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Samedi 27 octobre 2007, Foyer AGE
Certes je préfèrerais être peinard chez moi la veille d'un départ plutôt qu'à veiller sur quatre adolescents. Mais enfin, bien content que ce petit job me permette, précisément en cette période où je perds mes droits d'intermittent du spectacle, d'avoir quatre sous pour commencer le mois qui vient. Sinon ce serait le zéro absolu. C'est précisément pour cette raison que j'ai conservé ces quatre nuits par mois de veille dans ce foyer. Donc je suis très content d'être là, bien qu'aujourd'hui je m'en passerais bien....
Demain donc c'est reparti pour la République tchèque. J'espère que la neige attendra mon prochain voyage, le verglas aussi car je ne vais pas arriver de bonne heure. Si je veux dormir un peu je ne partirai pas avant 13 heures/14 heures. J'arriverai donc vers minuit.
J'ai eu hier la dernière version de l'émission Bleu Musique qui présente notre concert de jeudi dernier au théâtre Bacchus. J'ai demandé à France Bleu, en dernière minute, de mettre une chanson à la place d'une autre et Richard, le chef de la technique a accepté très gentiment de le faire. Ouf ! J'ai trouvé cette équipe de France Bleu Besançon vraiment très agréable, sympathique, encourageante. Ce n'est pas si fréquent. Alors, au final, cette émission de 55 minutes me plaît bien. Il y a vraiment des morceaux qui fonctionnent bien, un bon groove et de bonnes envolées musicales. Dommage que Paulo nous quitte, on commençait à être vraiment au point. Je devais rencontrer Julien Woittequand cette semaine, mais je n'ai pas réussi à le joindre. Il a joué un bon moment avec Guillaume Aldebert et Titi m'en parle comme d'un excellent batteur. On verra cela au retour. J'aimerais bien que ce soit lui, un jeune homme calme, poli. J'espère qu'il sera disponible.
Donc ce concert à Bacchus nous donne un joli matériau pour communiquer, les morceaux enregistrés qu'on peut mixer, des prises de vue vidéo, et puis des références, un théâtre étant toujours mieux qu'un bar. Les prochaines dates maintenant seront en décembre, au moulin de Pontcey, juste le temps de travailler avec un nouveau batteur. Quand je dis juste, c'est bien juste, oui, un peu juste....
J'ai aujourd'hui commencé ma série de portraits de personnes âgées dans le cadre des ateliers "Image de soi" organisé par le C.C.A.S. de Besançon. Ces prises de vue ont été réalisées avec de la pellicule Fuji en bobine de 120. On ne trouve plus de Kodak. Malheureusement car, pour le développement croisé, la Kodak était meilleure que la Fuji. Je suis un peu déçu du rendu de couleur de cette série. Avec la Kodak on aurait eu des bruns, des rouges, des bleus ! Là c'est un peu morne, les couleurs.
La pellicule disparaît. Les gammes s'étiolent et il faut commander si on veut avoir des choses un peu pointues. Les pros abandonnent l'argentique et la pellicule 120, qu'ils utilisaient, disparaît des magasins... Je m'accroche à mes développements croisés, comme aux dernières heures d'un paquebot qui est en train de couler....
D'ailleurs j'ai réalisé cette semaine une série de clichés pour le chanteur Rod Barthet. J'ai utiliséle développement croisé, et là, la pellicule a très bien réagi (les gammes 24x37 de Fuji sont plus adaptés au croisé que les gammes 120). Je suis très content de ce que nous avons fait, lui aussi du reste. En voilà une que j'aime particulièrement :
Là le croisé donne toute sa force ! Bienheureux Rod ! Sa pochette de disque, elle est faite !
Voilà, fin d'une semaine et un nouveau cahier qui commence... Le temps passe et les pages de ce journal se remplissent. Ce n'est pas plus mal quand le temps donne quelque chose, il en retire tellement....
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Le temps file et l'écriture traîne... Je suis allé voir Utopia hier soir. Le problème, c'est que je me suis rendu compte que, sur deux lauréats, je n'avais pas du tout les mêmes goûts que le jury de cette sélection 2007. Sur un troisième, en revanche, si. Son nom : Samuel Leroy. C'était le dernier à nous faire entendre ses chansons et il était vraiment excellent ! Comme Daniel m'avait dit au téléphone "Il y en a deux qui sont des amateurs, c'est bien !" J'en ai déduit que Samuel Leroy était le seul "non amateur" des trois lauréats. Et c'était bien... Lui. Moi les amateurs, je trouve ça chiant. J'aime bien ceux qui se jettent à l'eau et qui risquent leur peau. Comme Drako, en fait... C'est précisément pour ça que j'ai tant aimé ce singe !.... Il en est mort le pauvre, - mais comme il a bien vécu ces 82 jours d'évasion ! Il y a des jours qui valent des vies....
Hier j'ai reçu un mail de l'ancien directeur de la Culture de la Région de Franche-comté. Il m'écrivait : "Merci pour les choses aimables sur mon compte que vous écrivez sur votre blog - A bientôt". Au début le mot "sur mon compte" inquiète un peu. On se demande immédiatement si on vous parle au premier ou au second degré... Et puis, presqu' immédiatement j'ai pensé que je n'ai pu écrire que des choses bien sur le compte de cet homme qui m'a toujours reçu très dignement, qui m'a parfois dit "non" en m'expliquant pourquoi, et qui m'a aidé sur des projets que j'avais à cœur. C'était donc très aimable à lui de me remercier. Après tout, d'autres auraient pu avaler leur suffisance et tout gober sans ciller !
Après je me suis posé la question : "Mais est-ce qu'il aurait tout lu mes cahiers ?" Non, il doit très occupé, conseiller du ministre de la culture dans un pays africain, il n'a pas le temps de lire les longues pages de mon journal. A-t-il fait une recherche par mots clés ? Par exemple, comme tout le monde le fait : "Voyons ce qui sort si je tape mon nom sur google ?"
Du coup je me suis dis que, un autre Monsieur, à propos de qui je n'aurais pas écrit de chose agréable, mais plutôt le contraire, a très bien pu s'immiscer lui-aussi dans les pages de mon journal et lire une acerbe critique que j'aurais écrite sur lui ? Sur son action culturelle puisque ce sujet est celui qui m'intéresse le plus ? Mais alors il serait certainement très mécontent ! Il ne m'écrirait probablement pas de mail, pas même pour me dire merde. Mais il se camperait, dans un coin de chemin, par une forêt obscure, dans des temps improbables et, juste au bon moment, au mauvais pour moi, il s'en viendrait me décapiter sous la fougue d'une longue, pointue et acérée rancune !
Dieu, que DIRE est imprudent !.... Il vaudrait mieux se taire et se contenter d'une expression muette : la fanfare musicale, la musique sans parti pris, les sérénades historiques, les odes à la gloire du prince.... Ou encore la photographie de paysage, le portrait de célébrités, la pornographie, la photographie publicitaire. Toutes ces choses là, tout ce qui dit "oui", "j'en veux bien", "donnez m'en", "j'écoute et j'obéis", "Je fais comme il se fait de faire" "j'agis pour servir" "Je baise sans faire jouir et sans aimer" est silencieux.
Il faudrait donc apprendre à être discret... A ne rien dire ou à dire "Oui". Mais déjà sur les bancs de l'école je me faisais punir parce que je parlais trop fort, - moi qui ne disais que le strict nécessaire ! Mais il fallait faire silence dans les classes et les études de ces temps là. Aujourd'hui c'est toujours pareil. Je suis passé d'écoles religieuses à une société laïque mais la tyrannie règne toujours... Curieusement, ce sont toujours ceux qui n'ont rien à dire qui veulent être les seuls à l'ouvrir ! Qui écrivait : "Les plus dangereux ce ne sont pas les méchants mais les ignorants" ?
Certes je ne suis pas discret. Et j'en assume les risques. Ce serait tellement ennuyeux de la fermer que, finalement, c'est pas si grave de se faire taper sur les doigts quand on l'ouvre ! Alors, va z'y Daniel, tu m'as déjà mis tricard de ta biennale des Arts, l'année dernière tu m'écartes des lauréats d'Utopia, en suggérant au jury :"Mais... vous savez qui a écrit cette chanson ? C'est un proche d'Utopia, il a été notre photographe... Vous savez qu'on avait décidé de ne pas sélectionner de proches du concours" Et puis, cette année... Oh... laissons tomber... c'est mesquin...
"Oui mais, me disait un ami, si tu l'avais fermée (il faisait allusion à la publication, dans une revue, de la photographie qui m'a valu d'être tricard de la biennale, et de l'article que j'avais écris à côté), peut-être que vous auriez touché 1000 € (le prix d'Utopia), toi et tes musiciens !" Mais non, la vie ce n'est pas comme ça. Car si je l'avais fermée j'aurais été quelqu'un d'autre... comme c'est quelqu'un d'autre qui a gagné les 1000 € ! Donc ce n'est pas si grave d'avoir été rejeté de cet Utopia qui est loin d'être une Utopie. Drako s'est fait la belle de deux Citadelles - la seconde s'appelle Utopia. Allez Hop ! Vive la liberté !
Reste quand même à ne pas finir mort sous une auto....
La vie d'artiste c'est un truc dangereux. Un artiste qui ne l'ouvre pas c'est un faiseur, ce n'est pas intéressant. Et celui qui l'ouvre, il peut, un jour ou l'autre, se retrouver à traverser, la nuit, une autoroute....
A sa façon, Drako a été un artiste... Il en est mort. Comme Damien... Comme Bruno...
Et merde à Vauban !
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Dimanche 11 novembre.... ça ne donne vraiment pas envie.... Genre la date que tu ne peux pas lire en été : c'est obligé, tu passes directement au 24 décembre ! Maintenant, quand on a les pieds dedans, mis à part ne pas sortir du lit avant midi, il n'y a pas grand chose à faire. On se lève et on regarde par la fenêtre s'étaler cet indécent jour nu à la peau blanche et grise...
Cette nuit j'ai enfin compris comment marche un compteur de visites Internet ! Il était temps, après bientôt deux ans de vie du site ! Mais bon, ce n'est pas si simple pour des esprits comme le mien qui le sont, simples! Enfin, d'un certain point de vue... J'ai enfin compris pourquoi il y avait tant de différences entre le compteur du site sur mon serveur, qui m'annonce en moyenne 400 visites par jour, et le compteur de la page d'accueil, ou encore le compteur de Google analysis qui, eux, m'informent d'une dizaine de visites par jour.
Compteur d'OVH :
Le compteur d'OVH, notre serveur, compte une visite dès que quelqu'un regarde une des pages du site ou consulte une image. Comme il y a des images venant du site qui sont déposées dans des commentaires de myspace, l'ouverture de ces images donne chaque fois une visite. Ce qui booste bien sûr la véritable consultation, in-muros si j'ose dire, du site.
Par ailleurs, un compteur indiquant les visites sur le site fonctionne sur la base d'un "mouchard" en code Java qui se trouve sur la page. Or, ce code ne compte que les visites qui passent strictement par cette page. Pour compter l'activité effective d'un site, il est nécessaire que ce code Java figure sur toutes les pages du site car tout le monde ne passe pas par la page d'accueil pour visiter une page. Par exemple ceux qui arrivent par un lien posé sur une photo figurant sur myspace. Ils débarquent directement dans une expo sans passer par la page d'accueil. Il y a aussi tous ceux qui, après une recherche par mot clé sur google, débarquent au milieu du site. C'était le cas de cet homme, cet été, qui avait fait une recherche sur l'Île d'Arz et était arrivé directement dans le journal où je parlais des habitants de l'Ile. Ce visiteur n'était pas passé non plus par la page d'accueil. Il y a aussi certains habitués au journal qui y rentrent directement depuis leurs favoris ect.
J'ai donc cette nuit balisé toutes les pages. Ainsi le décompte des visites sur le compteur de la page d'accueil (que l'on trouve maintenant sur les autres pages du site, c'est lui qui fait office de balise) reflétera exactement les visites du site. La fréquence des visites du site va donc, normalement, s'accélérer rapidement.
Avec Philippe Avocat, hier, nous avons terminé le mixage du "Singe Drako". Cette fois c'est définitif le titre est terminé. Paris ne s'est pas construit en deux jours, Drako non plus. [ C'est toujours amusant de comparer des choses extrêmement importantes à des choses extrêmement humbles. Comme comparer la ville de Paris (ou le fonctionnement d'un festival...) à un pauvre singe s'étant échappé d'un zoo. Je crois que cela m'amuse beaucoup. Il faut parfois mettre des freins aux vanités humaines...]
Les concerts de décembre s'approchent avec des foules de complications. Titi le bassiste est chauffeur de camion pendant cette période, il livre du buis en allemagne. Par ailleurs Paul, le batteur, qui arrête... Cela demande des remplacements, du travail de dernières minutes, de multiples appels téléphoniques... Compliqué.
En tout cas, nous allons travailler avec un nouveau batteur, Ghislain Shakerman, Shakerman étant son nom sur myspace. Ghislain était le batteur des Radiateurs, un groupe qui marchait pas mal dans la région il y a une dizaine d'années. Alexis d'ailleurs en faisait partie aussi. Ghislain est un musicien qui essaie de vivre de la musique et qui a bien du mal. Allons z'y donc, une nouvelle collaboration c'est une nouvelle aventure !
J'ai appris d'un compagnon de bar qu'il ne restait que 100 intermittents du spectacle dans le département du Doubs... C'est si peu.... Il y en avait plus de quatre fois plus avant la réforme du statut... Je viens d'ailleurs de le perdre, ce statut. Ce qui fait qu'il y en a un de moins : plus que 99 maintenant ? Il paraît aussi que le but du gouvernement est de faire tellement descendre le nombre des bénéficiaires qu'après il serait possible d'argumenter que le nombre est trop insuffisant pour qu'il vaille la peine de poursuivre l'existence d'un statut spécial.... Comme avait évoqué les sympathisants de l'émission "Là bas si j'y suis" lorsque l'émission a été déplacée de 17 heures à 15 heures. Le but recherché par ce changement d'horaire ayant été de faire baisser l'audience, tellement qu'il serait possible, plus tard, d'argumenter cette maigre audience pour supprimer l'émission...
Vu hier soir quelques films documentaires réalisés par Orson Wells pour la télévision. Cela s'appelait "Les carnets de voyage d'Orson Wells" Nous avons vu un film sur Saint Germain des Prés, un autre sur le pays Basque et un troisième sur la corrida à Madrid. Ce type était tellement moderne ! Son propos n'a pas vieilli d'une once ! Quel bonhomme !
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Le résultat du bon placement des marqueurs sur les pages de mon site répond à que j'attendais. En effet, au lieu des six visites par jour que signalait l'unique marqueur que j'avais sur la page d'index ; le nouveau décompte, prenant les visites de l'ensemble du site, a grimpé de cent personnes en un peu plus de 24 heures. Cela fait par jour de six à huit fois plus. Ce qui veut dire que je devrais être à plus de 20 000 visites sur le site depuis sa création...
Bah ! Tant pis, je ne vais pas me mettre à trafiquer le compteur. Cela fonctionnera comme explication et sera plus intéressant pour l'histoire du site que des sommes de zéros sur son compteur.
Voici la première courbe obtenue après le bon placement des marqueurs :
(le comptage des pages du journal ne se faisait pas avant)
Il y a aussi quelque chose de drôle dans ce que révèlent ces mouchards statistiques (il y a maintenant un compteur analytique sur chaque page importante du site). Les statistiques m'indiquent par quels mots clés les visiteurs sont arrivés dans une page. Et voici que je découvre qu'hier, un seul mot clé a été utilisé pour accéder au sixième cahier du journal : le nom de l'ancien Directeur de la Culture de la Région de Franche-comté dont je parlais dans l'article précédent ! Quelqu'un a donc testé ma théorie selon laquelle Laurent Decol avait dû faire une recherche sur son nom pour arriver dans mon journal ! Ca a marché apparemment ! Hein ? Je vois que mes lecteurs sont curieux ! Normal, vous vous interrogez avec moi - l'Internet c'est un truc tellement surprenant ...
Oh ! Après être retourné découvrir ces statistiques, je reviens poser une dernière remarque. Regardez ce tableau qui analyse la fréquentation de la page du site consacrée à mes films, et surtout les pays d'où viennent les visiteurs !
- C'est étonnant non ?
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L'analyse du résultat des consultations du site, et notamment du journal, m'a suscité quelques réflexions. En effet, comme beaucoup de ma génération et des générations précédentes, j'ai, comme idée de lecture d'un texte, une idée livresque. Lorsqu'il m'est arrivé de lire le journal de tel ou tel écrivain par exemple, je prends le livre au début et je le termine par la fin. Et si j'ai acheté le livre, c'est pour des raison diverses : parce que c'était tel ou tel écrivain par exemple, ou, parlant d'un journal ou de carnets de voyages, ce serait parce que les pays traversés m'auraient intéressé ou parce que j'aurais entendu ou lu une bonne critique des productions générales de cet écrivain. Une fois l'accroche faite, le livre acheté, je commence par la première page pour finir par la dernière...
Le Net nous met en présence d'un système totalement différent. Certes il y a des gens qui ont entendu parler de, ben disons le, de PB TRISTAN. Alors ils tapent le nom, d'une façon ou d'une autre, et ils trouvent le site. Après, ils vont aller visiter ce qui les intéresse car les internautes sont pressés, ils ne s'éternisent pas sur des contenus lourds, ils zappent. Bon, c'est une forme de visite que tout le monde connaît. Cela ressemble à chercher l'adresse de quelqu'un dans un annuaire et de l'appeler. Les français font cela depuis longtemps. Rien de nouveau de ce côté.
La vraie nouveauté dans Internet ce sont les mots clés. Les mots clés permettent de tomber du ciel en plein milieu d'un texte de 100 pages, pile sur le bout qu'on voulait lire. Un site Internet devient alors une série de longues pages déployées sur le sol, et sur lesquelles des parachutes atterrissent tous les quart d'heure. Et chacun atterrit où les mots clés l'ont fait atterrir, sans savoir vraiment où il débarque !
