares. Mais il y a aussi des groupes de musique dans les bars. Bref la musique est, ell-aussi, un peu partout, et surtout la musique folk. Une musique folk très tchèque, inspirée de la country américaine, mais mélangée de curieuse façon avec un folk local... C'est une alchimie qu'il faudrait être tchèque pour expliquer, et je ne vais pas demander à Ludmila, ma musicologue, de me l'expliquer, car elle a horreur de cette folk musique. Donc, disons qu'on joue une country tchèque quasiment partout où le bois crépite.

 

L'alcool est partout. Même où il n'y a pas de feu (on se retrouve sur les places pour boire quand on n'a pas accès à un jardin où faire un feu) Le feu, presque partout ; les guitares, acoustiques et électriques, selon si on connaît des musiciens et parfois... des sorcières !

 

Car, dans cette nuit, il arrive qu'on brûle des sorcières de chiffon et de bois. En voici une :

 

  

L'évolution de la crémation de la sorcière, que montrent ces deux images, est très intéressante... elle est un peu le reflet de l'histoire de cette tradition....

 

Ceux qui connaissent Tarkovski se souviendront peut-être de la scène de la fête païenne dans le film "Andreï Roublev". Ce 30 avril est à l'origine probablement la même fête, une très vieille tradition de la culture slave... 

 

Cette nuit là, on dit qu'avait lieu un rituel particulier où, l'alcool et la nuit aidant, les barrières tombaient et les hommes et les femmes, mariés ou non, avaient le droit de céder à leurs désirs. L'adultère était donc permise une nuit de l'année, cette nuit là. 

 

On a donc gardé de ces nuits, l'alcool et ses états seconds. Et puis le christianisme est arrivé et, lui, ne pouvait tolérer ces écarts de conduite. On en voit une illustration dans le film de Tarkovski où la nuit, à l'arrivée des soldats travaillant à la solde des seigneurs et de leur nouvelle alliance avec l'église orthodoxe, va se terminer dans un bain de sang...

 

L'église chrétienne n'aime pas les fêtes païennes et leurs permissivités immorales. Mais l'église chrétienne a fait grand usage du syncrétisme. Or, au lieu de faire disparaître les rituels païens, elle leur donne seulement un nouveau visage. C'est ainsi que la nuit des sorcières a remplacé la nuit de l'aventure charnelle... Les deux photos ci-dessus en sont l'illustration : une fois les vêtements de la sorcière brûlés apparaît la violente règle de la croix.....

 

 

Ceci dit, les enfants ne savent pas tout ça et ils adorent le feu. Alors, pendant que leurs parents boivent bière sur bière, eux s'abreuvent de la fascinante lueur du feu qui dévore la non moins fascinante sorcière.....

 

  

 

 

 

 

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Dimanche 15 juillet 2012, Berlin

 

Avant propos :

 

Le (néo)journal va reprendre... reprends ! Il fallait un peu de retrait, de recueillement... L'invisibilité, le silence de la graine...

Mais voici le printemps, et bientôt l'été ! Le (néo)journal a porté ses fruits, et le voici qui me propulse, qui me catapulte ! 

 

Nous sommes ici à Berlin, pour quelques jours. Un peu de temps libre. Je veux dire de ce temps qui laisse un peu de place au vivre. J'ai quitté Besançon alors que mes tâches de réalisateur ne me laissaient pas une minute. Six jours pour respirer, imprimer son esprit de quelques sensations, d'un peu de sens, de découverte, et puis revenir à Besançon pendant un mois à finir mon travail et préparer un nouveau voyage, un beau, un très beau voyage....

Un voyage que je dois à ce (néo)journal... 

 

Car le (néo)journal va cette fois m'emmener loin, très loin... Le (néo)journal va me conduire vers mes rêves d'adolescent... Nous allons partir, lui et moi, dans le train de "Bourlinguer" bien plus que dans celui de "La Prose du transsibérien". Vous avez peut-être reconnu deux titres de Blaise Cendrars... 

Nous allons partir sur les traces de Corto Maltese, dans une Sibérie de pionniers, sur les traces de ces paysans Russes qui sont allés vers l'Est à la conquête de leur liberté, fuyant le servage imposé par l'aristocratie immuable de Moscou et Petersbourg...

Nous allons donc partir vers cette Sibérie joyeuse, ensoleillée, la Sibérie du blé, de l'élevage, de l'industrie laitière... Vers la Sibérie de l'Or aussi, la Sibérie du midi, celle dont Alexandre Dumas disait : "Il a été reconnu que c'était un pays magnifique, prodigalement riche et, grâce aux procrits que l'on y envoie et qui, en général, sont la fleur de l'intelligence, de deux siècles plus avancés que le reste de la Russie"

 

Mais stop. Nous n'y sommes pas encore, patience.