Et c'est bien ce style d'entrée en matière, par parachutage, qui change totalement la façon traditionnelle qu'on avait de lire ! Cette nouvelle façon, hasardeuse, nonchalante, fragmentaire, voire un peu velléitaire, change le projet même d'une écriture, et peut même aller vers une nouvelle façon d'écrire pour une nouvelle façon de lire !
On peut comprendre aujourd'hui l'intérêt d'un livre par ses contenus, mais aussi par le style de l'écrivain qui permet au lecteur d'avancer dans ce long espace continu avec souplesse, avec un plaisir provoqué par une structure équilibrée, une succession de moments variés, organisés avec clarté, suscitant la lente avancée en avant du lecteur.
Mais quel est aujourd'hui l'intérêt d'un texte, d'un contenu de site web ? J'ai déjà entendu : "oh ! Je n'aime pas lire sur un écran !" Sûr que c'est beaucoup moins agréable que d'avoir un livre devant soi (bien que j'ai toujours dit qu'un ordinateur portable était à mi chemin de l'écran et du livre...) Or, si la temporalité, la durée linéaire, n'est pas à priori un facteur clé dans l'approche des pages d'un site, quelles vont être les raisons qui pourront apporter à un site son succès ? A un texte publié sur le Net son intérêt ? Y aurait-il une esthétique propre au texte cybernétique ?
Car il va arriver un moment où l'ordinateur va être un concurrent du livre ! Comme il est devenu le concurrent mortel du disque ! Qu'il se réduise encore un peu en taille, en poids, en autonomie aussi, et à quoi bon acheter encore des livres ! Alors l'ordinateur façonnera les lecteurs à devenir des parachutistes sur le savoir...
Des échangistes aussi. Il y a toujours un blog quelque part où on peut donner son avis, envoyer un message... Le livre c'était du savoir à sens unique.
Prenant conscience de cela je me mets à voir ce journal d'un oeil nouveau. Par exemple on visite beaucoup mon sixième cahier. Or pour moi il est fini, révolu ! On le visite parce qu'il y a dedans des sujets qui répondent aux mots clés des inconnus... J'ai vu apparaître les deux jours passés le nom de Bruno, celui d'Hervé Prudent, de Laurent Decol. Les gens viennent lire les pages où je parle d'eux, et même, pour Bruno, la page que je lui ai dédiée...
Un écrivain écrivant un journal intime l'écrit d'abord chez lui, pendant environ un an ; après il y a les négociations avec l'éditeur et puis les travaux d'impression et puis le travail de diffusion. Finalement, lorsque le livre paraît, il y a bien longtemps que le temps existentiel correspondant au livre a sombré, pour l'auteur, dans son passé.
Ce journal mélange en fait deux temps. Celui du présent de l'écriture et celui du passé. Il y a ceux qui le lisent comme quelque chose d'achevé, comme les lecteurs d'un journal publié, et il y ceux qui viennent le guetter jour après jour. Je sais qu' un Aurèle par exemple (Salut Aurèle, ça va ?) vient régulièrement le consulter. Et, après, il raconte à des amis communs ce que j'ai écrit quand cela, bien sûr, les intéresse ! C'est un mode direct. Cash. Mais il y a aussi le mode lointain. Une partie de ce qui est écrit a déjà plongé dans le passé, voire même dans une sorte d'anonymat. Et les pages ouvertes comme elles le sont, avec, en plus, ce sommaire qui permet de picorer dedans, amène des visiteurs relativement nombreux qui viennent consulter tel sujet ou tel autre qui les préoccupe sur l'heure.
J'avais pensé compacter les pages anciennes dans des fichiers Adobe reader, mais je ne le ferai pas, car finis les parachutes : Google ne saurait plus lire dedans comme il le fait aujourd'hui dans les pages HTLM, - et adieu les mots clés, adieu les parachutes !...
En fait, écrivant ce journal jour après jour, je découvre une dimension nouvelle de l'acte d'écriture. Je me trouve mêlé à cette expérimentation en cours, à une expérience dans le sens de la question : "racontez moi votre expérience en la matière" ou bien : "J'ai vécu une expérience nouvelle". Une expérience que je mène avec ma substance existentielle, avec ma vie, avec mon "oeuvre" en naissance. C'est fou, c'est opaque et c'est peut-être dangereux... Après tout on peut très bien lire ce journal avec de mauvaises intentions!... Il n'y a plus la lenteur éditoriale pour protéger mon présent ! On peut vouloir venir me voler ma vie ?
Et en même temps, ce qui est pour moi un long fil parsemé de blancs invisibles, ce long fil qui pourrait se comparer à ma vie, et qui n'est qu'une écriture hésitante du quoi écrire et du quoi ne pas écrire, - eh bien pour certains, ce fil continu ne va devenir qu'un petit fragment, picoré et avalé en quelques secondes avec l'appétit d'une curiosité passagère : l'Ile d'Arz, Quiberon, Tabor, ou je ne sais quoi d'autre...
C'est étrange et c'est passionnant parce que ça n'a jamais été regardé a posteriori. Il n'y a pas encore eu le temps d'un a posteriori. On est dedans, en plein dedans, sans recul, sans analyse d'une expérience préalable. Je pense à Proust lorsqu'il a eu l'idée d'écrire la recherche du temps perdu. Revenir, à plus de la moitié de sa vie, sur la narration de sa propre existence. Il a commencé à écrire cet étrange "Longtemps je me suis levé de bonne heure" et bong ! Le voilà parti pour des milliers et des milliers de pages à la recherche de Dieu sait quelle anguille furtive... Au moment de mourir, il n'avait pas encore fini.... Avait-il au moins retrouvé ce temps échappé... Définitivement perdu ?
J'ai étudié Proust à la Fac. C'est étonnant quand on s'y penche. C'est tellement vaste, complexe : un récit qui ment pour tenter de dire la vérité... Et ces phrases infinies, ces arabesques, ces tourbillons, une sorte de Debussy verbal....
Y a-t-il une langue propre à l'écriture sur un site Internet ? Cette langue doit elle s'accompagner de sons, d'images, de films?... Comme le fait par exemple une Albertine Meunier, faisant de son site une galerie virtuelle et audiovisuelle... Comme je le fais finalement : ces musiques, ces photos... En fait, cela me convient parfaitement, cet internet. Tout ce que je sais faire va dedans. La photo, les films, les chansons, l'écriture... Avant je vivais divisé. Tantôt j'étais réalisateur, tantôt photographe, tantôt écrivain, tantôt chanteur.... Je ne savais jamais comment me présenter. Alors, selon mon interlocuteur, je gardais une tranche et faisais disparaître les autres. Si j'avais le malheur d'aligner toutes mes activités, les gens se mettaient à me regarder d'un air bizarre. Encore maintenant, les journalistes ne peuvent s'empêcher de m'appeler "touche à tout". Mais aujourd'hui, je sors ma carte et je dis : j'ai un site, tiens, l'adresse est écrite là, sur le côté ! Il n'y a rien d'autre à ajouter. Comme une lettre à la poste !
Avec mon site, d'un seul coup, tout s'est mis à marcher ensemble. Chaque chose à sa place mais dans un même espace. Tout mon travail en un seul lieu. Rien ne pourrait le faire aussi bien.
Charlélie Couture m'écrivait "Un site est un aquarium" - les gens qui visitent un site seraient donc des petits poissons ?
Et les poissons ils aiment quand il y a de l'espace, des passages, des changements, des couleurs douces, des lumières, des vibrations, de l'oxygène.... Les poissons ils aiment prendre un bain d'Internet.
Alors je me suis mis à mettre ma vie dans ce grand bocal, et ce grand bocal s'est mis à devenir ma vie. Un jour ma vie finira et il ne restera plus que le bocal. Alors, comme dans le film de Tarkovski, "Solaris", dans le fond bleu du bocal commenceront à naître des îlots, et sur ces îlots, ma vie se mettra à vivre sans moi....
En attendant, voici une photo ajoutée, hier, à la série "Bien le bonjour de la Presqu'île !" . J'avais oublié ces négatifs. Celle-ci pourrait avoir quelque chose de très Proustien :
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Vendredi 23 novembre 2007, Tabor
Me voici de nouveau à Tabor. Il fait à peine plus froid qu'à Besançon mais la neige, que j'ai croisée en route, n'est pas arrivée jusqu'ici. En fait elle est venue mais n'a pas tenu. Dehors il fait frais et l'air a ce parfum d'air sec et pur avec un zest d'odeur de fumée de charbon. C'est délicieux !
Ludmila m'a dit que le pouvoir d'achat des familles tchèques vont, à partir de janvier, baisser d'un cran car le gouvernement annonce de fortes augmentations de l'énergie et de l'eau. Nous avions déjà remarqué, en France, l'augmentation des carburants, suivie bien évidemment ici. Mais en République tchèque le gaz augmente à vive allure depuis quelques années et l'électricité va se mettre à grimper au même rythme.
Il semble que nous courions vers de plus en plus de précarité. Ceux qui, comme moi, vivent sur la brèche, comment vivront-ils dans quelques années ? L'art va coûter de plus en plus cher à ceux qui le fabriquent. Sauf, bien sûr, lorsqu'ils le mettent au service des télévisions qui, elles, réalisent de véritables fortunes...
Et les gens, avec leur pouvoir d'achat fléchissant, tirent toutes leurs envies d'extérieur de cette foutue télé qui, passé l'achat du récepteur, ne leur coûte plus rien...
On ne va pas blâmer les téléphages. On ne peut les regarder que comme des singes en cage qui n'auraient pas l'idée de s'échapper... C'est un triste spectacle...
Ludmila me disait qu'aujourd'hui, au conservatoire où elle enseigne, à Ceske Budejovice, la police était venue pour arrêter 18 étudiants pour des affaires de Marijuana ou d'autres drogues... Ferait on de même en France, violant un espace en quelque sorte privé pour saisir des étudiants dans leurs salles de cours ? Avec les trafics qui se font dans ce pays, et notamment d'être humains (car bien des trafics de jeunes femmes des pays d'Est passent par la République tchèque) il me semble que la police aurait mieux à faire que d'arrêter des étudiants sur leur lieu d'étude... Mais je laisse aux tchèques de juger leur propre pays, nous avons temps à faire dans le nôtre !
D'ailleurs, à propos du trafic d'être humain, je ne comprends pas que la police n'arrive pas à mettre fin au racolage de toutes ces jeunes femmes, tellement jeunes femmes, sur les trottoirs de nos villes, et de Besançon en particulier ! Elles sont là presque chaque soir, certaines semblent à peine majeures, et combien sont-elles, presqu'une dizaine ! Qui pourrait imaginer que ces jeunes femmes sont venues faire leur métier de plein gré ! Alors comment ce trafic peut se faire, aux yeux de tous et depuis maintenant si longtemps ? Je ne comprends pas qu'on laisse passer des horreurs pareilles, il faut réagir bordel ! Ces femmes se sont des esclaves qui sont obligées de donner leur corps un couteau sous la gorge ! Et on passe devant en trouvant ça normal et certains consomment sans vouloir penser qu'ils participent à un trafic abject ! Tiens, je vais énumérer une série de mots clés, ainsi les parachutistes du web pourront trouver cette page. Allons y : prostituées, prostitution, cul, sexe, femmes, - horreur d'un trafic immonde (voir ci-dessus). Et si vous avez envie de connaître les circonstances dans lesquelles ces jeunes femmes arrivent chez nous, allez regarder le DVD du film "Sexe trafic". Après vous regarderez ces jeunes femmes autrement !
L'Europe, hélas, n'apporte pas que de joyeux échanges...
Mais ne lui lançons pas le glaive. D'ailleurs j'ai été heureux de trouver un article, dans la lettre des sociétaires de la SACEM, qui disait ceci : "La Commission européenne a adopté, le 10 mai 2007, une Communication politique sur le rôle de la culture à l'heure de la Mondialisation (...) Elle propose la toute première stratégie européenne de la culture ainsi qu'un agenda culturel pour l'Europe et ses relations avec des pays tiers. (...) Elle affirme que "la richesse et la diversité culturelles de l'Europe sont étroitement liées à son rôle et à son influence dans le monde", et que l'Union européenne n'est pas uniquement un processus économique ou une puissance commerciale, mais est déjà perçue comme un projet social et culturel sans précédent"
Eh bien voilà ! Il était temps ! Mais j'ajoute quand même, pour tous ceux qui ont critiqué la dimension économique de l'Europe : regardez l'histoire des civilisations, les échanges économiques ont toujours été suivis d'échanges et de progrès dans le domaine de l'art et de la pensée en général. Les grecs se sont mis à devenir philosophes après que leur puissance économique les aient mis en contact avec leurs voisins, proches ou lointains. Plutôt que de se raidir sur le frein comme il a été question lors du référendum sur la constitution, on aurait meilleur temps de demander à nos politiques une véritable ouverture culturelle sur les autres pays européens et cela en favorisant et développant les échanges. La richesse culturelle d'Europe est immense, il ne manque qu'à la faire circuler !
La plupart d'entre nous sont encore en extase devant la richesse des productions culturelles américaines, en matière de musique par exemple : le jazz, le blues, le rock sont nés de cette mixité. Cet richesse est venue de la diversité amenée par les migrants du monde entier et notamment d'Afrique et d'Europe du sud. L'Europe aujourd'hui tend la promesse d'une diversité encore plus grande. Alors cessons de plier l'échine, reprenons confiance et allons visiter nos confrères européens ! - Et, disant cela, je n'oublie pas nos immigrés parce qu'ils nous tendent, eux aussi, un joli bouquet !
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Dimanche 25 novembre 2007, Tabor
Je regarde par la fenêtre avant de commencer cette page, je regarde avec, à l'esprit, l'idée de critiquer le vilain temps qu'il fait depuis deux jours. Une grisaille triste, quelque chose d'un peu informe et d'aussi gai qu'une tombe... Je regarde par la fenêtre donc, songeant : si au moins il neigeait.... Lorsque soudain, comme une réponse à ce souhait, je saisis quelque imperceptible blanc mouvement allant du haut vers le bas.... C'est bien sûr, il commence à neiger ! Ouf ! Ce ciel de neige sans la neige c'est quelque chose d'épouvantable !
Vu cette grisaille non engageante nous ne sommes pas sortis, hier, de la journée. On pourrait même ajouter qu'on l'a presque toute passée au lit, cette journée. Alors nous avons eu tout le temps de faire de multiples choses et surtout de parler a lot. To speak a lot, in english naturally ! Et j'ai appris une quantité de choses !
D'abord, pour faire suite à la page d'hier, les circonstances exactes de la descente de flics au conservatoire de Ceske Budejovice. Il s'agirait, au départ, d'une dénonciation. De la part de... de la part d'un professeur ! Enfin, disons plutôt une. Eh oui ! Une prof de piano qui appelle les flics pour dire : il y a des étudiants dans notre établissement qui consomment et revendent de la marijuana, et même de la pervitine (une drogue fabriquée sur place et qui se consomme en intraveineuse). Elle a certainement ajouté : "Il faut faire quelque chose !" Terrible phrase en la circonstance...
C'est alors qu'à cinq heures du matin, un gang de police criminelle se fait introduire dans le pensionnat par un gardien qui est tout aussi surpris par cette invasion que vont l'être plus tard les étudiants. Ils sont là avec des chiens et entrent d'abord dans certaines chambres, comme s'ils avaient déjà eu les numéros exacts des chambres de certains suspects. Et ils font mouche : l'un a un joint dans son armoire, l'autre deux enveloppes contenant de la Marijuana. Bref ils embarquent dès le petit jour quelques pensionnaires. Au poste, ils commencent à interroger les premières victimes, avec les méthodes habituelles, que j'ignore mais qui sont efficaces puisque, en fin de matinée, ils ont seize nouveaux noms et font une nouvelle descente dans la partie pédagogique de l'établissement.
Ludmila prévoit que, pour laver un peu de son hypothétique responsabilité, le Directeur du conservatoire va devoir expulser quelques étudiants. Ainsi vont se retrouver à la rue les plus fragiles d'entre eux, ceux qui justement pouvaient acquérir un peu de stabilité dans cette maison d'études et de pratique artistique. Ludmila me parla notamment de l'un d'eux, un étudiant assez tourmenté par des problèmes familiaux importants, et qui, avec un peu d'attention, est devenu avec elle un des éléments les plus motivés : c'est un de ceux qui se se sont trouvés surpris avec quelques enveloppes de beu dans leur placard...
Cela m'a paru extraordinaire qu'une enseignante puisse dénoncer ainsi des élèves. C'est choquant. Il me semble que cela ne pourrait se faire en France. Mais je ne sais pas, si quelqu'un n'est pas d'accord avec moi qu'il m'écrive ! Oui, j'ai l'impression que cela ne se ferait pas en France.
Qu'il y ait des descentes de flics dans les cours de récréation, il me semble que cela se fait, en France, depuis quelques années. Même en collège si ma mémoire est exacte. Mais qu'un prof dénonce délibérément un ou une série de lycéens... Dans une fac ou une école supérieure, genre école des beaux arts !.. Non, je n'avais jamais entendu parler de ça. En tout cas c'est honteux : et que toute la honte retombe sur cette délatrice de la pire espèce !
J'ai appris aussi quelque chose d'un tout autre niveau et qui m'a beaucoup intéressé. Toujours évidemment à propos de la République tchèque.
J'étais en train de lire des contes de Voltaire. Eh oui pourquoi pas! Et je dois dire que, parfois, cela m'amuse beaucoup ! Ludmila me dit : "Ca doit être difficile à lire un texte du XVIIIème siècle non? Tu arrives à comprendre ?" Je lui réponds alors : "Ben non, ça va, c'est du Français quand même ! - Mais, reprends-elle, il n'y a pas des mots que vous n'utilisez plus aujourd'hui et que vous n'arrivez plus à comprendre ? - Je réfléchis, oui, peut-être qu'il y a des mots qu'on utilise moins, mais enfin, on les connaît quand même ! - Nous en Tchéquie me dit-elle, on ne peut pas lire un livre, même du début du XXème siècle, tel qu'il a été écrit à l'époque. Ca nous paraîtrait totalement archaïques ! Il y a même des mots qui changent de sens et qu'on ne peut plus lire aujourd'hui dans qu'ils nous paraissent totalement ridicules ! Par exemple tu prends le verbe "šukat" (prononcé choucate). Cela voulait dire avant "chercher", et un écrivain du début du siècle utilisait ce verbe très souvent. Or maintenant le même verbe veut dire "baiser" dans sa manière la plus vulgaire ! A chaque fois que l'écrivain écrit "chercher", nous on lit "baiser" !
Autre exemple. Avant, toutes les formes verbales se terminaient par "ite" (prononcer "itié") à l'infinitif. Cette terminaison a été supprimée. "byt" (prononcé biit, avec un long i), le verbe être, se disait byti (prononcé : biitié). Et tous les verbes à l'infinitif avaient cette terminaison. Itii Itii partout. Aujourd'hui cela paraît totalement d'un autre âge. Tous les cinq ans les livres de grammaire sont modifiés et les livres anciens doivent être remis à jour car personne ne pourrait plus les lire ! Et quand je dis ancien, je parle même des livres publiés au milieu du XXème siècle !
Je me remis donc à lire mes contes de Voltaire et je fus surpris que cette lecture me paraisse si naturelle : Non, le Français n'a pas tant changé depuis cette période, ou si peu !
Il faut dire que la langue Tchèque n'a pas toujours été bien traitée. Pendant l'empire austro-hongrois, la langue officielle qu'on parlait en Bohème était l'allemand. A tel point, et j'en ai déjà parlé, que chaque nom de ville avait son nom allemand : Budvar, Marienbad, sans compter les rivières : la Moldau par exemple est le nom allemand de la Vltava. Dans ces conditions, le Tchèque était une langue de la rue, qui variait d'une région à l'autre et qui évoluait à sa guise malgré les efforts qu'avait faits Jan Hus pour en fixer la grammaire. Lorsque l'empire s'écroula et que la République tchécoslovaque a été fondée, il fallut prouver aux allemands qu'on pouvait dire autant de choses en tchèque qu'on en disait en Allemand. Et, en fait, ce n'était pas vraiment le cas. Les écrivains et autres doctes individus se sont alors mis à inventer de nouveaux mots, s'inspirant de langues étrangères, parfois du latin....
On comprend alors que la langue tchèque ait du mal à se fixer, sans cesse obligée de s'actualiser sous la pression des inventions des grands pays qui l'entourent. Grands travailleurs les tchèques n'aiment pas être pris de court et paraître pour des idiots. Alors la langue s'actualise en permanence....
Notre Français, depuis sa naissance dans sa forme actuelle, au XVIème siècle, a eu le droit dès le départ à une académie, à des savants grammairiens. Langue de référence pendant l'ère classique, parlé dans les cours de Russie, de Pologne, il a eu le temps de se trouver une forme à sa mesure et de s'installer dans une tranquille constance... Et c'est ainsi que, si nous tiquons un peu en lisant Montaine ou Rabelais, à partir des écrits du XVIIème, on peut lire le français sans problème, qu'il soit de Molière, de La Fontaine ou la grande tragédie de Corneille.
Il se pourrait donc qu'un tchèque ressente la même chose lorsqu'il lit un texte du XIXème siècle dans la langue de Prague que lorsque nous lisons un poème de Louise Labé écrit à Lyon pendant pendant la renaissance...
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Samedi 1er décembre 07, Besançon
Une année qui ne va pas tarder à filer. Décembre est là, on aurait mieux fait d'appeler ce mois "des cendres" : 30 petits jours pour conclure une année avant que le grand Chronos ne vienne - comme les employés municipaux le font avec leurs gros aspirateurs à feuilles mortes - nettoyer tout ça.
Cet après-midi nous avons répété tout le répertoire avec deux nouveaux musiciens, Serge Migneret et Manu Jeannin. Ce ne sont pas vraiment de nouveaux musiciens puisqu'ils ont formé tous les deux le premier basse batterie de Philépotes, ma première formation avec orchestre. C'était quand déjà ? Il y a une petite dizaine d'années ? 98 peut-être... Serge a joué bien des fois avec moi depuis, c'est lui le batteur de "Frontières". En revanche cela faisait longtemps que nous n'avions pas joué avec Manu. C'était agréable de le retrouver.
Je vais jouer la semaine prochaine avec deux formations différentes. Au Moulins de Poncey l'équipe habituelle, Paulo à la batterie, Titi à la basse et Alexis au saxo. Avec seulement deux dates ce n'était pas possible de déplacer Karel depuis la République tchèque. C'est dommage, il va nous manquer. La veille nous jouerons à Saulxure avec l'équipe dont j'ai parlé plus haut, Serge et Manu et, heureusement, toujours Alexis au saxo. C'est la première fois que nous jouons avec Alexis pour seul soliste. D'habitude il y a aussi Karel ou, s'il ne peut venir, Emmanuel Tregouët (dit le P'tit Man). Manu vient de partir pour la Laponie où il va jouer avec le groupe "Reviens" pendant presque un mois complet. Entre Manu en Laponie, Titi qui fait des livraisons de gui en Allemagne, Paulo qui est en train de nous quitter.... Ces deux dates étaient un vrai calvaire à préparer !
A quatre, donc, c'est un peu juste. Surtout pour jouer au Moulins. J'aurais préféré venir en plus grande équipe, pouvoir faire entendre notre palette de couleur au complet !... Certes ce n'est qu'une première partie, - mais c'est aussi notre première SMAC!...
En tout cas j'ai apprécié le travail de Serge à la batterie et aux percussions. Il a récemment travaillé sur des rythmes ethniques, comme le flamenco classique par exemple. Nous avons donc pu déguster ensemble une "fille qui dort en pyjama", de même qu'une "J'dois avoir rendez-vous" qui n'avait rien à envier aux versions qu'on a faites avec Paulo.
Pour faire un lien avec les pages précédentes, j'ai passé les deux derniers jours en République tchèque avec une grippe bien salée. Ludmila s'est régalé de jouer à l'infirmière et moi je me suis régalé de ses soins dans son appartement bien chauffé. C'est un plaisir d'être malade quand on est en bonne compagnie ! Seulement, pour cette répétition d'aujourd'hui, deux jours après mon retour de Tchéquie, ma voix était encore en robe de chambre, le bonnet d'Argan sur la tête. Mais bon, elle aura le temps, j'espère, de se remettre pour les concerts de la semaine prochaine.
C'est un bien fragile instrument que celui des chanteurs...
A ce propos je regardais distraitement, cette nuit, au foyer (le seul endroit où je regarde un peu la télé) l'émission "Taratata". Outre que j'aie été surpris que l'animateur Naghi ait tant vieilli - ne l'aurais-je pas vu depuis si longtemps ? - c'est de voir le chanteur Renaud qui m'a le plus marqué. Que de changements sur son visage, et surtout, dans quel état est sa voix... Il chantait en duo et parfois il semblait qu'il n'avait plus de voix du tout, des bouts de textes et de notes disparaissaient. La chute de la voix de Renaud est quelque chose de terrorisant. On pouvait se dire à un moment : "Il est en dépression, sa voix remontera lorsque son état ira mieux". La dépression semble terminée, il paraissait détendu et sympathique, - mais la voix n'est toujours pas revenue... Il n'arrive plus à monter ses notes, à les tenir, et, pour le chanteur que je suis, sentant dans ma propre gorge la voix des autres, c'est une souffrance que d'entendre cette voix s'écrouler ainsi sous son poids...
C'est certainement parce qu'il nous émeut et parce que notamment ses textes sont restés si vrais et généreux que Renaud n'a pas été jeté dans la nuit sombre des étoiles éteintes. Preuve que le texte a encore son mot à dire en France ! Preuve que les français n'ont pas oublié qu'ils ont une chanson qui s'est inventé depuis longtemps une voie propre, une voie que le marché anglo-américain de la niaiserie commerciale n'a pas encore complètement réussi à effacer.
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Jeudi 6 décembre 2007, Besançon
Pourquoi nous avons réajusté le compteur du site ? Cet article donne suite et fin à l'épisode commencé le Dimanche 11 novembre 2007. Après avoir écrit que je ne mettrais pas à jour le compteur de la première page, je me suis dis, voyant les choses évoluer, qu'il était impossible de laisser le compteur en l'état, car il ne correspondait absolument pas à la réalité. Je l'ai donc remonté à 10 000 de plus, ce qui est le strict minimum, 20 000 étant plus près de la réalité. Mais bon. Le schéma ci-dessous montre combien, depuis que nous avons installé les capteurs Java aux bons endroits (sur chaque page du site), le décompte des visites des pages et des visiteurs uniques a considérablement augmenté. On voit qu'en un mois il y a eu 2474 visites de pages et 1562 visiteurs uniques. A ce rythme, le compteur à 5 500 visites, comme c'était le cas avant qu'on ne le rajuste, correspondait à environ quatre mois de fonctionnement du site, et non à deux ans comme c'était sensé être le cas !
Ce schéma de Google Analysis permet de voir le décompte de la vraie fréquentation du site depuis le 11 novembre 2007, jour où nous avons installé les capteurs sur chaque page du site. Il est très clair qu'avant, la fréquentation perçue était quasiment nulle (2 à 15 visites de pages par jour), du fait de la présence d'un seul capteur qui se trouvait mis par hasard sur la première page. Il était donc fait abstraction des nombreuses visites directes sur les pages du journal par exemple, ou de toute visite résultant d'une recherche par mots clés sur google. On voit sur ce schéma que le nombre des pages visitées est d'environ cinquante fois supérieure à l'indication qu'on en avait avant !
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Faudrait pas m'en vouloir de vous le dire mais la Ville est triste en ce moment. La France même est triste. Aujourd'hui Monsieur le Président reçoit le colonel Kadhafi pour lui vendre 10 milliards d'Euro d'armement. La France est contente de pouvoir vendre ses mirages. Il paraît que personne n'en veut. Il a grossi Kadhafi. Il était beau étant jeune. Il a planté sa tente bédouine dans le jardin d'un l'hôtel de luxe et il va faire ses courses pendant une semaine. Des grosses courses avant Noël.
Ce n'est pas nouveau toutes ces petites affaires. Nous gagnons notre pain, comme d'ailleurs beaucoup d'autres pays, sur ces petits arrangements avec les tyrans du monde entier. On mange avec une partie de ce pain là. On mange, on se chauffe, on s'achète des automobiles, des maisons, des outils pour aider notre quotidien, on se paye des voyages avec cet argent là. C'est pas nouveau, cela dure depuis quelques siècles. Dans l'après guerre on est monté au top et puis maintenant on redescend un peu car de plus en plus de monde peut se permettre de faire comme nous.... Alors, plus il y a de monde, plus il faut partager... La pitance baisse...
On ne s'est même pas rendu compte qu'on était bien avec tout cela. On a prit et on n'a même pas dit "merci". Maintenant qu'on a de moins en moins on se plaint. Et on vote pour un super président en croyant qu'il va pouvoir nous sauver et nous rendre tout le luxe des années passées. Le luxe et la sacro sainte sécurité. Un super Président qui prend tous les gouvernails en main, ce qui fait penser à certains qu'on n'est même plus dans une démocratie... Mais ils exagèrent un peu. On est quand même dans une démocratie, car, dans quelques années, on pourra le licencier le super Président. Et il n'aura plus qu'à redevenir avocat. C'est pas si mal après tout avocat. Mais qu'on prenne garde : il fera tout pour ne pas redevenir avocat le super Président !
Quelque part en Afrique, dans un pays appelé l'Ouganda, il y a un homme qui s'appelle Joseph Kony. Un jour, alors qu'il avait 25 ans, il est allé sur la montagne. Et quand il est revenu il était métamorphosé. Il se prenait pour le sauveur. Petit à petit il a trouvé des soldats et il est allé à la conquête du pouvoir. Ils se sont appelés la L.R.A., "L'armée de Résistance du Seigneur". Comme le pays voisin, le Soudan, avait bien envie de mettre KO le gouvernement de l'Ouganda, ils se sont mis à donner des armes à Kony. Et Kony les a utilisées pour semer la terreur. Tuer avec des coups de bêche, décapiter, torturer, donner la mort en arrachant la peau avec les dents. On ne compte pas les membres amputés, les tonnes de souffrances affligées et les divers handicaps distribués, on sait seulement qu'il a tué environ 100 000 personnes. Femmes, hommes et enfants. Et Kony n'a pas de cas de conscience car il est convaincu d'exécuter au nom du Seigneur. Ce n'est qu'un question d'orthographe : seigneur, saigneur...
Comment des gens peuvent arriver à accepter et même à participer à cette barbarie en 2007 ? Il y a eu tant de livres écrits sur le respect de l'homme, de la vie, de la dignité humaine. Pourquoi le monde blanc n'a pas utilisé le grand prestige que ses moyens lui donnaient pour envahir le monde avec la science de tous les penseurs qu'il a vu naître chez lui ? Pourquoi ? Parce que, hors ses frontières, l'homme blanc s'est comporté comme un barbare. Ce qu'il est allé faire ce n'est pas donner, c'est prendre.
Et vendre des armes à Kadhafi c'est dans la continuité de cette barbarie. "Si nous ne le faisons pas, d'autres le feront". Et si, lorsque la France était maîtresse de ses colonies elle avait profité de sa présence pour enseigner aux colonisés tout son savoir, si elle avait mis les jeunes dans des écoles, des universités, et leur avait appris ce qu'avaient écrits ses philosophes, ceux qui avaient écrit les bases de l'égalité des hommes, les raisons de vivre en démocratie, le respect de la vie humaine, - oui, si le colon avait fait profiter aux colonisés de son savoir et de sa science, peut-être que les colonisés n'auraient même pas souhaité mettre le colon dehors ! Mais on avait envie de laisser le colonisé dans son rôle de servage, on ne voulait pas risquer de le faire évoluer, on avait trop peur de perdre ses petits (grands) privilèges ! Résultat : le monde colonial a mis le colon dehors et a utilisé le pire de ses enseignements : les généraux algériens par exemple ont pris la place des colons. Et eux aussi ont bien pris soin de tout mettre en place pour sauvegarder leurs privilèges ! Après on va s'étonner que le peuple vote pour l'intégrisme religieux !
L'homme blanc a semé la barbarie. Et il l'entretient en engraissant des tyrans qui, les poches pleines de ses "cadeaux", laissent leurs peuples macérer dans la pauvreté, les maladies, et le silence forcé par des services de police impitoyables. L'homme blanc a semé la barbarie. C'est ce que disent les révoltés africains. Ils ont raison. L'homme blanc qui n'a jamais été à la hauteur du savoir et de la philosophie qu'il a pourtant créés.
J'entends bien que personne n'y croit aux pouvoirs de l'esprit. Le pouvoir d'une pensée qui amènerait les grands de ce monde à gouverner avec tolérance et équité, respect des différences, respect de la vie humaine, éloignement de la douleur et des souffrances. Mais non. On préfère croire au pouvoir de l'argent. Moi quand je vois ce que les gens riches font de leur argent j'ai honte pour eux. Oui, j'ai honte de leurs puériles dépenses. C'est tellement idiot de dépenser de l'argent dans tout ce luxe inutile, risible.
Que les plus riches utilisent leur argent pour faire de leurs enfants des esprits supérieurs, des penseurs universels capables de montrer la voie vers l'évolution de toutes les populations humaines, ça oui ce serait la vraie classe !
Mais gâcher tout le colossal produit des créations humaines dans de si futiles dépenses. Quelle mesquinerie, quelle pitié !
Je le dis : l'homme n'est pas à la hauteur du fabuleux cerveau qu'il a sur ses épaules. Il n'arrive pas à dépasser sa condition d'animal grégaire, son esprit de bête de meute, de prédateur et de volaille de parade.
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Mercredi 26 décembre 2007, Besançon
Voici Noël passé et une belle neige ce matin pour se mettre bien avec la saison. J'étais ces trois derniers jours dans le village où ont vécu mes grands-parents maternels. Outre la fête de Noël où j'ai rencontré les restant de ma famille, ma sœur, ma mère et mon père (bien sûr Théo était avec moi !), ce week-end avait ceci de particulier que les trois enfants de ma grand-mère devaient y partager ce qui était dans la maison de leurs parents. Ma tante Christiane étant morte, c'était mes cousins qui la représentaient. C'était donc une journée difficile, et particulièrement pour ma mère qui voyait disparaître les traces de cette maison qui était celle de son enfance et surtout le seul endroit de la région, voire de la terre qui puisse avoir une importance identitaire pour elle.
Ce partage devait se faire rapidement de façon à ce que la maison, qu'ils ont décidé de vendre, puisse être en état d'être vendue. C'est pourquoi il fallait, de mon côté, que je fasse disparaître le plus rapidement possible le décor de théâtre que j'avais déposé dans la maison de mes grands-parents il y a de cela, je crois, sept ans Un décor imposant dont la menuiserie avait été réalisée par les ateliers de l'Opéra théâtre de Besançon, et la décoration par Maud Riffay.
Deux pages à tourner en somme : la maison de mes derniers ancêtres et ce spectacle qui avait si peu tourné... C'était beaucoup. J'ai donc décidé de donner à la destruction de ce décor une chance. Celle d'appartenir peut-être à un nouveau projet. Comme j'avais la toute nouvelle caméra que le Conseil Régional de Franche-comté nous a permis d'acquérir (70% du prix sous la forme d'une aide à l'investissement vidéo), j'ai décidé de filmer cette destruction. Cela revenait à organiser un autodafé. Autodafé de ma propre création et autodafé symbolique de la disparition des souvenirs liés à cette maison.