Nous aurons bien le temps de revenir sur la question : le voyage est prévu fin août....

 

Mais, avant de refermer totalement le sujet, il faut dire que, comme dans les livrets de Corto Maltese, il y a toujours une femme qui se mèle de tous les départs. Cette mystérieuse et troublante magicienne de l'ombre, au pouvoir magnétique et souterrain, Hugo Pratt l'a nommée "Bouche Dorée". Il en a fait un être millénaire à l'éternelle jeunesse. 

 

C'était certainement sa façon de représenter ces femmes étonnantes, au pouvoir aimable et intelligent, maniant avec élégance les leviers des décisions, sans vanité ni brutalité, mais avec une efficacité lumineuse rendant tous leurs faits si évidents qu'inévitablement, avec nos yeux de demi-enfants, nous finirons par les voir comme des magiciennes. 

 

Eh bien, pour ce futur voyage de deux mois dans le far-Est, l'initiatrice se nomme Christine Garnier. Elle travaille pour le Conseil Régional de Franche-comté, dans le service de la coopération décentralisée. Et les futures pages de ce (néo)journal, qui commencent aujourd'hui et finiront à mon retour de Sibérie début novembre, toutes ces pages et celles du livre qui en sera tiré lui seront de fait dédiées. Merci Chritine Garnier !

 

On reprend tout à Berlin.

 

On reprend tout à Berlin car il faut s'éloigner de son quotidien, de son chez soi pour que l'esprit se mette à désirer se laisser plonger dans une demie fiction. Je parlais du désir au départ de mon précédent voyage pour la Russie. C'est bien là le moteur de toute mise en écriture. Et le désir a besoin d'espace...

 

J'avais lu, il y a longtemps, que le mot "prose" signifie "qui marche devant". J'ai compris à ce moment pourquoi j'aimais à ce point la prose. Est-ce aussi pour cela que Rimbaud, qui aimait tant marcher, s'est mis à muer sa poésie rimée en la prose féérique des illuminations ?

 

Le désir, l'espace, le pas, le mouvement, la prose....

C'est pourquoi, en ce premier jour de présence à Berlin, je décide de reprendre ce journal volontairement interrompu ces derniers mois.

 

Alors, Berlin ?

Berlin ne m'est pas une ville inconnue. C'est la quatrième fois que j'y viens. La première fois c'était quelques jours après la chute du mur. J'avais monté rapidement un scénario, trouvé une société partenaire, et nous étions venus tourner ce que je voulais être mon premier court-métrage.... Le film n'a jamais été monté. Personne n'a voulu donner les moyens de faire ce montage. Le matériel vidéo à cette époque coûtait des fortunes.... Mais c'est à cette occasion que j'ai rencontré Maria et Torsten, que m'avait présentés Luc, un ami bisontin...

 

Maria et Torsten font partie de ce groupe de jeunes alternatifs qui ont décidé, en 1981, d'occuper une usine désafectée et ses dépendances? La "Regenbogenfabrik". Ce fut un mouvement déterminé, musclé. On a construit des barricades, démonté le pavé. Et, parallèlement, négocié les conditions d'occupation de cet immense squatt (en fait, une ruine). 

 

Comme on était à Berlin, dans cette enclave au milieu de l'URSS, et que les yeux du monde entier étaient rivés sur ce qui se passait dans une des trois capitales mondiales de l'art, les administrations ont cédé...

 

C'est ainsi que Maria et Torsten se sont retrouvés soudainement, avec leurs complices du 23 Lausitzerstrasse, quartier Kreutzberg, légitimement occupant un immeuble de cinq étages. Bien sûr ils récupéraient, avec le cadeau, la charge de la restauration et de l'entretien de deux immeubles et de tous les locaux de l'ancienne usine. Le tout contre un loyer dérisoire. Mais personne ne vous a dit que ces jeunes gens de l'époque étaient des cas sociaux sans aucun sens des responsabilités ! Non, les voici qui allaient devenir de dignes locataires et allaient s'acquiter de leurs charges et de la rénovation de l'immeuble.