Avec Théo nous avons donc sorti les éléments qui constituaient la base de ce castelet géant de six mètres de large. Nous avons arrangé le tout en un forme de condensé et, à leurs lieux et place, nous avons placé les trois marionnettes qui restaient : Julien le garçon, Juliette sa petite amie, et la vierge Marie, une passante. Le tout en place dans le petit jardin derrière la ferme. Nous avons glissé dans les volumes intérieurs du décor de matières inflammables, des cartons et de la paille. Nous avons enduit cette paille d'alcool à brûler. J'ai mis en route la caméra, et j'ai lancé une allumette...
La campagne alentour était recouverte de givre. Des prairies, des arbres parsemés de gui, et, au fond, un troupeau de chevaux.... Le feu a pris lentement au départ et soudain il s'est accéléré rapidement, trop rapidement. Ce qui fait que la crémation des marionnettes a été trop rapide, j'ai raté l'incendie de la petite Juliette, avec son voile de mariée... Ce pût être si pathétique...
Un mouvement en l'air et lorsque je suis redescendu la vierge brûlait, Juliette était tombée dans les flammes et, par chance, je suis arrivé sur Julien, notre héros, lorsque, happé par les flammes, il lançait ses derniers regards, ces magnifiques regards qu'avaient su lui donner Laurie Cannac, sa créatrice... Julien a brûlé très vite et s'est écroulé en arrière....
Le feu s'est mis à monter dans les airs, j'ai eu un moment peur pour l'arbre qui était à côté. La présence de matières plastiques dans le brasier, dont un rouleau de moquette qui avait constitué la base du décor, donnait aux flammes de cinq mètres de haut, une fumée noire que tout le village et peut-être les villages d'à-côté ont pu voir. C'était effrayant. C'était joyeux et horriblement triste.
Le feu a duré longtemps. Après le coucher de soleil au début de l'autodafé, la nuit s'est posée peu à peu. Et les flammes continuaient de répandre leur lueur rougeâtre. Et puis soudain, miracle, une grosse lune orangée s'est mis à surgir à côté de l'arbre juste dans l'axe du décor. Les flammes baissaient tandis que la lune montait. On aurait pu y lire un signe d'optimisme. La lune, vue à travers l'air chaud du brasier semblait danser, battre, vivre... C'était beau. Beau et majestueux.
J'ai coupé ma caméra quand il faisait tout à fait noir. J'ai pensé écrire un poème et réaliser un film de vidéo-art avec le produit de cette destruction. C'était mon 24 décembre. Une journée particulière où tout un pan de mon passé semblait définitivement disparaître. Quand le passé s'efface il faut trouver des raisons d'espérer, de désirer l'avenir. Je remercie cette lune de m'avoir montré le chemin de l'espoir, de l'enthousiasme, dans cette période où tant d'artistes désespèrent, tandis que Sarkozy s'en va passer ses vacances avec, comme ils disent : "Sa nouvelle conquête", le mannequin et chanteuse Carla Bruni. En voilà peut-être une qui s'est dit qu'il valait mieux se mettre à l'abri derrière le dos d'un Président. Oui, les femmes sont prudentes. Souvent plus prudentes que prudes d'ailleurs...
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En ce début d'après-midi, à l'aube matinale des festoyeurs de la nuit, un brin de soleil fait scintiller la neige sur les toits. Ce qui est toujours mieux, pour un début d'année, qu'un petit jour bégueule et gris.
Alors bonne année chers lecteurs, visiteurs, baladeurs curieux, patients ou pressés, - mes hôtes connus et inconnus ! Quoi que vous fassiez, où que vous viviez, que la paix, l'amour, l'amitié et la réalisation de vous-même vous porte sans faillir jour après jour !
Elle commence comment cette année ? Pour l'instant elle a le sourire, . Un peu de fumée sortant d'une cheminée, les arabesques des branches marrons de l'arbre à lilas, des voix venant de la rue, - ça y est ! eux aussi sont réveillés ! A droite les façades sont jaune de Sienne, à gauche bleu de Bohème. Ca n'existe pas cette couleur ? Alors je l'invente ! C'est un bleu pâle mais tonique qui se marie bien au blanc et qui donne à la façade de la pension Alfa un air chantant de gâteau d'anniversaire ! "Happy birthday to you !" le monde du calendrier solaire, tu as ce matin une année de plus !
Je suis arrivé à Tabor le 30 vers minuit. Sur la route j'ai eu la surprise de passer pour la première fois la frontière tchèque sans devoir m'arrêter et présenter mes papiers. Le poste de frontière a disparu ! La République tchèque est entrée dans l'espace de Schengen !
Pour qui est venu ici à l'époque communiste (ce qui ne m'est pas, hélas, arrivé), pour qui a fait la queue interminable pour obtenir un visa provisoire, juste après la chute du rideau de fer, ce que les tchèque appellent "la révolution de velours", et pour qui a du s'arrêter tant de fois pour un contrôle d'identité du reste de plus en plus rapide, - pouvoir passer cette frontière sans avoir à s'arrêter est un vrai miracle ! Juste un bémol : cela va encore aider le travail de trafiquants, un contrôle de moins c'est beaucoup pour tous ces bâtards qui font l'odieux commerce des être humains....
Mais voyons les choses positivement, l'espace européen s'ouvre et je suis heureux qu'entre Ludmila et moi il n'y ait plus de frontière... Et qu'en fait on se sente tous un peu plus près les uns des autres.
C'est d'ailleurs peu après cette frontière (si discrète qu'on ne la voit presque pas) que la neige a commencé à tomber. Ce n'est pas parce que les frontières ont disparu que rien ne change d'un point à un autre. Et ça, c'est plutôt bien. Ce n'est pas parce que nous sommes de la même famille que tout et tout le monde se ressemble. Et j'aime sentir, kilomètre après kilomètre, le paysage changer, le climat changer, l'architecture changer, la végétation, les mentalités, la culture...
Pour ce passage imperceptible entre une année et une autre, nous avions décidé, Ludmila et moi, d'aller dîner dans le restaurant chinois de l'Hôtel Palcat (prononcer "paltsat"). Dans chaque ville de l'ancienne ère communiste il y a un semblable hôtel, construit dans les années soixante, soixante dix, parfois même avant, et qui avait pour fonction d'accueillir les officiels et autres nantis communistes. L'architecture est souvent de même style : un luxe ostentatoire, lourd et rigide. De larges couloirs, des espaces trop grands et un peu vides, peu de finesse mais un ensemble pesant qu'ont avait certainement voulu à l'image que les anciens dirigeants voulaient donner à leur pouvoir. Un luxe ampoulé, carré, institutionnel.
L'hôtel Palcat a été construit dans les années 70. On y trouvait un restaurant au rez-de-chaussée, un bar au premier, des salles de réunion, de festivités, des chambres cossues parmi lesquelles, probablement, une ou deux suites dites "présidentielles". Deux restaurants et une boite de nuit ont remplacé les établissement d'origine. Les salles de réunion sont encore louées pour des événements divers, conférences d'entreprises, bals privés. L'ancien bar a été remplacé par un restaurant chinois qui a une assez bonne réputation. C'est là que Ludmila a voulu que nous allions passer notre réveillon.
La nourriture était copieuse et de qualité moyenne tendance bonne. Nous avons apprécié à l'apéritif un vin de fleurs servi chaud comme on sert le Saké. Ceci dit le service était assumé par des serveurs qui semblaient vraiment parachutés là comme ils auraient pu être parachutés dans une boutique de fringues ou de nains de jardin. Tantôt ils passaient toutes les cinq minutes alors que vous étiez en train de manger un plat, et quand vous aviez fini, vous deviez attendre un quart d'heures parce qu'ils étaient en train de s'endormir, au milieu de la salle, devant la télévision qui semblait allumée pour eux seuls ! Bref un personnel trop jeune, mal encadré, dans un établissement qui appartient probablement à quelque riche clan d'hommes d'affaires vietnamiens laissant à leurs gérants le soin de se dépatouiller de leur établissement avec les moyens qu'on leur laisse.
Mais enfin, nous avons passé avec Ludmila une soirée sympathique, elle était heureuse d'être là et elle avait un appétit détonnant !
Seulement, les vietnamiens font peu de cas du réveillon de fin d'année puisque leur réveillon de fin d'année ils le fêtent début février ! Ils n'avaient donc rien prévu de particulier pour les festivités d'usage et, vers onze heures trente il fallait quitter l'établissement. Toute l'équipe des jeunes hommes du restaurant étaient d'ailleurs dehors en train de préparer des feux d'artifice. Bien qu'ils attendaient minuit pour lancer leurs fusées, ils nous ont fait une fleur : un parapluie d'étincelle a explosé dans le ciel rien que pour nous !
Beaucoup de gens dans les rues car tout le monde se rendait sur la place de la vieille ville. On attendait les feux d'artifice sans que la Ville ait annoncé quoi que ce soit. Lenka avait ouvert son bar baraque en bois sur la place et on servait à go go des verres de Médovina chaude. La médovina, c'est une cousine de l'hydromel ou le chouchen des bretons, c'est un vin de miel et il se boit chaud par ici. Par moins cinq degrés sur les places enneigées c'est très adapté. A minuit nous avons pu assister à un feu d'artifice anarchique puisque tout le monde y allait des explosifs qu'il avait apporté. Les fusées partaient de tous les côtés, frôlant parfois la tête des badauds - bref c'était un sympathique champ de tir dans la bonne humeur générale !
Je reçois alors une boule de neige dans le dos, je me retourne et je vois, hilare, mon Karel un verre à la main. Mon Karel, c'est Karel Juran, le clavier guitariste de notre groupe ! Cela m'a fait très plaisir de rencontrer mon vieux complice et, après quelque insistance parce que Ludmila ne voulait pas s'enfoncer dans une nuit trop tardive, nous voilà partis tous les trois dans un bar restaurant du coin de la place. Là nous avons retrouvé quelques amis dont Théodor Buzu, un peintre d'origine Moldave que je connais depuis mon premier séjour à Tabor, en 2002. Il y avait un groupe de musiciens de jazz, et nous nous sommes enfoncés dans la fête du lieu jusqu'à cinq heures du matin, - heures de la fermeture du café.... Pendant la soirée on nous a demandé de chanter une chanson. Ludmila a bien voulu nous rejoindre, Karel et moi, pour que nous puissions interpréter tous les trois Dobrou Noc.
En sortant du bar, retour sur la place Jizka avec Karel et Ludmila. La neige, les lumières de noël, des bouteilles de mousseux qui traînent partout sur la neige, l'architecture baroque, un peu d'ivresse, de l'amour et de l'amitié - un vrai rêve de réveillon pour un voyageur dans l'âme....
Il va être maintenant 15 heures en ce premier janvier 2008, la neige vient de se mettre brutalement à tomber, effaçant les rayons du soleil. Que c'est bien d'être au chaud et de regarder la neige tomber dans un pays étranger et pourtant, si proche...
Mon ami Théodor Buzu (prononcer Bouzou) m'a fait, cette nuit, une caricature. Il a écrit dans un coin à droite : "J'aime la vie", phrase qu'il m'attribuait bien sûr et puis, lorsqu'on a regardé son croquis, Ludmila s'est écrié : "oh le nez qu'il t'a fait ! on dirait Voltaire !" Alors Théodor a repris la feuille et, en haut à gauche de son crobard il a écrit "Je suis le Voltaire at ce momente là". C'est la faute à Buzu !
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Jeudi 3 janvier 2008, Tabor.
Au matin je m'installe à la table de la cuisine pour déjeuner. Je regarde machinalement par la fenêtre : constater le temps qu'il fait ou profiter de la lumière matinale. Jamais la lumière n'est tout à fait la même. Je suis heureux de voir que la neige n'a pas fondu et de regarder la ruelle qui descend vers la façade jaune et ocre, avec son pavé recouvert de neige. Mon regard est attiré par le petit buste blanc que Ludmila a posé parmi les feuilles de lierre qui, derrière la vitre de la fenêtre, semblent vouloir entrer dans la maison. Le mur de cette partie de la maison est entièrement recouvert d'un lierre épais qui arrive parfois à s'infiltrer entre les deux fenêtres. Dans ces vieilles maisons de Bohème Sud, pas de doubles vitrages, seulement des doubles fenêtres, - ce qui ne manque pas d'efficacité. Le petit buste blanc avait été offert par notre ami Paul Pernot. Il est là, maintenant, flottant sur les feuilles du lierre, recevant la lumière changeante de chaque matin. L'appareil numérique qui a été offert à Ludmila me permet de prendre cette photo :
Depuis que Paul a décidé de rendre les armes, cette petite sculpture blanche a pris un sens nouveau. Ludmila a eu raison de la placer là, elle nous surprend chaque matin, elle nous rappelle cette façon passionnée et naïve qu'avait Paul d'aborder la sculpture. C'était un amateur, il ne cherchait pas à transmettre un message particulier, ils sculptait ce qu'il aimait sculpter, et il sculptait parce qu'il aimait s'occuper de la sorte. C'est ainsi qu'il avait choisi plusieurs fois de s'inspirer de photographies que Mirek Zamecnik avait faites de Ludmila pour réaliser des bustes et des nus.
Parfois des amis lui achetaient des oeuvres, il leur cédait pour quelques dizaines d'Euro. Je lui disais qu'il vendait trop peu cher, que c'était offenser la sculpture que de la presque donner mais il ne comprenait pas mes arguments, il me voyait comme un bussiness man alors que j'essayais de lui faire comprendre que certains artistes vivent de leur sculpture et qu'il ne faut pas habituer les clients à acheter de l'art au prix d'une reproduction sinon ils n'achèteront bientôt plus que des reproductions et les artistes crèveront. Mais Paul était retraité de la Cédis. Pour lui, sculpter ce n'était pas une affaire d'argent. C'était un passe-temps qui le passionnait et lorsqu'on lui achetait quelque chose, même pour pas grand chose, il voyait cela comme une attention qu'on lui faisait. L'argent servait à racheter du plâtre et puis voilà !
Le matin, en été, il se levait de très bonne heure et allait travailler dans son garage, petit espace dont il devait laisser la porte ouverte pour avoir air et lumière. Les habitants du quartier avaient pris l'habitude de passer lui dire bonjour et restaient parfois à le regarder travailler à même la rue. Je me souviens d'une sculpture énorme qu'il avait réalisée l'année dernière en béton armé. C'était un plongeur (quelqu'un qui plonge dans l'eau) deux fois plus gros que nature, qui tenait par les pieds et s'élançait, les deux bras en avant, sur le vide. On se demandait comment il avait pu faire tenir en suspension un tel bloc de béton. L'ensemble faisait trois tonnes. Une grue est venue un jour sortir le plongeur du garage, les voisins étaient venus assister au spectacle. Il a été vendu à des amis qui l'ont installé dans leur parc, à côté de leur piscine. Paul était généreux de ses oeuvres comme de son temps. A l'époque de la galerie Geste, installée au centre Saint Pierre à Besançon, il avait donné gratuitement des cours de sculpture à des enfants. Le prix des cours avait aidé au fonctionnement de la Galerie. Combien d'heures de sa santé relative il a ainsi donné...
Paul et Nounette c'était une longue histoire d'amour... Elle avait seize ans quand il l'a connue. Comme sa mère ne voyait pas leur différence d'âge d'un bon oeil, un jour Nounette s'est fait la malle et ils sont allés se marier. Nounette écrivait des poèmes comme Paul sculptait. Mais ils avaient une sorte de charme tous les deux et parfois ce charme explosait au cœur d'un poème ou d'une sculpture. Nounette a gardé la coupe de cheveux de ses seize ans. Une coupe au carré, on appelait cela : "à la Stone". Mais sa coupe datait bien d'avant Stone et Charden !
On savait que Paul était malade. La même maladie que Mitterrand et qu'il traînait depuis, je crois, quatorze ans. Paul et moi nous nous étions pas mal vus au début de l'été. Il avait organisé une exposition collective dans un magasin, le Kalao, où j'avais accepté de participer pour lui faire plaisir. Car je sais que ces expositions ne mènent à rien. Pour Paul elle était importante, - elle a été la dernière... Je suis content d'avoir partagé sa dernière aventure, sa dernière passion....
Paul à cette période était à la fois fatigué et très énergique. Après le vernissage il était venu avec les autres pour un after chez moi. Mais j'avais appris que le lendemain et le surlendemain il avait dû rester au lit tellement il était fatigué. C'est là que je m'étais rendu compte que la maladie gagnait et que Paul luttait avec un acharnement qu'on prenait pour de l'énergie, de la forme, mais qui était en fait un combat à mort contre son cancer.
Un mois après, il parlait beaucoup de ses médecins. En riant, certes, mais comme jamais il en avait parlé. Il disait qu'ils lui avaient parlé de ses poumons et puis aussi de l'estomac. Il disait qu'il n'allait pas arrêter de fumer maintenant, concluant par un jeu de mots où il était question de l'un qui enterrait l'autre... Cette étonnante énergie, Paul la mettait au service de l'amitié et du contact avec les autres. Dans la rue il était incroyable de le voir saluer tant de gens, des plus jeunes aux plus âgés. Tout le monde semblait le connaître. Et quand il parlait à quelqu'un on avait l'impression qu'ils étaient amis depuis toujours.
Après l'été son moral s'est écroulé. Il n'arrivait plus à faire face, il n'en avait plus la force. Il est parti un jeudi de la maison. Il devenait fugueur quand il n'était pas en forme, c'était pas nouveau. Il n'a prévenu personne, pas même sa Nounette et leurs cinquante ans de mariage. Le mardi on retrouvait son corps dans le Doubs qui, a cette saison, n'est plus très doux, côté température... On a retrouvé aussi sa voiture près d'un pont, le même pont d'où sa mère s'était jetée des années avant. C'est comme s'il avait sauté définitivement dans le passé...