 

Le seul "mais" c'est qu'on les a toujours empêchés de devenir propriétaires. Un loyer dérisoire, d'accord, mais pas de titre de propriété... La victoire n'a pas été à 100%

 

Pour la suite, nos alternatifs allaient entendre la vie d'immeuble à leur façon. L'immeuble allait garder un fond communautaire. Ils ont décidé de s'installer chacun dans un appartement privé, relativement petit. Mais ont réservé le dernier étage pour un usage collectif. Ils ont donc installé une grande pièce avec une cuisine et une table pour une douzaine de personnes, un salon, une bibliothèque, deux chambres, qui seraient utilisable pour tous. On a accroché au mur un grand calendrier de l'année en cours, et chaque locataire écrit l'espace qu'il veut réserver pour lui, chambre d'amis, salle à manger pour une bouffe avec des amis, salon pour une soirée vidéo.

 

Et c'est ainsi que nous nous sommes retrouvés un jour à dormir ici. La première fois c'était en 91, la seconde en 94. Théo n'avait que deux ans....

 

Ludmila, quand je lui ai dis que nous allions loger chez d'anciens squatters s'attendait (prévention tchèque) au pire. Et c'est enchantée qu'elle a découvert cet appartement confortable, propre avec plein de plantes vertes soigneusement entretenues, avec un grand balcon dominant un espace de verdure... "Magnifique ! me dit-elle, Moi qui pensait que..." Eh oui, mais c'est sans connaître l'esprit allemand... Le sérieux et la fantaisie se marient très bien ici... L'imagination et l'organisation... Hommage à vous,vous, voisins germains ! 

 

Stop ! Rewind !

 

Le dernier élément que l'on doit aborder pour ouvrir ce nouveau cycle du (néo)journal, c'est la photographie.

En prévision de mon voyage en Sibérie et de la publication papier qui en sera tirée, il a fallu que j'envisage d'acquérir un appareil photo digne de cette mission. Or, la technologie venait juste de mettre au point la génération d'appareils que j'attendais depuis l'invention du numérique, un boitier du format Leica M, avec la qualité d'image et la réactivité desdits boitiers Leica. Bien sûr il y avait déjà le M8, puis il y a eu le M9. Mais, en premier lieu, ces boitiers sont plus gros que leurs prédécesseurs argentiques, et, en outre, leur coût est inaccessible pour moi. C'est regrettable car j'ai toujours les merveilleuses optiques de mon M6 et j'ai un grand respect pour cette magnifique technologie européenne, avec sa somptueuse maîtrise optique et mécanique....

 

C'est alors que deux multinationales japonaises ont mis au point et sorti, entre la fin 2011 et le début 2012, deux appareils, l'un chez Sony, l'autre ches Fuji, qui permettent tous les deux des performances égales aux boitiers Leica. Avec des bagues d'adaptation, il devenait possible de remettre en activité mes anciennes optiques Leica.

Après la collecte de quelques aides, le fruit de quelques ventes, j'ai donc réussi à m'acheter l'appareil dont je rêvais, et j'ai soudain ressenti une immense joie à reprendre un appareil photo et refaire de "vraies" images. 

Quel enchantement !

 

Voici donc les premières images de cette série de voyages :

 

1) Sur la route entre Besançon et l'aéroport de Lyon (Une lumière extraordinaire. Est-ce qu'on n'a pas l'impression d'être déjà dans le transsibérien ?)

 

 

 

 

 

2) Lors d'une escale de cinq heures à Dusseldorf

 

 

 

 

 

3) Premières images à Berlin :

 

 

avec, complice de cette nouvelle exploration, Ludmila !

 

 

 

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Mardi 17 juillet 2012, Berlin

 

Je pense que je n'ai pas de chance avec Berlin du point de vue du soleil. C'est la deuxième fois que j'y viens en été, la précédente fois c'était un mois d'août complet, et c'est toujours ce temps mitigé, hésitant entre ensoleillement venteux et pluie.

 

Mais bon, disons que cela évite la monotonie ! Il suffit de le savoir et d'avoir toujours sous le coude une veste et un parapluie !

Mis à part cette banalité, le programme d'hier en a été une autre : tour de la ville en bateau mouche ! 

Le comble de l'originalité a pour justification une contrainte propre à de nombreux touristes : quatre jours pour visiter la ville. C'est vraiment, pour une ville comme Berlin, insuffisant....

 

Alors, jouons le jeu. Lever en douceur, le matin est réservé aux écritures et ses divers traitements.

A midi, nous avions décidé d'aller manger dans un de ces charmants restaurants le long du canal qui se sont passablement multipliés depuis mon précédent séjour, il y a dix huit ans. 

Depuis notre Regenbogenfabrik, rue Lausitzer, c'est très facile : il suffit d'aller au bout de la rue et de prendre à droite sur le quai du canal (Paul Lincke Ufer), en direction de la rue Kottbusser. 

Le quai est très agréable. Quasiment dénué de circulation, il présente, au bord du canal, une allée pour piétons et vélos couverte d'arbres. Face au canal, une série de belles façades des années d'avant guerre aux couleurs et aux formes variées. C'est là que bientôt sera installé le premier restaurant, puis la série des autres. Chacun a devant sa porte une petite terrasse avec parasol, ou verrière ou encore tonnelle. Le style est décontracté, les menus sont accessibles et on y mange plutôt bien étant donné le contexte germanique !

 

            

Car ces vingt dernières années ont été pour les Allemands une révolution du goût ! Je l'ai vue se mettre en place lors de mes précédents séjours. Les menus ont commencé à se diversifier avec la venue d'immigrés qui se sont installés pignon sur rue avec des restaurants de spécialités du monde entier. Que ce soient les Italiens, les Français, les Turques, les Grecs (ou pseudo Grecs, c'est-à-dire Turques), les standards gustatifs se sont enrichis et on finit rapidement par boire un meilleur expresso ici qu'en France...

 

Ces restaurants du quai Paul Lindke, ont été dès le départ dans une nouvelle mouvance gastronomique. Ils accueillaient une clientèle de jeunes adultes qui avaient envie de nouveautés, comme un avant goût des voyages qu'ils avaient envie de réaliser, sac au dos, dans le monde entier.

 

Nous avons choisi d'aller au café Ubersee. Pour neuf euros nous avons eu un plat vraiment copieux avec salade. Les olives étaient délicieuses dans la salade, peut-être par le fait de la présence, à une centaine de mètres, d'un supermarché turque qui offre une variété impressionnantes d'olives de toutes sortes et de tous calibres. Le temps s'est prèté à la circonstance, le déjeuner fut très plaisant.

 

Nous n'avions plus qu'à nous rendre de l'autre côté du canal, en passant par le pont tout près, pour aller acheter nos places pour le tour de la Ville. Le coût : 19 euros par personne. La durée : trois heures. Une façon simple de passer une après-midi sans s'arracher les cheveux sur les languettes de la carte (au pliage et au découpage aussi savant qu'un origami !). 

 

Bref, nous fûmes sur le pont et le bateau a largué ses amarres....

 

En voyant le pont devant nous, Ludmila me dit : mais nous ne pouvons pas passer par là, le pont est trop bas !?  Ben si, on passe. Mais une alarme signifiera à chaque fois à un éventuel distrait qu'il faut replier sa tête. Parfois on ne peut rester debout sur le pont lorsque nous passons sous un pont.

Nous aurions dû prendre l'option du commentaire en Français. Peut-être, si nous avions désiré tout savoir du Berlin des bords de l'eau... Mais finalement à quoi bon... Nous nous sommes laisser aller à ce travelling de trois heures, ponctué par la nécessité de descendre à l'abri lors des quelques averses qui rythmèrent notre "croisière" !

 

L'impression générale est bien de se trouver dans une ville souriante et contrastée, une sorte d'originale, l'enfant gâtée d'une famille nombreuse. L'histoire y a son poids qui émerge du sol en d'impressionnants palais, la modernité y trace ses flèches d'angles et de courbes savantes de métal et de verre, et la marginalité y a, elle aussi, une place importante, déclinant les tags et des bestiaires ricanants, ses couleurs anarchiques et ses jeunes beautés au look agressif alanguies sur quelque muret du bord de la rivière.... Finalement, cette ville semble, après les horreurs d'une guerre inoubliable, avoir inventé une syntaxe de la paix, accordant conservatisme et alteractivisme, droite républicaine et anarchie squatteuse, grosses berlines et bicyclettes... 

 

En fait, un certain art de vivre....

 

 

 

 

 

 

On arrive au point ultime de la rivière où il faudra reprendre, à droite, le canal. A partir de là, on dirait subitement que le capitaine du bateau est impatient de rentrer chez lui. Il repose son micro et enfonce l'accélérateur. Le temps, qui a beaucoup de psychologie, s'est mis alors à décharger des trombes d'eau...

 

 

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Mercredi 18 juillet 2012, Berlin

 

 

Le dernier jour de notre présence à Berlin s'annonce gris, les nuages sont lourds, la pluie semble partie aujourd'hui pour ne pas cesser de la journée.

J'espère que demain le temps se sera éclairci car les atterrissages par temps de pluie, avec l'avion qui oscille entre droite et gauche à tel point qu'on a l'impression qu'il va se coucher sur le côté, ou que le train d'atterrissage, d'un côté ou de l'autre, va cèder sous le poids de l'avion, - mon dieu que je n'aime pas cela !