Il n'y a pas eu d'article dans l'Est Républicain pour notre ami Paul. Ca ne lui a servi à rien de faire un buste de Vauban pendant l'année Vauban. Le Maire, qui le connaissait bien, a envoyé un mot à Nounette et c'est tout. Paul avait voulu offrir son buste de Vauban au Musée mais il y avait eu des complications... Pourtant son buste, imposant, valait bien quelques absurdités qui ont été diffusées dans cette course de L'œuvre de Vauban, et donc de Besançon, pour le label "Patrimoine mondial de l'Unesco"
Non, pas de trompettes de la renommée. Mon vieux Paul est mort en silence après avoir claqué la porte. Alors il fallait bien qu'un matin de janvier me souffle un petit mot pour lui dire au-revoir... .. et que je publie cette photo qu'il m'avait demandé de faire, image de lui avec sa sculpture : "La danse des amants". - La danse des amants, oui, Paul et Nounette, ils l'avaient bien méritée.
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Voici à nouveau une période de dèche qui commence, jusqu'à ce que mon intermittence soit remise en route. J'avais reçu avant les élection présidentielle une information à propos des nouveaux aménagements du statut depuis le mois d'avril 07. On y parlait d'une allocation spéciale de trois mois qu'on pouvait toucher en fin de droit. Il n'était pas indiqué de condition particulière. Je croyais pouvoir toucher ce "pont". Mais hélas il est soumis à conditions. La condition est que vous ayez 507 heures déclarées dans les douze mois précédant. Cette allocation avait été accordée à la fin du combat des intermittents, suite à la réforme qui voulait que nous ayons les droits à l'intermittence dans les dix mois précédents au lieu de douze auparavant. Tel que c'était présenté dans le papier diffusé avant les élections présidentielles, il semblait que cette allocation était quelque chose de nouveau. Or c'était exactement ce qu'il existait avant présenté sans les conditions. C'est comme quand vous signez un contrat sans lire les petites lignes à peine lisibles écrites en bas de page. Vous allez être baisé. Ce courrier n'avait qu'une fonction, celle de montrer aux artistes récalcitrants au gouvernement de l'UMP que celui-ci n'était pas hostile au statut et que même il l'avait aménagé. Ce n'était que de l'artifice propagandiste.
Me voici donc le bec dans l'eau avec deux chèques rejetés et des gros problèmes pour aller jusqu'à fin février en mangeant normalement... Le téléphone tout ça. L'abonnement internet, mes outils de travail sont menacés pendant ces deux mois. On va déjà essayer de manger. Le téléphone, on verra après.
Je ne sais pas combien de temps je vais pouvoir tenir ainsi. Je ne suis pas le seul à me poser la question. Il y en a déjà des masses qui ont décidé d'arrêter. Tous les dix mois soudain le fléau revient. Cette année cela a été pendant douze mois, car les deux derniers mois ont été couverts par mon travail sur un film institutionnel à propos d'ateliers sur l'image de soi organisés par la Ville de Besançon. Les services culturels nous rejettent tandis que les services sociaux nous font parfois une commande. Douze mois donc de paix. Et l'enfer revient. Celui là ne durera que deux mois. Mais il a déjà duré plus. Alors la question vient immanquablement à l'esprit : "Comment ce sera l'année prochaine ?"
J'entends combien d'artiste se décourager... C'est lugubre. Et il semble que les gens s'en foutent. Ils ont leur télé tous les soirs, qu'en ont-ils à faire que l'art se bâillonne et disparaisse ?
Et puis notre Président Gling gling, la culture il s'en contrefout. Seulement si la très chère Carla Bruni était capable de lui faire comprendre l'utilité d'entretenir un vivier artistique ? Je ne sais pas si elle en sera capable... En y songeant on en vient à rêver qu'une femme ait la grande classe d'influencer son mari président dans ce sens là. Mais rêver ne sert plus à rien. Ces élites sont tellement décevantes....
Donc l'année commence plutôt morose. Ce n'est pas mon anniversaire, la semaine dernière, qui va rendre le tableau plus ragoûtant. C'est comme un blues qui passe, entre un tableau de Turner et le morceau "Blue Drag" de Django Reinhardt : de la brume, de la fumée, mais quand même, une ambiance particulière et une lumière dans le ciel qui laisse espérer que le soleil va bientôt transpercer la grisaille !
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Dimanche 20 janvier 2008, Besançon
Tiens, un mail aujourd'hui d'Alain Jean-André, le Rédacteur en chef de La Luxiotte, une revue littéraire en ligne qui, en 2006, avait publié en direct mon journal alors que nous étions en tournée en République tchèque. Je ne saurais trop recommander à mes lecteurs fidèles ou infidèles, d'aller visiter ce site, il vous suffit de cliquer sur l'image écran que j'en ai faite :
Dans ce mail, Alain, qui m'a beaucoup encouragé au début de l'écriture de ce journal, m'informe qu'il a créé un lien depuis la page d'accueil de la Luxiotte. Je vais donc vérifier et découvre cet encart où Alain a qualifié mon journal de "Journal-fleuve" ! Tiens, c'est nouveau cette notion : "journal fleuve" ! En même temps, la vie n'est-elle pas un long fleuve.... la mienne pas si tranquille que cela tout de même ! Il se pourrait même qu'un jour cette descente en rafting-lecture mène...... à un précipice ! Ne vous inquiétez pas, toute la tasse sera pour moi....
En tout cas je ne peux que remercier Alain de ne pas m'avoir oublié et je lui souhaite tout le bien qu'il mérite et longue vie à la Luxiotte !
Nous avons regardé ce soir, avec Théo et mon pote Olivier, un des premiers films de Wajda : "Cendres et Diamants". Un film sur les premiers jours d'après guerre de la Pologne. Le portrait que Wajda fait de ces premiers jours de paix est d'une tristesse impitoyable ! Réalisé sous le gouvernement communiste, on se demande comment la censure est passée à côté de cette acerbe critique de l'avenir, - avenir qui était le présent de la réalisation du film !
Afin de découvrir le contexte de la Pologne en 1945, je suis allé demander quelques renseignements à Wikipedia. J'ai appris que le père de Wajda est mort pendant le massacre de Katyń , évènement qui m'a permis de découvrir les secrets des accords entre Hitler et Staline qui avaient décidé, avant la guerre, de se partager la Pologne ; de découvrir aussi cette purge des élites de la Pologne par le NKVD en 1940, purge qui a fait, quand même, 22 000 morts ! Il est évident qu'après avoir eu un père massacré de la sorte, le jeune metteur en scène ne pouvait pas regarder l'après guerre, sous le même régime qui avait tué son père, avec beaucoup d'optimisme...
Ceci dit, l'arrêt du lecteur DVD faisant réapparaître automatiquement les chaînes de télévision, TF1 en l'occurrence. J'avouerai que de regarder quelques minutes ces soirées divertissement du samedi soir ne m'ont pas non plus très rassuré. Il semble qu'une certaine catégorie de personnes essaient, depuis l'aube des temps, de trouver le moyen le plus radical et le plus sûr, de soumettre le restant de l'humanité à ses intérêts et à sa domination. C'est comme si, aujourd'hui, la catégorie dominante avait trouvé le meilleur moyen d'agir efficacement sur "le peuple", pour le vassaliser définitivement. Et ce meilleur moyen, c'est la télévision.
La télévision est, à mon avis, le plus puissant moyen d'asservissement qui soit. Il n'y aura plus jamais besoin de tuer les élites intellectuelles, les étudiants qui ont toujours bousculé les pouvoirs en place. La télévision fait le ménage à l'intérieur. Elle désinfecte les esprits des pensées rebelles. Et pis encore, elle rend les cerveaux oisifs. C'est un peu comme la constipation : moins vous allez aux selles, plus vos intestins se mettent difficilement à évacuer les excréments.
* * *
Lundi soir c'était soirée Slam au Bar de l'U. Je suis toujours ravi d'assister à ces soirées de poésie. Il y a en plus quelques personnes très talentueuses, comme Boris Crach qui déferle des suites dadaïstes avec une fougue ahurissante, Porfilio aussi, ce vieux réfugié Chilien qui a perdu sa vue sous la torture des sbires de Pinochet. Je suis fasciné de le voir dire un texte qu'il n'a jamais pu voir et qu'il a réussi quand même à mémoriser. Et la diction de Porfilio, c'est un autre monde ! Il y en a d'autres encore, le charmant et touchant Sam qui nous fait des magnifiques lectures d'écrivains moyen-orientaux du XIème siècle, et qui enchaîne par un de ses textes avec la même fougue de pur slam rythmique, le tout toujours de mémoire... C'est jubilant, j'adore !
Et puis j'aime aussi cette réelle mixité culturelle qu'on retrouve dans ces soirées. Entre la poésie de tradition, textes d'écrivains célèbres d'hier et d'aujourd'hui, et la création des uns et des autres qui va elle aussi d'une vision classique à des écritures plus actuelles : on saute du néo baudelairisme au texte d'humeur, du subjectif au surréalisme, de la provocation à la révolte, du hip hop, voire du pure slam, à des longs textes en prose, rythmiques ou non, qui révèlent chacun un univers caractéristique. Il y a des bons textes, il y en a de moins bons, mais finalement peu importe, ce mélange crée des attentes, des suspensions, des contrastes intéressants.
J'ai fait lecture lundi d'un nouveau texte "Je deviendrai un ange" qui a, semble-t-il beaucoup plu, vu les comportements des gens à la fin du set. Peut-être que ce texte pourrait entrer dans le répertoire de PB. TRISTAN ? 4 Minutes de pure lecture c'est peut-être beaucoup ? Et avec quelle musique ? A voir.... En tout cas ce long texte finit ainsi :
"
Quand j’en aurai marre je
deviendrai un ange. Mais c’est pas demain la veille. Avant de se visser un
masque sur la face il y a tellement à essayer de dire, à tenter de faire,
tellement à apprendre, tellement à espérer, tellement à rêver qu’on
puisse faire mieux ! Et
tant pis si ce mieux ce
n’est pas pour demain Ce
sera toujours mieux Qu’un
délire angevin En prime time sur TF1. "
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Jeudi 24 janvier 2008, Besançon
J'écoutais un documentaire radiophonique sur France Culture à propos de gens qui ont gagné le gros lot au loto. C'était à 13 h 30. En descendant dans ma boite aux lettres, je trouve une lettre des assedics m'annonçant que j'avais droit à l'allocation transitoire ! Oh joie ! J'ai gagné le gros lot ! Passer de la situation de celui qui doit vivre un mois et demi sans un sous à celle d'un homme qui peut passer un mois à peu près normalement, c'est le bonheur ! Pas besoin de jouer au loto ! J'ai passé la journée dans ce climat de jubilation. Il faut dire que j'étais sûr que je ne toucherais rien avant qu'ils commencent à remettre mon intermittence en route. Ouf, cette année j'ai passé le cap Horn sans casse ! il y a deux ans je sombrais dans le surendettement (je rembourse encore...) C'est l'angoisse de l'intermittent : "quand les dix mois auront passé, que va-t-il m'arriver ?" Certains passent sans problème (de moins en moins) d'autres tanguent puis se redressent, des sueurs froides aux tempes, et de plus en plus coulent....
Du coup je me suis payé un ciné ce soir. Je suis d'abord allé voir un film qui s'appelle je crois "chanson française", en tout cas il y a chanson dans le titre. Une sorte de Jules et Jim à l'envers et en comédie musicale. Le film commence sur des plans de la place de la Bastille. Je déteste cette place. Quand j'habitais à Paris cette place me donnait le cafard. Ca sent le nouveau riche de l'Opéra à la rue de Lappe en passant par les ailes de l'ange. Donc mauvaise introduction. Et puis présentation du premier personnage. Une jeune femme, blonde. Sa démarche dans Paris. La démarche type de la Parisienne qui se la pète. Présentation des deux autres personnages. Pareil, ils sont puants. Un film, et même un roman, tiennent dans leurs premiers instants. La "couleur" (je prends ce terme dans son sens le plus large) du film, du roman, est dans ces premières minutes. Et cette couleur me hérisse viscéralement. Je sors.
Je me glisse dans la salle d'à-côté. On y passe un film dont j'apprendrai à la fin qu'il est de Cronenberg, "Les Promesses de l’ombre". Les premières minutes étaient passées, sceptique sur la première série de plans (une scène d'intérieur très anglaise, avec l'accent russe, ce qui pouvait faire penser à du Ken Loach), et soudain un grand changement d'atmosphère. J'y suis, dedans, le type a de la palette, ce n'est pas un faiseur. Le choix du sujet aussi, la maffia Russe, ce n'est pas la maffia italienne ou américaine, sujets surfaits. C'est une nouvelle façon de traiter le présent. Je suis content d'avoir quitté le petit parisianisme centro- cellulaire bourgeois pour un sujet encore assez neuf dans le cinéma, cette terrible maffia russe dont la violence n'a pas fini de nous surprendre. Attendons encore quelques années que les scandales éclatent...
Et puis retour dans les rues nocturnes. Un extrait de mon texte "La Nuit" :
"Les cinémas rejettent "Leur public ébahi "Qui sent bouillir au ventre des rêves
interdits "Ils nagent dans le couloir "Des espoirs et des peurs "Ils ont un loup au ventre et elles un chatouillis
Mon "loup au ventre" je traverse la Place Pasteur. Mes yeux myopes sont alors attirés par des rectangles blancs collés sur les bancs stylisés installés sur la toute nouvelle place. Je m'approche et je vois ceci :
Sur une autre feuille est écrit "Ces bancs sont des appareils anti SDF".
Explication :
Il y avait ici il y a encore un an un édifice des années 70 comprenant des sortes de terrasses en plaques de pierres polies où les SDF avaient coutume de venir s'asseoir, voire même se coucher. Il y avait aussi une fontaine en aluminium avec des vasques communicantes de haut en bas, des parterres de fleurs, des arbres et des toilettes. Le Quick avait essayé d'installer sur l'édifice sa terrasse, des tables en aluminium et quelques parasols. Un ensemble qui donnait guère envie de s'installer, surtout que l'aluminium, en plein soleil, était intouchable tellement il avait chauffé.
Il est évident que cette nouvelle place, dont l'inauguration a eu lieu fin décembre 2007, a été construite pour éviter les attroupements de SDF.
Maintenant, pour faire écho à ces affichages sauvages, j'ai une remarque. Je n'aime pas qu'on écrive "L'art au service de la Police". L'art n'y est pour rien là dedans. Qu'est-ce qu'on vient l'emmerder, l'art, alors qu'il a déjà une balle dans les flancs ! Ces bancs n'y sont pour rien dans l'éjection des SDF. Cette immense place vide, sans aucun relief, ni arrière coin, est l'éjectoire à SDF, pas les bancs. Ces bancs d'ailleurs ont été commandités à un jeune artiste en résidence à la Villa Medicis. On lui a commandé des oeuvres, il les a exécutées. Son travail n'a rien à voir avec la Police. C'est la politique de la Municipalité, socialiste paraît-il, qui est à l'origine de ce projet. C'est cette politique qu'il faut stigmatiser, et non ces malheureuses productions d'artiste. Ces amalgames sont regrettables. L'art est assez chargé pour couler, ce n'est vraiment pas le moment d'en rajouter une couche.
Et puis, s'il y a une raison, une seule, de complimenter la Ville de Besançon, c'est bien d'avoir fait cette commande à un jeune artiste (Guillaume Bardet). Si le projet avait été mieux réfléchi, plus humainement, plus intelligemment, cette commande aurait été la cerise sur le gâteau. Mais le projet n'est pas bon. Même odieux.
On aurait pu penser vraiment cette place autrement. On aurait même pu faire en sorte que les SDF puissent s'installer sans qu'en fait ils ne gênent personne, les commerçants en particuliers, car c'est bien eux qui se sont plaints des SDF, comme ils l'ont fait rue Battant. On aurait pu penser cette place dans l'axe du développement durable. Avec de la terre, des fleurs, des arbres, du bois, des matériaux qui ne se chargent pas en chaleur le jour pour réchauffer la nuit, empêchant les organismes fragiles de se rafraîchir pendant leur sommeil. La grande cause de la mortalité de la dernière grande canicule. Non, cette place toute recouverte de pavés noirs est une aberration aujourd'hui et sa sécheresse, la monotonie de ses reliefs, l'économie de ses lignes font penser à l'architecture fasciste, nazie ou mussollinienne. De la part d'une marie socialiste, cette architecture est une honte, autant dans ses intentions que dans l'oubli de l'inscrire dans le développement durable.
Alors "Ne dites plus urbanisme dites police préventive" d'accord. Mais "l'art au service de la Police", hors sujet et même, un peu réactionnaire. L'extrême gauche (qui d'autre aurait pu écrire ceci ?) a grand tord lorsqu'elle tourne le dos à l'art. Elle ferait mieux de s'en faire un allié.
Non, l'artiste est un SDF potentiel, qu'on lui foute la paix sur la place Pasteur à Besançon !
PS : autre aspect du problème, allez le trouver sur cette page (cliquer).
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Vendredi 1er février 2008, Besançon.
Il est 21 heures 30. Un homme parle sur France Culture de Man Ray. J'entends des phrases comme : "pour vous l'instant n'est plus l'instant" "L'instantané de l'instant dans l'histoire" J'aime les gens qui parlent de choses compliquées. Mais à peine commencé je dois finir. Mes invités sonnent, Titi et son amie, et plus tard ce sera Karel qui arrive de République tchèque pour une semaine.
La semaine qui vient on va pouvoir enfin travailler, chercher, répéter. Et puis, si dieu le veut, on enregistrera un ou deux morceaux. Ah ! Le nouveau batteur est élu. C'est........ Patrick Barbenoire ! Génial ! Patrick a déjà joué un an avec nous du temps de PHILéPOTES, il a des idées et est très subtil. Du bonheur !