Je ne dirai pas comme Francis Cabrel : "j'ai peur de l'avion", mais je n'ai jamais aimé les manèges trop turbulents ! 

En tant que Capricorne, j'aime avoir mes pieds sur un sol stable, fût-il à 4000 mètres d'altitude ! Mais ces trucs qui bougent, qui tremblent, qui s'enfoncent brutalement dans les trous d'air....

Bon ! Hier a été une course contre la montre avec une constante depuis le début de la journée : une à deux heures de retard pour tout ce qui était programmé ! 

   

Nous avions décidé la visite des Musées de l'île aux Musée. Le temps de nous lever, de manger, d'écrire une page du néo journal, de sortir de l'appartement et il était trop tard pour l'espoir d'entrer dans un Musée. 

Nous sommes donc allés sur la place Alexander qui se trouve en chemin. 

J'étais très enthousiasme de faire des photos de cette place que je croyais être celle que j'avais vue en chantier dans les années quatrevingt-dix et qui ressemblait, alors, à une foret de grues. Mais, sur place, je n'ai pas trouvé ce que j'espérais. La raison c'est que j'ai confondu la place Alexander avec la Posdamer. Soit. Après tout, pourquoi aller à un endroit plutôt qu'à un autre ? C'est le privilège des vacanciers : tout est bon pourvu que l'on ait suffisamment de fantaisie !...

Sauf que Ludmila avait rendez-vous à 19 heures avec un pianiste tchèque vivant à Berlin, mari d'une de ses anciennes élèves, et qui désire, avec son épouse, d'interpréter des oeuvres de Novak. Je rappelle que Ludmila est une spécialiste du compositeur Novak et qu'elle participe à l'organisation de plusieurs manifestations en rapport avec cet élève de Dvorak. Comme nous avons une heure devant nous pour rejoindre ce Peter dans le sud du Kreutzberg, nous décidons d'y aller à pieds. Sauf qu'au bout d'un certain temps je me rends compte que nous marchons dans la mauvaise direction !

Demi tour. Mais le temps passe vite quand on marche ! Avec sa paire de tongues Ludmila marche, sinon lentement, en tout cas pas à une allure de gens en retard. En outre nous devons nous arrêter souvent pour consulter la carte. Les grandes avenues, les détours imposés par le couloir d'un train ou d'un tram, les feux rouges pour piétons, que l'on doit respecter en allemangne, et qui durent des plombes... bref, je me rends compte que nous n'arriverons jamais à temps au rendez-vous si nous continuons à pieds !

Ludmila stresse un peu car elle connaît la tendance névrotique des Tchèques à arriver à l'heure ! Ce qui fait qu'en général ils arrivent 20 minutes en avance ! 

L'attente des métros puisque nous aurons deux changements, les jonctions à pieds où le temps semble subitement se dilater : finalement nous allons arriver 45 minutes en retard. Ce qui reviendra, pour le névrotiquement à l'heure tchèque qui sera arrivé 20 minutes en avance, une heure cinq d'attente !

Heureusement, Peter connaît bien le restaurant où il nous a donné rendez-vous. C'est un restaurant italien tenu par un Albanais qui a vécu plusieurs années à Ceske Budejovice et parle donc parfaitement tchèque. Ces immigrants sont absolument fascinants. Au dessert, le patron nous fera gouter une eau de vie absolument délicieuse faite par son frère vivant en Norvège... Le monde se met à ressembler à un livre d'histoire dont on ferait défiler les pages à toute vitesse. Les noms des pays défilent et résonnent comme des étoiles filantes dans un ciel d'août.... 

Peter nous a littéralement noyé de paroles pendant tout le repas. Heureusement les Albanais sont de bons cuisiniers : la pizza était délicieuse avec son jambon tyrolien et sa salade par dessus, recouverte de parmesan fraîchement coupé. Nous nous sommes rendus compte à quel point les Tchèques immigrés ont plaisir à rencontrer leurs compatriotes ! A force d'écouter son anglais déversé à 150 à l'heure, rempli de références culturelles de préférence tchèques, donc souvent inconnues pour le Français que je suis, j'avais la tête qui menaçait d'exploser. Si l'on ajoute à cela deux bocs de bière Budvar, flambés de deux grappa Novégienne à la façon albanaise et une valse de langages, entre le tchéco-Albanais du patron, le germano-lituanien de la serveuse, l'hispano-tchéco-germain d'un ami du patron, et le tout recouvert du tchéco-anglais de Ludmila assaisonné de Franco tchèque des uns et des autres car tout ce petit monde parle quelques résidus de Français, j'avais grande envie de retrouver le calme des rues désertes de ce coin de Kreutzberg....