J'ai remis aujourd'hui des dossiers de subventions qui m'ont demandé un boulot ! J'avais la tête prête à éclater. Résultat ma guitare reste dans sa housse, je me demande si j'ai encore une voix et mon journal n'avance pas d'un pouce ! Bon, je vais accueillir mes invités.....
(......)
Karel vient d'arriver. Il est maintenant deux heures. Le pauvre s'est perdu. Normal il neigeait à...... tiens je cherchais une expression et je n'ai rien trouvé. Il neigeait à flots peut-être ? A gros flocons ? Non, l'équivalent d' "il pleuvait des cordes" ne semble pas exister en version neige. Dommage. Bref, Karel est parti ce matin à 11 heures. Il a mis quinze heures pour venir. Ce que je lui fais subir quand même .... Mais bon, ce n'est pas désagréable de venir en vacances en France. Alors, pour le réparer de toute cette route, je lui ai concocté mon super couscous dont même les arabes m'ont dit qu'il était bon !
Hier c'était le mariage de Bastien et Larissa. Bastien c'est un garçon qui organisait, en 2001, un échange de photographes français et Russes. C'était parti d'une rencontre avec un jeune Russe très dynamique, Alex, pendant la coupe du monde. Ce premier voyage en Russie a déclenché tout le reste, l'échange de Résidences avec Sergueï etc. Bastien est comme moi retourné souvent à Saratov et il a fini par rencontrer une charmante prof de Français, Larissa, avec qui il s'est marié hier. Voilà comme va la vie. J'ai quand même regretté qu'à ce mariage Sergueï ne soit pas du voyage. Mais voilà, on ne sait jamais comment vont faire les gens, ce qu'ils pensent, ce qu'ils vont décider...
Mais ces mariages internationaux sont quand même les plus touchants. Quand la mère de Larissa et ses jolies cousines se sont mises à chanter des traditionnels russes, même si elles étaient un peu faux, quelle émotion ! Il ne faut pas demander deux fois aux Russes de chanter. Pourquoi les Français de l'Est de la France chantent si peu. Dieu qu'ils sont tristes !
Demain commencent les journées de Répétition. Jusqu'au dernier moment on ne savait pas précisément où on allait le faire. Et puis la solution la plus simple s'est imposée : rester à Besançon. J'avais pensé à un petit séjour à la campagne. Mais ça semblait ne pas vouloir marcher. Donc la solution du centre ville sera forcément la meilleure !
Tout le monde semble content de se mettre au boulot. Trois jours de suite. Je ne crois pas qu'on l'ait déjà fait. J'ai hâte de m'y mettre ! D'ailleurs je fonce me coucher !
Hé maross maroooo os Nié é maros minia ! Nié maro os minia a a a Ma yé vo o cania ! (c'est du Russe écrit comme en français, une chanson qu'on entonne quand on est bien saoul et que soudain on devient mélancolique !)
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Mercredi 6 février 2008, Besançon
Deuxième journée à travailler dans notre studio loué à des collègues jazzmen. C'est en fait un local de répétition, remarquablement isolé, une boite en bois dans une pièce en pierre. Il y a à travailler Titi (Thierry Lorée), Karel Juran et Patrick Barbenoire. Mon ami Joe m'a prêté son home studio et on s'attelle aux morceaux. Des fois c'est dûr, on discute, on n'avance pas, l'un bloque sur sa partie, la bonne idée ne vient pas. Les rythme du Cap Vert par exemple, un casse tête pour les batteurs.
Nous devons enregistrer demain "Dobru Noc" et "La Fille du Poète", si on a le temps on en enregistrera un troisième, par sécurité. Donc nous sommes ensemble presque du matin jusqu'au soir. Avant hier c'était Titi, aujourd'hui ça a été le tour de Patrick de venir manger avec nous. Nous c'est Karel et moi puisqu'il habite chez moi quand il vient en France. Ca donne un rythme sympathique. Chacun son tour fait à manger et donc fait profiter à l'autre de son "savoir" culinaire.
Avant hier d'ailleurs, avec Titi, on a fait un blocus sur une idée de Karel. Il voulait faire un plat Hongrois "Langose" (dire Langoche). C'est un genre de pizza dont la pâte est cuite dans une poêle, à grande huile. Pour ça pas de problème. Mais quand Karel nous a dit qu'il allait mettre par dessus de l'ail et du fromage râpé, ces deux ingrédients devant être mis sur la pâte sans avoir été cuits, nous avons bloqué Titi et moi. J'ai donc proposé une petite préparation à base de tomate, de viande, d'épice et même de crème. Karel a accepté le compromis. Et finalement nous nous sommes régalés.
Donc on s'arrange de nos goûts, de nos couleurs et de nos nationalités !
Demain le grand jour puisqu'on enregistre. J'espère qu'on sera contents du résultat. C'est à peine précipité car Patrick vient juste d'arriver et on enregistre ! Mais, côté "Fille du poète", la valse jouée en rythmique jazzy, pas de souci, Patrick est un expert. Pour "Dobru Noc" c'est plus difficile, il aurait fallu un peu de temps. Mais allez, on dit que ça ira !
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Samedi 9 février 2008, Besançon
J'ai rejoint mon petit job bihebdomadaire et franchement, je suis heureux de m'asseoir à un bureau et de me reposer un peu. Après deux jours de répétitions et un jour d'enregistrement, la base des deux morceaux est enregistrée. Il reste encore à Ludmila de "poser" sa voix et à Alexis son saxophone. De mon côté je ne vais pas pouvoir m'empêcher de refaire quelques voix et j'espère que ce sera bientôt fini. Titi reprendra alors le projet pour se mettre au montage.
Ces journées ont été bien chargées et agitées. Nous n'avions pas de réalisateur pour cet enregistrement et nous avons dû, Titi et moi, nous improviser tels. Je voulais acheter une carte son lorsque j'ai reçu un courrier des ASSEDIC qui changeait complètement la donne de ce que j'avais prévu. Je n'aurai rien en début de mois de leur part : terminé les achats. Comme tout était mis au point avec les uns et les autres il a fallu trouver une solution de rechange. C'est alors que notre ami Joe, qui avait fait le son de nos concerts au début de PB. TRISTAN, nous propose de nous prêter sa super table numérique et ses deux cartes sons ! Un cadeau magnifique, et j'oublie le micro de studio ! Alors il y a eu quelques petits cafouillages techniques mais dans l'ensemble tout s'est bien passé.
Hier soir j'invitais tout le monde à venir manger à la maison et nous avons soufflé ensemble autour d'un plat de lasagne (ma spécialité N° 1) et quelques bouteilles de vins franco italiens. C'est cela que j'aime dans la musique : l'amitié. D'ailleurs cela commence à être de longues amitiés : Patrick qui commençait à jouer avec moi vers 99 je crois, Titi avait fait une apparition en 98, Karel arrivait en 2004 en même temps que Joe...
Karel est donc reparti ce matin. Il est de plus en plus effrayé par le fait de prendre la route et je le comprends. Je le suis aussi. Il m'a demandé à terme d'acheter un clavier pour qu'il puisse venir en bus. C'est vrai aussi que son clavier est diablement lourd. Karel est diabétique et les poussées de diabète s'en prennent à ses yeux. Son père est aveugle et il doit craindre qu'un jour il lui arrive la même chose. En tout cas sa vue est faible et la nuit il voit mal, d'où le fait qu'il se soit perdu en arrivant vendredi dernier. Si l'on ajoute à cela les problèmes de voiture, la fatigue... Quel courage il a de venir ainsi ! Je lui en serai toujours reconnaissant et je tiens parole en amitié.
Nous avons donc enregistré "Dobru Noc" et "La fille du poète". C'est très difficile parce que nous avions de ces deux morceaux d'excellents enregistrements live. Donc enregistrer en studio ce qu'on a bien réussi en concert c'est un pari difficile. Surtout qu'on s'attache à une version et qu'on va rechercher dans une nouvelle quelque chose de la même veine ! Très difficile tout ça. Patrick Barbenoire s'est bien tiré de la gageure, il ne connaissait pas les morceaux en arrivant lundi. Karel et Titi ont joué cela les yeux fermés, ils connaissent ces morceaux sur le bout des doigts. Dobru noc a été enregistrée un peu plus vite que la version live. C'est la vitesse limite. Tempo à 84. Je pensais hier qu'à 80 cela aurait été suffisant. Et puis, en réécoutant la version live je me rends compte que cette version à peine plus rapide donnait au morceau un nouveau souffle.
Rendez-vous ce matin à la Saline d'Arc et Senans, avec son nouveau Directeur, Michel Pierre. Un monsieur qui me fait penser à Laurent Decol : un homme d'écoute qui se fie à son goût. Je m'en suis rendu compte lorsqu'il regardait mes photos : on voit tout de suite lorsqu'un homme sait regarder une oeuvre. Je me souviens avoir vu notre Maire, Monsieur Fousseret, arriver dans une exposition à la Galerie Geste. J'ai regardé ses yeux. J'ai vu immédiatement qu'il ne savait pas regarder. Ses yeux ne savent pas voir. Il faut avoir de la culture pour regarder une oeuvre, qu'elle soit bonne ou mauvaise. Je doute de la culture de Monsieur Fousseret, je doute même de son intérêt pour la culture. Je ne doute pas une seconde de celle de Michel Pierre.
Maintenant le projet n'est pas encore sûr. J'espère vraiment qu'il pourra avoir lieu. C'est plaisant de travailler avec des hommes de mérite.
Karel est parti ce matin vers Tabor et Ludmila roule maintenant vers Besançon. Ils se seront croisés quelque part en Allemagne. J'espère que Karel est arrivé, je lui ai envoyé un message, j'attends sa réponse. Peut-être est-il déjà couché ? Il semblait assez fatigué cette semaine. Plus que d'habitude m'a-t-il semblé... En tout cas une semaine à vivre sous le même toit c'est sympa : "c'est le temps des copains, le temps de l'amour et de l'aventure !" Sans un sou on s'avance dans le mois et pourtant on est privé de rien.... Est-ce de cela qu'il veut parler, Alain Jean-André, dans La Luxiotte ? Il écrit: "Lire le journal-fleuve de Philippe B.Tristan, c'est transformer la lecture en voyage en raft." Descente en Raft..... Ce n'est pas rassurant comme image. Reste à savoir si on descend vers la mer ou vers l'abîme....
Pour l'instant on va dire : vers la mer.... Mais que les psychanalystes laissent leurs homonymes de côté !
Ah ! message de Karel : ;-) I'm in bar Nota-you know- Trip is bastard because wos trafic-sorry for my bad eng.but everything is ok. Dobrou noc for you too, amigo
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Vendredi 15 février 2008, Besançon
Dernier jour de vacances de Ludmila à Besançon. Elle est arrivée il y a une semaine. C'est toujours trop court. Surtout qu'on dirait qu'elle s'adapte de mieux en mieux, que ce soit alimentairement (au début c'était une catastrophe), que ce soit socialement avec le petit monde de mes amis (au début c'était toujours trop). Bref nous avons bien ri ensemble.
La petite surprise de ce séjour c'est qu'elle a elle-même tenu à inviter Boris Crach et son amie Jezabel que nous avons rencontrés à la soirée Slam de lundi. Les séances slam ont lieu chaque mois, les deuxième mardi. C'était une excellente idée et nous avons passé une soirée sympa avec ces jeunes gens un peu atypiques, entre Jezabel jeune américaine au style glamour et Boris déclamateur sulfureux, drôle et débridé de nos soirées slam.
Le séjour de Ludmila, après celui de Karel, a permis aussi d'enregistrer les deux morceaux manquants de notre prochain EP. "Dobru Noc" est maintenant en fin de mixage et vraiment je suis très content du travail qu'a réalisé Titi. Il reste à terminer "La fille du poète" la semaine prochaine, en Savoie, dans la ferme d'Alexis. Nous arrivons maintenant au bout d'une idée qui a mis un peu de temps à se mettre en route, indécis que j'étais sur les moyens de produire un album, même court, alors que je n'ai pas un rond.
Cette nouvelle production sera vraiment le fruit de la solidarité de différents amis et des musiciens en premier lieu. Joachim, d'abord, en nous prêtant son studio, Karel qui est venu spécialement de Tchéquie pour enregistrer ces deux titres (je n'ai pu lui rembourser que la moitié de son voyage...), Titi qui s'est attelé au montage de trois titres sur quatre, Philippe Avocat qui a consacré à l'enregistrement de Drako beaucoup plus de temps que la journée de travail que j'ai pu lui payer et Raphael Baud qui me proposait de travailler sur le visuel de l'album à des conditions amicales.
Ce sont vraiment des bouts de ficelle et beaucoup d'engagement des uns et des autres, tellement que ça devient une sorte de miracle que cet album puisse voir le jour.
Mais ne nous emballons pas. Le CD n'est pas encore tout à fait là, il reste encore un bout de travail. Croisons les doigts et avançons doucement.....
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Mercredi 20 février 2008, Bellay (01)
Retour aujourd'hui de Le Grenier en Bauge, là où, sur une montagne à alpages, Alexis a sa grande ferme savoyarde. Alexis c'est notre saxophoniste.
Dommage que nous n'y sommes restés qu'un seul jour. C'est un petit paradis pour hommes. Pour hommes parce que le confort actuel de l'endroit ne se prête guère aux besoins féminins en la matière : pas de salle de bains, de lavabos, d'évier, de toilettes fermées. Mais une fontaine devant la ferme avec une eau potable qui coule, en chantant, du bec en bronze... La neige partout autour, des petites pièces de deux mètres de haut et de trois de large, toutes entourées de planches parfumées de sapin. Des fourneaux à bois qui ronflent leur chaleur, un chien sympa, pas de meubles sinon trois lits, une table bricolée, un canapé bricolé aussi. Un escalier minuscule qui monte aux chambres, le conduit de cheminée qui perce la chambre de ses briques rouges au ciment apparent, ce qui n'est pas très esthétique, mais qui chauffe merveilleusement bien les chambres qui sont, du reste, très bien isolées.
Une vallée en face. Une vallée pas enneigée parce que le soleil fait fondre la neige du versant sud. Nous sommes au versant nord, la neige n'a pas fondu. Deux granges en contrebas. Des sapins. Il faut marcher 15 - 20 minutes pour arriver à la ferme d'Alexis. A travers champs, les pieds dans la neige. Quand on entend la fontaine on est arrivé. Derrière la maison le sol a été labouré par des sangliers. Labouré comme le font les tracteurs dans les champs de labour. C'est impressionnant comme ils ont tout retourné sur des centaines de mètres carrés, jusque contre la maison. On dirait que les sangliers aiment eux-aussi cette maison. ll est à peu près certain qu'Astérix et Obélix soient passé par là dans Astérix et les Helvètes ou peut-être dans un autre épisode.
Ce matin on s'est levé pour travailler avec Alexis. On devait enregistrer les parties de saxophone pour La Fille du Poète et Le Photographe ne l'appelle plus. Seulement Alexis n'a pris qu'un saxo, le ténor. Il a oublié à Lyon son soprano. Ce qui fait qu'on va continuer, demain, d'enregistrer à Lyon. Au lieu d'enregistrer un leitmotiv au saxo, on a enregistré une section cuivre. L'idée est venue du fait qu'on n'avait que le ténor et que tout seul ça ne sonnait pas bien dans le morceau. Comme quoi des oublis peuvent être à la base de bonnes idées. J'aime beaucoup cette section cuivre découpée chirurgicalement, très aérée. De la dentelle !
Outre le plaisir d'être à la montagne, j'avais déjà, à Besançon, un moral d'enfer. Un passage aux assedics hier matin m'a fait savoir que j'avais des droits de chômage et qu'ils ne m'avaient pas payé simplement parce qu'ils n'avaient pas reçu une feuille de paie de janvier. Normal, ils m'avaient demandé une feuille de paie de décembre... J'ai cru comprendre que la direction des ASSEDIC ont réduit drastiquement le temps de travail consacré au traitement des dossiers des intermittents. Maintenant il y a deux employées qui s'occupent des intermittents du Doubs et du Jura à raison d'une demie journée de travail chacune. Pour que ce soit possible, ils ont dû interdire les appels téléphoniques et compliquer beaucoup les procédés pour obtenir des rendez-vous afin de dissuader les gens de venir et de faire perdre du temps à celles qui traitent les dossiers. Du coup, on sent que ces deux femmes travaillent dans la tension et qu'elles doivent le faire très vite. D'où un risque accru d'erreurs... Dont nous faisons les frais.... Mais les chômeurs ont assez d'argent, ils peuvent attendre !
Enfin bon, si tout se passe bien, je devrais pouvoir finir mon mois dignement, manger normalement, aller chez le médecin et... pouvoir payer le mastering de notre disque de quatre titres qui se prépare ! Qu'il fait bon de pouvoir travailler ! Je suis en plein enthousiasme et ce petit passage en Savoie m'a littéralement emballé ! Merci Alexis, et en plus, côté nourriture il ne s'est pas moqué de nous : tartiflette, polenta aux saucisses de Toulouse, et tome des Bauges... Les bauges ? C'est le nom de ce massif près d'Annecy, et c'est aussi une mare où les sangliers viennent se rouler. Alexis m'a aussi montré une plume d'aigle qu'il a ramassé dans le coin....
Bauges, plumes et neiges, les trois éléments d'un dépaysement amical, et d'une séance de travail à faire rêver !
Écrivez-nous ! ¦ Retour en haut de page et au sommaireVendredi 29 février 2008, Besançon
Oh mon Dieu ! J'étais en train d'écrire une super lettre dans ce cahier, à l'intention d'Alain Cavalier, dont je viens de voir le film "Le Filmeur". Et puis je décide d'aller regarder sur Wikipédia l'âge qu'il a (31 ans de plus que moi...) lorsque je referme par erreur le logiciel htlm que j'utilise pour écrire, et cela sans sauvegarder ! La lettre a disparu. Je ne pourrai pas la récrire. Ces pulsions n'ont lieu qu'une seule fois. Merde.... Je ne lui écrirai donc pas. J'aurais tant voulu. J'avais pensé aller l'embrasser à la fin du film pour lui dire merci. Mais il était parti. Naturellement il n'allait pas regarder encore une fois son film ! Il a déjà passé onze ans minimum à le réaliser ! Il est probablement allé dîner...
"Le filmeur" est le troisième film autobiographique d'Alain Cavalier. A la fin j'ai applaudi. Quelques uns se sont mis à applaudir aussi. Mais timidement. Faut dire que c'est pas le genre de films qu'on a l'habitude de nous faire consommer. Pour réaliser son film, Cavalier a tournée plusieurs centaines de cassettes vidéos. C'est un peu comme si, avec dix ans d'écriture des pages de ce journal, je décidais d'écrire un roman.... Je fais ce parallèle car ce journal et ces films poursuivent les mêmes objectifs, répondent à la même nécessité, sont en fait le même acte de résistance. La résistance à quoi me direz-vous ? A la destruction de l'homme. De l'homme en général et en particulier, de l'humanité et de l'être de chair qui nous constitue...
J'avais vu il y a très longtemps un film réalisé par Cavalier, dont il parle d'ailleurs dans "Le Filmeur" en disant que c'est un film qu'il a offert à sa fille lorsqu'elle avait vingt ans. Sa fille a donc une ou deux années de moins que moi. Ou peut-être le même âge... J'avais déjà aimé ce film. Il y avait quelque chose de moins "extérieur" que le cinéma habituellement. On sentait le père et la fille, une histoire intime dont les acteurs étaient aussi les auteurs. J'avais aimé cela, comme j'aime Godard pour Karina ou Boubat pour Lella, sans parler de Chagall, de Picasso, de Rembrandt et même de Doillon, bien que ce soit quand même un peu dissimulé chez Doillon. A l'époque où j'ai vu ce film, il avait fait partie de ceux qui me donnaient la force de vouloir faire des films moi-aussi, des gros films qui demandent des années de préparation, vous mettant sur la paille pour parfois ne vous rapporter que quelques rares rencontres avec un public distrait....
Mais entre temps les films qui justifiaient de faire ces sacrifices pour le cinéma ont disparu. Et c'est comme si le cinéma était mort. Alors j'ai tourné le dos à ce moribond. Il est inacceptable de se sacrifier pour un mort.
Et vous, Monsieur Cavalier, vous avez continué à lutter. Contre la mort du Cinéma, et contre la mort en général. Bravo et merci de montrer l'exemple.
Ceci dit vous ne faites pas vraiment du cinéma lorsque vous réalisez "Le Filmeur". En faisant cela vous écrivez. Avec une petite caméra numérique qui tient dans la paume de la main. Comme un stylo. Jusqu'à prendre ces dix ans de rushes et tenter de couper dedans pour en faire un film de une heure quarante. Mais peut-être auriez vous dû publier, jour après jour, les rushes de chaque journée ? Non, vous êtes cinéaste. Il vous faut couper, monter, épurer. Vous voyez, Monsieur Cavalier, j'ai décidé, quant à moi, de ne pas couper. Et de publier immédiatement. Le combat est le même, mais les moyens sont ceux de l'extrême. Le temps passant, ces pages deviendront tellement nombreuses qu'elles en deviendront, aussi, illisibles.
Vous comprenez alors pourquoi ce que vous avez fait m'a donné tant de joie, tant de réconfort ! Comme si vous m'aviez posé la main sur l'épaule pour me dire : "il faut continuer, ce que vous faites est juste. On a besoin parfois de ces réconforts.
Et vous aussi vous devez comptez l'argent. Un homme comme vous, connu par tous les cinéphiles de France, il faut parfois que vous comptiez votre argent. Et vous le dites, parfois l'argent manque.... Ainsi ne dois-je pas rougir de cet argent qui vient si souvent à manquer. A mon âge... Mais il n'y a pas d'âge. Il n'y a que certaines vies...
Mais combien d'humour chez vous Monsieur Cavalier ! Et votre amie (épouse?) jouant, riant. Et votre mère ! Et les oiseaux qui viennent chez vous se nourrir. Les chats, les dindons. Et les amis, intimidés, passionnés, rieurs, légers comme le vent !
Vous filmez souvent en plans fixes. Vous choisissez votre cadre et votre lumière. Nicolas Comment et son épouse Anne Lise filment comme vous ! Et ils sont photographes ! Vous filmez ou vous photographiez ? Vous écrivez avec des images !
Et vous écrivez ce que votre vie vous inspire : la tragédie de la vie. La tragédie ou l'épopée ? Ou bien encore l'Odyssée ? Vous construisez, comme les anciens, du mythe. Rien à voir avec le mythe barthien. Pas le mythe sociologique. Non le mythe du sacré, ce sacré des premiers neo sapiens, comme le relevait Bataille. Le mythe écrit sur les murs de Lascaut, du Tassili. Le sacré des premières oeuvres d'art et de la découverte de la mortalité de l'homme.
Les sirènes chantent. On les écoute le corps lié au mât, au cadre, à la lumière, à la photographie.... Combien sont beaux vos plans ! Le chant des sirènes s'y fait entendre. Et la mort reste au dehors. Celle de votre père, au dehors. Celle qui menace votre mère, au dehors. La caméra, comme le stylo, gardent les menaces de la vie de l'autre côté de l'objectif, de l'autre côté de la plume...
Alors on rit dans votre film. Car quel humour vous avez ! L'humour des enfants qui sont, par nature, immortels ! Bataille faisait remarquer que le rire découvrait la seule partie apparente de notre squelette. Rire c'est faire apparaître la mort, et, en la "figurant", la désamorcer.
Le rire et cette sorte d'incroyable gentillesse. Cette gentillesse qui persiste lorsqu'on est réveillé, qui fait qu'on accepte votre caméra, qu'on vous livre des récits, une nudité qui souffre de l'embonpoint. Gentillesse aussi pour la nourriture donnée aux oiseaux, pour les ruses qui permettra de transformer du steak haché en ces longs vers de terre dont raffole la mésange ! On pense au Cœur Simple de Flaubert, ou encore à Saint François. Une gentillesse qui mène elle-aussi à la sacralité, au mythe d'une humanité intègre !
Je vous remercie donc Monsieur Cavalier, d'être venu m'offrir ce ravissement et cet encouragement. Ce journal qui s'écrit et s'envole dans le net, c'est lui aussi un acte de résistance. On y parle de l'homme et de l'artiste aussi simplement que chez vous. On y parle aussi, sans en toucher un mot (ou seulement quelques fois), de cette foi immense en la création et en l'humanité dans son sens le plus élevé. Oui, lorsque vous montrez votre père au seuil de la mort, vous montrez aussi combien la vie d'un homme est importante. Il faut le montrer, le prouver. Il y a tellement de monstres qui l'écrasent du pied !...
Au fait ! C'est un anniversaire ! Ce journal est né en février 2006 ! Deux années d'existence ! C'est magique d'être allé voir votre film après ces deux années d'un essai incertain !
Recevez donc Monsieur Cavalier mon plus grand respect. Et pardonnez-moi : bien sûr que vos films sont du cinéma !
PS : Mais au fait, j'ai écrit une lettre ? Ce n'est pas pourtant comme cela que j'avais commencé !
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J'ai reçu il y a quelques jours une nouvelle proposition pour le visuel de notre 4 titres. Elle est signée Raphaël Baud, un ami dont j'avais remarqué le travail pour "Bye Bye Baby", "le petit orchestre des Nigloo"," les Berthes" et le nouveau groupe de Cécile Paillard, "Diva". Cette nouvelle proposition m'a complètement ravi. Raphaël m'avait proposé de travailler à partir d'une des mes photos. Nous avions choisi une photographie faite avec Ludmila dans le cadre de l'expo "Close Up". L'idée magnifique de Raphaël a été de créer ce cadre au centre de l'image, ce qui donne une dynamique géniale. La rénovation de notre logo, plus souple, moins coincé que le précédent et le Drako à la police un peu décoiffée. J'aime beaucoup. Bravo Raphaël !
Maintenant il reste à finir les musiques. Or, voici que je décide brutalement de réenregistrer le morceau "Dobru Noc". Nous avions fait l'erreur de l'enregistrer à un tempo légèrement trop rapide. Ca pouvait peut-être passer mais je ne l'aurais jamais vraiment aimé à ce rythme. Rebelotte donc, et cette fois ce sera mon vieux Paulo qui jouera la batterie. Il a bien voulu m'accorder cela et je suis très heureux qu'on enregistre ce titre après un an et demi de collaboration.
Je repars la semaine prochaine en République tchèque pour réenregistrer Karel et Ludmila. Puisque je viens de m'acheter une carte son qui fonctionne avec mon portable, l'espace n'est donc plus un problème. Joe nous prête encore son micro, tout devrait bien se passer. Je profiterai d'être là-bas pour enregistrer Karel avec un vrai piano, et de remplacer les petites nappes d'accordéon qu'il avait posées pour "la fille du poète" avec son piano numérique, par un vrai accordéon. Pour le piano, passe encore le son numérique, mais pour l'accordéon c'est impossible d'obtenir, avec un clavier, un son naturel.
Titi n'est toujours pas rentré d'Afrique où il est allé accompagner un ami qui exporte des voitures au Burkina Faso. J'espère que tout se passera bien pour eux. Titi la veille de partir n'en menait pas large. Il était prêt, si quelqu'un, en l'occurrence moi, voulait prendre sa place, de la lui confier. Mais on ne se décide pas de partir en Afrique la veille.
En tout cas, la finition de l'album attend son retour. J'espère qu'il ne sera pas fâché de devoir se remettre au mixage de Dobru Noc. Je m'en remets à son sens de l'exigence. Je pense qu'il sera d'accord avec moi, à cette cadence le morceau ne pouvait "groover". C'est une alchimie difficile que ce "groove"... Voilà pour l'activité musicale. Ah, au fait ! Nous avons lancé la souscription pour l'album. De la quantité des souscripteurs dépend le type de tirage que nous allons faire. Peu de souscriptions, on fera un album gravé maison en petite quantité, cinquante et le reste sera débité à la demande pour la promo. Au moins cent souscriptions et nous ferons un pressage de 2 ou 500 ex avec une pochette cartonnée. C'est de vous que dépend ce nouvel opus !
Hier soir je suis allé voir la première projection d'un film réalisé par un ami bisontin, Amor Hakkar. C'est son deuxième long métrage de fiction ; il a pour titre "La maison jaune". Le prix de la fondation Beaumarchais lui a permis de lancer la production du film. Je crois qu'il l'a produit seul et il a dit hier soir qu'il allait en assurer la distribution. S'il avait habité à Paris, n'aurait-il pas trouvé un distributeur ? Quel travail d'assurer la distribution d'un film, toutes ces salles à contacter...
En tout cas le film m'a plu. Une sorte de conte pour adulte réalisé dans les Aurès, vers Renchela, la région d'où Amor est originaire. Une campagne généreuse, à la végétation particulière assez peu exploitée par le Cinéma, des accessoires au pittoresque irrésistible, comme ce motoculteur Lambretta à remorque, le seul véhicule de la famille, qu'on utilise aussi bien à la campagne que pour se rendre en ville. Amor joue le personnage principal, un quinquagénaire au verbe rare et qui voue à sa femme un amour sans mot mais non pas sans preuves.
J'ai parlé d'un conte pour adultes. En effet, Amor n'a pas voulu traiter des problèmes qui ont ensanglanté le pays et dont on a exclusivement entendu dans les propos sur l'Algérie ces dernières années. Comme s'il avait voulu adoucir le regard porté sur le pays de ses origines, comme s'il avait voulu, aussi, inventer un lieu de paix, quelque part, dans le fond de son être. Amor, comme presque tous les artistes qui ont choisi d'être auteurs, n'a pas connu que des heures faciles, loin de là. Son film semble venir lui (nous) apporter un peu de paix et de sérénité. Un regard certes idéaliste, mais bon, pourquoi pas inventer quelque lieu de repos dans le monde de stress où nous vivons !
Bravo donc à toi Amor, et, si vous voyez l'affiche engageante de "La maison jaune", n'hésitez pas à aller découvrir en paix la campagne si secrète de l'est Algérien. Ceux qui aiment Kiarostami adoreront, les autres ne se plaindront pas non plus, sauf s'ils ne supportent pas qu'un film aille tranquillement, sans courir le souffle coupé jusqu'à la fin. C'est un cinéma fait de lenteur et de disponibilité.
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Vendredi 14 mars 2008, Tabor, République tchèque
Oh que le temps passe ! Combien de choses ne seront jamais écrites, oh, et puis c'est comme ça, la journaux font dans l'ellipse... La semaine dernière fut partiellement occupée par la présence à la maison de David, mon pote de l'Ile d'Arz. Un vrai tourbillon que ce David. Il doit tenir un peu de son île qui a fait subir à ses habitants, pendant que David était chez moi, un raz de marée. Il y a eu pas mal de dégâts mais sa famille a été épargnée, la maison étant à l'abri de ce genre de fléaux.
David a trouvé que je travaillais beaucoup. Il est vrai que j'ai l'impression que, de son côté, il travaille assez peu. David est trop occupé à démêler des états d'âmes complexes et très divers qui selon lui prennent racine dans la déportation de son père dans différents camps de concentration. Mais j'ai du mal à comprendre comment le père d'un homme de dix ans mon cadet puisse avoir été en camp de concentration... Mon père avait cinq ans quand la guerre a commencé.... Il faut dire que David raconte tellement de choses... La somme des choses qu'il dit avoir faites semblent vouloir rentrer difficilement dans la vie d'un seul homme.
Mais, en ayant passé quatre jours avec lui, je me suis rendu compte que David est un personnage de théâtre. Je ne comprends pas pourquoi au lieu de raconter toutes ces choses dont, certaines, paraissent totalement improbables, il ne se met pas à les écrire. David, heures après heures, semble s'inventer une vie, un personnage. Un personnage de théâtre contemporain. Son visage ne contredit en rien cette assertion. Il a une gueule David, c'est incontestable. Dans les bars où nous sommes passés, j'ai remarqué combien les femmes étaient séduites, voire totalement fascinées par ce curieux personnage aux grands yeux clairs, à la peau brune, la bouche en cœur et une casquette de poulbot sur la tête. Et s'il ne disait rien, David, peut-être qu'il arriverait encore à passer inaperçu ! Mais il a le verbe haut, plein d'étoiles - des véritables, des improvisées - et des gerbes flamboyantes alimentées par l'alcool qu'il ingère dès le matin.
Bref, David n'est pas un ami de tout repos. Il véhicule un surplus de tensions, de désirs, de rêves, de révoltes, de colères, d'enthousiasmes pantagrueliques, de ruses, de mystifications innombrables et sidérantes. Il semble avoir connu tout le monde, les écrivains, les peintres, les politiques, et cela sur la terre entière ! C'est effarant ! Donc c'est un ami qui peut être agaçant mais jamais ennuyant. Avec lui vous prenez quelques notes et vous écrivez un roman ! - Inutile de dire que ce n'était pas avec lui que j'allais trouver le temps de faire avancer mon journal...
Initialement David devait venir avec moi en République tchèque. Mais la veille du départ il a décidé de rentrer à l'ile d'Arz pour y retrouver son amie et ses deux filles. Je l'ai donc conduit à la gare en partant. Il a voulu que j'aille boire un café avec lui mais il fallait que je parte, la route est longue pour la Bohème et les nuits passées avaient été courtes. Alors il a pris son sac et il s'est éloigné la tête basse. Il était triste, David. Car David est un hyper sensible et il n'est pas rare qu'il se mette à fondre en larmes sous le poids de la tristesse ou de l'émotion. Il est parti vers la gare sans s'être renseigné s'il avait un train ou non, ni à quelle heure... David vit dans un autre monde... Et en tout cas pas celui des chefs de gare ni des comptables.
De retour en République tchèque j'ai eu soudain envie de me remettre à travailler sur un projet de chanson que je couve depuis un certain temps. Une idée chanson qui, comme pour Dobru Noc et Nedo et Sanela, s'est construite sur la base d'une chanson tchéco-slovaque. Ici en l'occurrence une chanson de Moravie sortie directement d'une transcription écrite qu'en avait faite le compositeur Janacek au début du XXème siècle. Selon Ludmila elle est complètement inconnue du public. Ce qui m'avait intéressé dans cette chanson, c'est d'abord sa mélodie, tout à fait magnifique, et aussi les paroles. En bref c'est l'histoire d'une jeune femme qui cueille des fleurs pour en faire des philtres d'amour dans le but de faire revenir à elle l'homme qu'elle aime.
J'ai connu beaucoup de femmes qui étaient prêtes à croire à n'importe quoi pourvu que cela leur donne l'espoir de réaliser leurs souhaits ou leurs rêves. En plus le philtre d'amour fait un peu penser à des médicaments et j'ai connu beaucoup de femmes qui abusaient de toutes sortes de médicaments afin de soigner de multiples petits maux dont l'origine commune était plus psycho que somatique.
Plusieurs fois j'avais essayé de me mettre à écrire cette chanson sans vraiment réussir à engager quelque chose de convainquant. Il me manquait quelque chose. Et ce qui me manquait, on va dire que David me l'a donné. Le personnage masculin restait flou, David lui a donné une existence bien réelle. La jeune femme de la chanson s'appelant Janicka (prononcer Yanitchka) je crois que ce sera là le titre de la chanson. Deux couplets sont déjà écrits. Le dernier attend ma prochaine tentative. L'histoire sera, disons-le sans trembler, Shakespearienne ! Mais stop ! Ne vendons pas la peau de l'ours avant de l'avoir tué...