Et la journée n'était pas terminée ! Nous avions en effet promis aux trois musiciens Chiliens, qui partagent l'étage avec nous à la Regenbogenfabrik, d'aller voir leur concert ce soir là. Et nous avions parallèlement promis à nos amis Carole et Syvain, qui organisent cette semaine un stage d'initiation à la photographie, que nous nous rencontrerions ce soir. 

Le seul moyen d'honorer tous ces engagements étaient de les rassembler dans un même lieu.

Cependant, par politesse, il nous était impossible d'écourter le quasi monologue de Peter et les dégustations qui achevèrent le repas. Le concert de nos co-locataires étant programmé à 20h30, il allait être difficile d'arriver à temps, vu qu'on allait avoir au minimum 45 minutes de métro et de marche.

Quand, le plan en main, et après avoir demandé plusieurs fois conseil aux passants, nous sommes enfin arrivés au bar le Macondo, à l'autre bout de la Boxhapehet Platz, le concert du groupe Pascuala y Fauna était terminé depuis au moins une heure ! Nos voisins de GegenbogenFabrik étaient quand même surpris et contents de nous voir ! De loin ils nous adressèrent de petits signes de sympathie. Puis ils reprirent leur conversation car chacun était entouré d'une ou plusieurs personnes du sexe opposé et il était évident qu'ils ne s'étaient pas ennuyé sans nous !

Seul élément synchrone de la journée, Carole, Sylvain et leurs deux stagiaires arrivèrent au Macondo quelques minutes après nous ! La ponctualité française était à la hauteur de sa réputation, et, donc, parfaitement synchrone !

Et quel plaisir de découvrir ce coin de la ville compris entre Kreutzberg et Friedrichs Hain ! Quelle vie ! Quelle jeunesse ! Quelle fantaisie ! Les jeunes allemandes qui, lors de mes premiers séjours, dans les années 80, étaient vêtues comme des mecs mal fagotés, massacrant volontairement leur féminité sous l'influence d'un féministe qui semblait vouloir transformer la mode vestimentaire en répulsif pour sexe masculin, - toute cette automutilation a été aujourd'hui remplacée par une élégante originalité, insolente et anticonformiste, after punk tout aussi bien qu'after Chanel ou Fellini, qui sillonne les rues, les stations de métro, qui ornemente les terrasses avec une souriante et quelque peu voyante bonne humeur ! Bref, c'est un vrai plaisir de croiser cette sympathique agitation, le long de rues offrant un défilé incessant et lumineux de terrasses de tous les styles que le monde populaire ait pu inventer !

Il semble que Berlin ait ouvert l'Allemagne au monde ! On entend, en marchant le long des tables grouillantes de monde, toutes sortes de langues, européennes ou non. Les serveurs, les patrons, vont du roux imbronzable à toute une déclinaison de couleurs. C'est encore l'Afrique qui est la moins représentée, le plus souvent ce sont des couleurs hâlées, Turques, Syriens peut-être, libanais... On se dit, partout où on passe, que Bilal pourrait venir ici faire une provision de beautés masculines et féminines, de look post-modernes et, comme le précise Ludmila, en référence à la sage République Tchèque : "a little decadent".

Mais Berlin vit, Berlin a de l'allure, Berlin traîne la nuit, Berlin célèbre la volonté de vivre, de se rencontrer, de faire la fête, d'animer le trottoir, de s'éclater et de faire chanter les étoiles ! 

Comme nous avons raté le dernier métro, nous sommes rentrés à pied. 

Pour s'orienter, pas besoin de prendre la carte ! Il a suffit de suivre le métro aérien qui, en nous abritant de la pluie rebelotte, nous a conduit directement au départ de notre Lausitzer Strasse, dans un décor oscillant entre Tardi et Bilal, croisant des rois, des déessses et des fous, comme dans tous les romans du monde entier....

 

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Jeudi 19 juillet, Munich

 

 

Les retours....

Escale de quatre heures à Munich. Dans la galerie devant l'aéroport, l'omniprésence de Audi. Un énorme banquet se prépare, des semis remorques, des grues, des portiques, des barrières et une immense scène en cours de sonorisation... Je découvre que la marque est en train de sortir un vélo très design, au nom inspiré de e-mac et d'électron.

Nous sommes dans un joli complexe architectural qui va se marier harmonieusement avec la page que je voulais consacrer à la Posdamer platz qu'on a fini par visiter hier, délaissant les musées que je m'étais promis de visiter....

 

 

Depuis 1994, la place Postdam qui était une forêt de grue, représentant le plus grand chantier d'Europe, a atteint son apparence définitive. Et il faut avouer que c'est une belle réussite. Après, que va-t-on y faire une fois qu'on aura visité cette sorte de Musée d'architecture de la fin du XXème siècle ? A part venir travailler dans une des firmes qui a occupé ou fait construire ces immeubles ? Je pense que la place Postdam d'avant-guerre avait une fonction sociale un peu moins axée sur le tourisme, la visite expresse et l'enfermement bureaucratique...

Est-ce qu'on aura envie, après avoir passé une journée dans un de ces bureaux, de rester là encore une soirée pour souper avec des amis ? Il faudrait tester le quotidien berlinois pour se rendre compte de la véritable attraction que produit ces nouveaux espaces... Mais franchement, je ne pense pas que c'est là que l'on va aller passer ses soirées, et ce n'est pas étonnant que les lieux dont je parlais dans la page précédente, entre la Friedrichhein strasse et la station Warshauer strasse, grouille de monde dès que la nuit est tombée....

 

Mais quelle fête des droites et des courbes, quelle efflorescence des reflets, des perspectives et des lignes de fuite ! Et encore, nous n'en avons vus que la version diurne, sous un ciel en majorité gris ! Mais j'imagine ce qu'elle devient le soir tombe, que les néons et le fluor s'allume : quelle fête de lumières cela doit être !

 

Ce sera pour un autre séjour, Inch'allah... Car nous avions prévu le soir d'inviter Maria et Torsten au restaurant. Car véritablement, l'appartement dans lequel ils nous ont invité a été un vrai bonheur !

 

Et puis, et puis, le lever au petit matin, la séparation dans une station de métro, la traversée de l'Alexander platz dans une aube grise, alors qu'un illuminé hurle ses états d'âme enragés en direction des poutrelles de la gare...

 

Trouvé sans difficulté le bus qui conduit à l'aéroport, trajet ennuyeux en comparaison de ce qu'il avait été en sens inverse, au début de la nuit et avec ce désir enchanté de revoir une ville négligée depuis presque vingt ans et, surtout, Ludmila, absente depuis deux mois...

 

Est-ce que les trajets de retours sont intéressants ? C'est jamais là que notre attention va guetter une quelconque raison de s'émerveiller. Et c'est bien dommage !... Une forme d'oisiveté, en fait, rien de plus. Voilà pourquoi je suis reconnaissant à cette jeune négligente d'avoir oublié de replier sa si jolie jambe... Elle m'a gentiment démontré que tout instant peut être source de magie, - à condition qu'on ait les yeux ouverts....

 

 

 

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Samedi 28 juillet 2012, Besançon 

 

 

Je viens de terminer "Transsibérien" de Dominique Fernandez. 

Ce livre a été écrit à l'occasion du voyage organisé pour 14 écrivains français et 2 photographes à l'occasion de l'année Russe en France (et Française en Russie), en mai/juin 2010. Très beau cadeau donc que ces trois semaines en et autour du Transsibérien, avec moult visites organisées et conférences/rencontres avec le public Russe. Deux wagons avaient été spécialement affrêtés en queue du transsibérien, voitures première classe il va sans dire, Nos écrivains nationaux étaient bien logés.

 

Après, voilà. Une belle société confinée dans un train, des itinéraires encadrés jalousement par un personnel expert, mêlant rigueur et souplesse, je ne sais pas si nous avons là les meilleures conditions pour donner des livres personnels et pleins de vie...

 

Dominique Fernandez est un grand voyageur, la majorité de son oeuvre repose sur des récits de voyage, la plupart en duo avec son compagnon de 15 années, le photographe Ferrante Ferranti. Mais, né en 1929, il est aussi un universitaire respecté, appartenant, mon Dieu, à l'académie française, - ce qui fait que, après tant d'années de respectabilité, de vie confortable,son approche du voyage, quoi que pleine d'érudition, m'a semblée quelque peu ronronnante.

 

Il commence son livre par critiquer le fait que les deux wagons réservés à l'élite française soient ornés d'une signature, imprimée en énormes caractères sur leur flanc : Blaise Cendrars. Immédiatement Fernandez critique le choix de Cendrars pour dénommer ce train. Il songe aussitôt à la "Prose du Transsibérien", dont il critique d'abord la qualité littéraire. En second lieu il rentre dans les détails et réhabilite la prose du transsibérien en tant que projet d'ensemble. En effet, l'édition originale fut un livre concept, un énorme soufflet illustré par Sonia Delaunay. En apportant cette précision, Fernandez légitime à la fois le texte et l'originalité riante de son auteur. 