Cet après midi nous avons enregistré avec Karel les claviers de Dobru Noc. Demain Ludmila posera sa voix. Pour ce qui est du piano c'est un peu plus compliqué. Nous aimerions utiliser celui du théâtre de Tabor, un Petrov demie queue. David (un autre), le frère de Karel, y travaille et nous pourrions y aller sans trop de problème. Mais nous ne savons pas si le piano sera accordé. Sinon, Il pourait être possible d'enregistrer sur le piano d'Eva, à l'école de musique. Problème : Karel est arrêt maladie et il est sensé ne pas travailler. Va-t-il risquer de s'aventurer sur son lieu de travail alors qu'il doit rester en convalescence à la maison ? Rien n'est simple. Mais bon, il faudra bien trouver une solution ! Au pire on utilisera le clavier numérique.
Ludmila est en train de mettre de la poudre insecticide sur le chat qu'elle vient d'adopter et qu'elle a appelé Chalomon. En bas de l'escalier, Boubak, son vrai chat, fait des petits gloussements aigus qui signifient qu'il n'est pas content. Le bienheureux Chalomon ne souffle mot. Depuis un mois qu'elle le nourrit l'animal est passé d'un état de squelette à celui de nanti aux rondeurs avantageuses. Il ne va pas se mettre à faire des histoires ! Boubak, résigné aux infidélités de sa maîtresse, s'en va bouder dans le salon.
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Ce soir, et par deux fois, je suis allé enregistrer des sons d'ambiances à la gare de Tabor. J'ai envie de terminer le CD "Drako" par ces sons, et notamment la voix si familière qui annonce l'arrivée des trains et les correspondances, ainsi que la petite musique qui démarre les annonces. J'adore les sons d'ambiance et j'adore les enregistrer. Je suis resté deux fois 45 minutes à ne faire qu'une chose, écouter. C'est magique. Surtout au casque où l'on remarque des choses auxquelles on ne fait pas attention à "l'oreille nue". Je vous fais écouter la gare de Tabor à 10 h 50 un samedi soir :
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Le temps à Tabor ne sait pas trop quoi faire en cette fin d'hiver. Ce matin vers sept heures rafale de neige. Vers dix heures grand soleil, vers midi temps gris, à quatorze heures grand soleil et neige. Cela me fait penser à Boubak, le chat de Ludmila quand il s'ennuie. Il veut rentrer dans la cuisine, quelques minutes et il demande de sortir. Il miaule pour qu'on lui ouvre la porte du grenier, il en redescend. Il miaule alors devant la porte du salon ect. Parfois le temps et les chats s'ennuient de la même façon. Heureusement que les chats ne peuvent pas amener la neige dans les salons !
Hier après-midi nouvelle étape de l'enregistrement de notre CD "Drako". Je voulais remplacer le son synthétique que Karel avait enregistré avec son clavier, un son d'accordéon, par celui d'un vrai instrument. Or le père de Karel était professeur d'accordéon. Après renseignement Karel me dit que nous devions aller chez ses parents, à Veseli, à une trentaine de kilomètres d'ici, pour enregistrer l'instrument paternel. Pas de soucis, mon studio portable tient dans un sac de voyage et je devais aller hier soir à Ceske Budéjovice rencontrer le directeur de l'alliance française et voir un concert. Veseli est à mi chemin de Budejovice.
Karel m'avait donné rendez-vous sur la place centrale de Veseli, un coup de fil et trois minutes après il arrivait. Je l'ai suivi jusqu'à une zone de résidence composée d'immeubles récents, de bon standing. Nous sommes alors entrés dans un hall d'entrée qui m'a fait davantage penser à une entrée d'école qu'à l'idée que j'avais d'une entrée d'immeuble : un couloir avec des fauteuils, des plantes vertes... Un ascenseur à la cabine immense, un couloir et Karel sonne devant la porte d'un appartement dont la porte me semble très large... C'est alors que je me suis souvenu que le père de Karel est aveugle. J'en ai déduit alors que ses parents habitent un immeuble aménagé spécialement pour la vie des personnes handicapées, d'où cette entrée quelque peu institutionnelle. Le père de Karel est un grand monsieur au visage élégant, sa mère une petite dame encore jolie, vive, le couple ayant une jeune soixantaine d'année. L'appartement est confortable, à l'ordre et à la propreté parfaits cela va sans dire dans une famille tchèque. L'aménagement des pièces est fait en sorte d'aider à y circuler facilement : couloir, larges entrées des pièces et porte coulissante pour la salle de bain. On nous propose de nous installer dans le salon pour notre enregistrement, salon où nous attend le gros accordéon paternel.
Les parents de Karel et notamment sa mère m'ont accueilli avec beaucoup de gentillesse, me disant qu'ils étaient heureux de me voir et me témoignant de l'estime pour notre travail. C'est vrai que nous travaillons ensemble avec Karel depuis quatre ans et il était clair que ces parents suivent attentivement le cours de notre collaboration. On me demanda si je voulais un café, j'acceptai avec plaisir et, pendant que j'installais le matériel, sa mère m'apporta une tasse accompagnée d'une viennoiserie fourrée à la crème Chantilly et à la confiture de prune. Depuis plusieurs années que je fréquente les familles tchèques, je sais qu'elles reçoivent peu de monde à la maison et que, lorsqu'elles reçoivent, elles y mettent beaucoup d'attention, - en fait il s'agit d'une véritable réception !
Après quelques minutes David, le frère de Karel est arrivé. Je rappelle que David travaille au théâtre de Tabor et que c'est lui qui avait sonorisé et enregistré notre concert. Nous nous connaissons donc bien et, ce soir, c'est lui qui nous fera entrer en douce pour enregistrer au théâtre. Les parents de Karel ont voulu savoir ce que nous avions déjà enregistré. Nous avons écouté Dobru Noc et la fille du poète. Ils sont ensuite allés s'enfermer dans la cuisine pour nous laisser travailler.
A cinq heures nous terminions la prise de son et je commençais à plier mon matériel ayant fixé rendez-vous avec Nicolas Roussel, le Directeur de l'alliance française, à cinq heures et demi. Allant dans la cuisine pour saluer les parents je m'aperçois que la table est recouverte de toats qu'on a préparés à mon intention ! Mon Dieu ! Je ne vais tout de même pas m'enfuir comme cela ! Peut-être que Karel aurait pu me prévenir... Mais bon. J'appelle donc Nicolas pour le prévenir de mon retard, ce qui, heureusement ne semble pas poser de problème. Pendant la petite collation, la mère de Karel va m'apporter un catalogue de son grand père qui était facteur d'accordéons. On voyait en couverture une photographie du magasin d'exposition, et ensuite les différents modèles d'accordéons à l'ancienne, les mécanismes étant plus visible qu'aujourd'hui. Elle me dit que son grand père était aussi un très bon musicien, qu'il avait l'oreille exacte et que probablement Karel tient de lui. Ensuite le père de Karel a tenu à me faire essayer sa guitare de concert, une guitare classique évidemment. Je suis un si piètre guitariste que j'étais un peu embarrassé. Je déteste les essais d'instruments. Quand je vais dans une boutique de musique et qu'il faut en essayer un, cela me rend affreusement nerveux et complexé. Bon. Je fais quelques notes et je demande au possesseur de me faire une démonstration de l'instrument après que Karel ait refusé de le faire, argumentant qu'il avait les doigts gras. La guitare, me dit Karel, avait été réalisée par un luthier à l'époque du communisme. Ils l'avaient payé à l'époque 600 Euro, ce qui était une somme ! Aujourd'hui elle en vaudrait beaucoup plus. J'étais un peu désolé de n'avoir pu honorer comme il le mérite ce trésor familial !
En sortant de l'appartement je découvre sur un meuble, à gauche de la porte d'entrée, une collection de cloches et de clochettes soigneusement présentées sur une étagère. C'est apparemment le hobby de la mère. Elle me fait une démonstration des sonorités des unes et des autres et m'en fait remarquer une qui vient de Metz, en France et qui illustre l'apparition de la vierge à Bernadette. Je penserai, un jour que je visiterai le Jura, d'acheter une clochette pour mes hôtes de Veseli !
La soirée à Ceske Budejovice a consisté en un concert du groupe Bran, un groupe de musique celtique franco tchèque. En fait le groupe s'est constitué autour de David Pajot, un Breton qui vit à Prague depuis plusieurs années où il enseigne le Français à l'institut français. Il est accompagné par des musiciens tchèques. Ils bénéficient de l'engouement du public tchèque pour la musique celtique. Il faut savoir qu'il y avait en Bohème une grande communauté celte et que cette mystérieuse civilisation passionne les tchèques ! Le groupe Bran a donc réalisé 400 concerts en France et en Tchéquie et le public hier soir était totalement conquis par cet ensemble de très bons musiciens et par la clarinette et les bombardes de celui qui se fait appeler Dewi, traduction de David en Breton.
Certes en voyant ce groupe je ne peux que me poser certaines questions. Par exemple pourquoi ne viendrais-je pas un jour habiter en Tchéquie et constituer une équipe 100% tchèque ? Questions épineuses évidemment, une sorte de démangeaison intérieure que je laisse volontairement en suspens. En tout cas Nicolas m'a appris qu'un festival tchèque s'intéresse à nous pour un concert en juillet. J'attends qu'ils donnent l'accord à la proposition que je leur ai faite. Ne nous emballons pas....
Ce soir, dernière séance d'enregistrement en tchéquie. Ce sera sur le piano à queue du théâtre où nous avions joué il y a deux ans maintenant. Nous avions prévu de n'enregistrer que le piano rythmique de "Dobru Noc". Mais Ludmila a proposé que nous enregistrions aussi "Nedo et Sanela". En effet nous ne sommes que trois dans cette chanson : Karel au piano, Ludmila à la voix et moi à la voix et à la guitare. Nous devrions pouvoir l'enregistrer rapidement. Ce studio portable est une vraie merveille. Enregistrer n'importe où, aller chez les gens plutôt que les faire se déplacer, enregistrer un piano de concert, voire même aller enregistrer un artiste dans son pays, n'importe où dans le monde, - n'est-ce pas épatant ?
Voilà que le temps remets ses humeurs capricieuses. Grosse giboulée de neige maintenant. Les branches de l'arbre derrière la fenêtre se sont recouvertes d'un duvet blanc.... Quel temps je trouverai en France demain ?
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Moi j'aime la neige fin décembre, alors que dehors ça sent Noël, les lumières et tout ça ! Mais ça ressemble à quoi la neige quand les enfants vont chercher les oeufs dans les jardins ! Du froid, des routes verglacées, des accidents de la route de gens qui ont déjà rangé les pneus neiges. Et quand il neige pas, il pleut - une pluie glaciale comme dans un roman de Léo Malet dessiné en noir et blanc par Tardi ! Des fois on se demande si le bon Dieu n'est pas une cloche !
Titi est bien rentré d'Afrique. Il est rentré en fait le même jour que moi de tchéquie. Là bas, au Burkina Faso, chez les hommes intègres, il faisait 40 degrés. Il l'a trouvée dur, au début, l'ambiance brouillard au Pont de Tolbiac !
Et comme il est rentré, on s'est remis à nos enregistrements. Il a écouté Dobru Noc que je ramenais de Tabor et il a trouvé que rien, sauf Ludmila et Karel, n'était en place ! Très bien, merci, et heureusement que ce n'est pas l'inverse car vraiment, je n'ai pas les moyens de retourner à Tabor pour les réenregistrer. Moi ma guitare, pas de problème, mais il y avait pour lui aussi un hic avec la batterie de Paulo. Ca ne lui plaisait pas. Moi, pour ce qui est du rythme, je me fie à Titi. Titi qui m'a dit "moi je la refais la batterie, je sais exactement, maintenant que j'ai écouté les versions de Patrick et Paulo, ce qu'il faut faire". Toute façon Patrick n'est pas libre et Paulo nous pardonnera cela, d'abord il n'avait qu'à pas nous quitter. Je plaisante un peu car j'adore Paulo. Mais sa version était un peu dure. Et puis Titi se tape le mixage, il a bien le droit de se faire un peu plaisir, Non ?!
Donc cet après-midi nous avons enregistré la troisième version de Dobru Noc ! Celle de Patrick, je précise, aurait plu à Titi (il la trouvait "orchestrale" - "C'est orchestral comme Patrick qu'il faut la jouer !" dit-il) mais on l'avait enregistré avec un tempo trop rapide (oui, oui, je sais, je l'ai déjà écrit plus haut, mais pour les infidèles* mieux vaut le rappeler). Paulo n'a pas eu de chance car il a dû s'enregistrer tout seul, sans basse, sans piano, sans voix... Bref ce n'était pas le pied pour lui.... Je vais aller m'excuser auprès de lui de ne pas l'avoir laisser refaire le morceau...
En tout cas la version de Titi est la plus belle des trois, convenons-en. Il faut dire qu'après avoir fait le mixage de la précédente version et après l'avoir joué avec nous une centaine de fois à la basse il a su exactement mettre les accents qu'il fallait.
Nos enregistrements s'approchent donc du terme final. "Le Photographe" est finie, "la fille du poète" demande à ce que soit terminé le mixage avec les éléments ramenés de Tchéquie, "le Singe Drako" est terminé et Dobru Noc n'est pas loin du bout. Si tout va bien on termine le mixage en milieu de semaine prochaine ! Beautifull !
* Infidèles : ceux qui ne sont pas des fidèles lecteurs de ce journal. Contraire d'infidèles : amis (c'est comme en religion, sauf que les amis n'ont pas envie de mettre les infidèles dehors...)
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Ouh la mauvaise semaine ! Deux concerts qui s'annulent en juin pour cause de financements insuffisants ! Bing dans les dents ! L'un aurait la promesse d'un achat pour septembre, c'est Stéphane, de l'association "Agir pour le spectacle vivant" qui s'en occupe et qui aurait eu la promesse d'un achat par la Ville de Lagneu. On devient superstitieux dans ce métier. On en sera donc sûr quand le contrat aura été signé !
Mais bon, c'est ainsi. Ca ne nous empêche pas de continuer à nous occuper de notre disque naissant. Peut-être le mixage sera-t-il fini à la fin de la semaine prochaine ? Inch Allah ! Joe, après nous avoir prêté son ordinateur, sa table numérique et ses micros va maintenant nous prêter ses écoutes (hauts parleurs de studio) pour aider Titi à mener correctement son travail car, avec ses enceintes de chaîne Hi Fi, il patauge un peu. Sacré Joe et sacré Titi. Sans eux cet EP n'aurait pu voir le jour ! Un grand coup de chapeau !
"Le singe Drako" est donc en phase de distribution sur les plates formes de Believe. On peut en voir le lecteur sur notre myspace. Je suis très content de la qualité de l'encodage, vraiment, du MP3 à cette qualité là c'est du bonheur ! On verra si la vente peut-être intéressante via ce moyen. En tout cas c'est le seule moyen que nous avons pour vendre des titres à l'étranger.
Donc voilà, le printemps amène un peu de chaleur et de gaieté, mais sans ce bébé en voie d'accouchement, j'avoue que je me sentirais un peu morose....
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Ce lundi matin, je crois que je n'écrirai rien. Il y a des choses qu'on n'écrit pas dans un journal comme celui-là. Des choses que vraiment, on ne peut pas toucher dans ces oeuvres publiques qui se veulent effleurer l'intimité des gens. Des gens, je veux dire "de leurs auteurs" Ce matin je suis allé au Musée voir un présentation audiovisuelle d'Arthus Bertrand. J'ai regardé le reste du musée une nouvelle fois. Cela m'a fait du bien. Pour vouloir se faire du bien il ne faut pas l'être tout à fait. Ca passera. Un peu en crise le Philippe B. Tristan. A regarder la vie passer... Cette après-midi j'ai commencé d'écrire une nouvelle chanson. Elle s'appelle "Africa". Elle parle des gens à qui l'on donne leur liberté sans qu'ils l'aient demandé. Des fois ça leur convient mais des fois ça ne leur convient pas. Donner le libéralisme à l'Afrique ce n'est pas lui faire un cadeau. Et une femme très jalouse qui dit à un homme, après une dispute : "je te donne ta liberté" Ca ne veut rien dire de bon n'est-ce pas ? C'est à propos de ça. De ces choses qui m'occupent en ce moment et qui ne vont peut-être pas s'arranger demain. Mais en tout cas, écrire une chanson dans ces moments là, on va dire que ça aide à passer le temps....
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Lundi 7 avril 2008, quatorze heures
Le dernier message de Ludmila : "Filipku, I red your Letter. After 1st shock + storm of Tears-I took some glasses of Becherovka... I've no energy to write e-mail. May be later-not today... I understand Yr point of view. Y are true. You need more. I knew that one day y would do this decision. I'm not stronger than you (as you write). I think I would be never able to Finish our relationship the first, like you did. I'm happy to met you. Y were really GREATEST LOVE of my life. Thank you for all the moments together-even for the 'bad' ones. Nothing is 'bad'-everything is useful. Y gave me so much. I hope I also gave you something positive for Yr future+future love with somebody else. Be well. Y were the first whom I told'JTaime'. ThankY for it."
Il est temps de finir ce cahier, ça ne changera pas grand chose mais toutes ces lettres qui s'accumulent sur une lettre de séparation, c'est malsain. On aurait pu continuer tous les deux, une forme de consensus, d'indépendance emmurée et quelques périodes de vacances lorsque l'on se retrouvait d'un côté ou l'autre de la frontière. Ludmila s'en accommodait. Ce n'était plus tout à fait de l'amour, une amitié cordiale. Mais ces semaines qui passaient d'une attente tiède devinrent pour moi insupportables, surtout que rien ou plutôt tout laissait penser qu'il n'y aurait jamais de changement, jamais d'évolution vers quelque chose de différent. Ce statisme finissait par me rendre malade. La stagnation c'est la mort. Adieu joli corps si blanc et si doux (ton visage je le reverrai et ta voix je l'entendrai encore). Il était bien ce joli corps, peut-être mon préféré dans cette histoire déjà longue qui est la mienne...
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