 

Il n'empêche : cette première critique de Cendrars, n'était pas pour me rendre sympathique cet universitaire froid, moi qui ai rêvé mes premiers voyages en lisant "Bourlinguer" où le style de Cendrars m'apparaissait comme une immense et truculente invitation à se jeter sur les routes du monde ! 

 

La suffisance de cette première attaque (et je ne parle pas des remarques quant à l'odeur insupportable des wagons de troisième classe) allait finalement teinter l'ensemble de l'ouvrage d'un pédantisme assez bourgeois, et démontrer qu'il est inutile, pour un vieil homme, bien que très savant, de vouloir rivaliser avec la verve, la folie, l'énergie d'un jeune génie, fut-il un peu mythomane et excessif. Bref, à choisir entre Cendrars et Fernandez, mon choix est vite fait....

 

J'ai beaucoup appris dans les pages de Dominique Fernandez, peu dans celles de Cendrars. Mais Cendrars m'a fait rêver comme personne... J'ai en revanche appris et rêvé dans les pages de Bouvier, qui avait cette intrépidité, cette inconscience et cette passion des jeunes gens, et qui, du départ jusqu'à l'arrivée et son premier et déterminant voyage de la Suisse au sud de l'Inde, n'a pas cessé de se mettre en danger et de nous émouvoir... 

 

Au contraire, ce voyage d'une colonie d'écrivains français était peu propice à l'imprévu, à l'esprit d'aventure, aux rencontres déterminantes, à la remise en question de soi... C'est pourquoi, vu le contexte, il est quand même tout à l'honneur de l'académiste, d'avoir réussi à nous intéresser pendant presque 300 pages...

 

La lecture de ce livre d'ailleurs m'interroge beaucoup. Par rapport à la tâche qui m'est confiée et qui commencera dans moins d'un mois, je me demande quelle va être ma position, entre cette mission officielle et la subjectivité à laquelle j'aspire. Car cette subjectivité n'aura raison d'être que si a lieu un ensemble d'événements et de rencontres la justifiant. Vouloir prendre le point de vue de ce "je", ce n'est pas pour étaler son moi, bien au contraire. C'est plutôt pour qu'un point de vue personnel se pose sur les êtres rencontrés, sur les moments partagés avec eux. C'est ainsi que je voudrais restituer la perception d'un espace, cette région d'Altaï : par l'impact qu'elle aura sur moi, et par l'impact que ma présence provoquera sur les êtres rencontrés. Deux étrangetés en interactivité en somme, et ouvrant un regard nouveau, ni propre à l'un ou à l'autre a priori, mais dérivant de la réaction des uns envers les autres.

 

Le problème avec le livre de Fernandez c'est qu'il n'y a pas d'interactivité, pas de rencontre. Meme pas une conversation avec un de ses collègues. La sphère d'observation est installée sous cloche. Et la cloche est étanche. Des tas d'informations entrent dans la cloche, des récits tirés de beaucoup de livres, des panneaux d'information lus dans des musées, ou le récit apporté par des guides de ci, de là. C'est un peu effrayant en fait. Zadig était plus ouvert. 

 

Après, que vient-on chercher dans un livre ? Un récit d'érudit mettant en relation des livres russes ou français et quelques repères historiques ? Vous allez adorer le livre de Dominique Fernandez. Vous y découvrirez l'existence du peintre Isaac Levitan, des Bouriates et des boudhistes sibériens, des décembristes et notamment de la princesse Catherine Troubetzkoï qui a semblé être plus socialiste que Lénine, de l'écrivain Andreï Makine, du constructivisme de Novossibirsk et de quelques interprètes musicaux de grande envergure. 

Vous recherchez un voyage à la rencontre d'habitants d'une région inconnue ? Des échanges vivants, pleins d'humanité et de spontanéïté ? Vous cherchez l'aventure, le fruit du hasard, un face à face chalereux entre le voyageur et quelque(s) l'habitant(s) local(aux) ? Des confidences, des échanges à voix nues, des attractions naturelles, l'amitié, ou l'amour ? Avec Fernandez vous vous serez trompés d'auteur.

 

Voilà. Je vais poursuivre ma documentation. Je vais m'atteler maintenant à ce qui semble être un livre d'un solitaire en voyage ; un long voyage en Sibérie qui a duré deux ans. Il s'agit d'un livre de Colin Thubron, "En Sibérie". Thubron est anglais, il est né en 1939. Son livre a reçu le prix... Nicolas Bouvier ! Il me semble que je trouverai davantage, avec ce livre, ces idées et ces points de vue que je poursuis...

 

 

LA SUITE ICI :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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