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Jeudi, 30 novembre 2006, Besançon

Agréable de commencer ce nouveau cahier avec plein de perspectives nouvelles. Le nouveau groupe est enfin constitué, avec une variété de couleurs musicales qui m’enthousiasme d’avance. Bien sûr Karel et Jean-Paul sont toujours là, mais Titi laissait une place de bassiste vacante et le départ de Radek, après sa brouille avec Karel, faisait sentir le manque d’un instrument solo.

Je salue donc la venue de deux très bon musiciens. Alexis Requet , saxophoniste soprano et ténor, et Olivier Raffin, bassiste (c’est aussi un excellent clavier).

Je connais Alexis pour avoir déjà joué avec lui. C’est un garçon très sympathique et attachant, avec un look punk (mais peut-être ne l’a-t-il plus, je ne l’ai eu récemment qu’au téléphone) à faire tomber tous les a-priori. Musicalement parlant (nous avons joué ensemble au temps de Philépotes) il avait très bien saisi le style de jeu qui convenait à mes chansons et c’était magnifique de l’écouter pendant nos concerts.

Quant à Olivier, nous n’avons pas encore commencé à jouer, mais je l’avais écouté plusieurs fois en concert et avait remarqué ses qualités harmoniques et sa sensibilité. Nous avons eu hier soir une première entrevue et j’ai trouvé l’homme agréable, calme, pas le genre caractériel pour résumer. Je crois que de ce côté là nous avons assez donné...

Donc ce va être une belle équipe, mélange de jeunes et de moins, un bon équilibre scénique. En plus, si Karel tient le coup pour ses allers-retours Tchéquie-France, le groupe peut, il me semble, avec cette nouvelle donne, gagner une certaine stabilité. En effet, il s’agit tous de très bons musiciens, et, en outre, professionnels. Tout le monde a donc intérêt à ce que la machine avance. Et je sens que tout ce petit monde va bien s’entendre, ce qui est aussi un gage de stabilité.

J’aime bien être avec des gens qui s’aiment bien. Une petite famille en somme…

Côté audio-visuel, je n’ai pas beaucoup parlé de mon projet de film : « Migrants et immigrés de l’Est Européen ». J’y travaille pourtant depuis presque le début de l’année, mais la mise en route a été longue. Le film est le fruit d’une rencontre entre une thématique qui me tenait à cœur et une demande venant du CCAS de Besançon. Il s’agira donc d’une production Capricorne et le CCAS participera dans le but de diffuser le film dans son site Internet « Mémoire de l’immigration à Besançon »

Odile Chopard est maître du projet de site et nous avons travaillé ensemble sur la préparation thématique et institutionnelle du film. Je l’en remercie beaucoup. Ce film est un projet passionnant.

Je me suis donc mis en contact avec différentes structures. Odile m’y a pas mal aidé. Ces structures vont m’aider, et certaines m’aident déjà, à entrer en contact avec des familles migrantes. J’ai déjà rencontré des familles tchétchènes, Bosniaques, et bientôt Romes du Kosovo, géorgiennes et Turques.

Sans oublier quelques minorités d’Europe dont on parle si peu, et notamment une famille, dont on m’a parlé, d’origine Yesid. Les Yesid sont de religion zoroaste (comme Zarazoustra) et sont éparpillés en Georgie, Irak, Iran. Cette minorité, comme on peut bien s’en douter, subit le rejet de la communauté musulmane majoritaire autour d’elle.

En fait, en travaillant sur ce film, je découvre à quel point nous ignorons l’histoire et, globalement, l’identité de nos voisins. Pourtant, peu à peu, des nouveaux pays entrent dans la communauté européenne. En janvier la Roumanie et la Bulgarie. Or je découvre, grâce au film, que la Roumanie, la Moldavie et la Bulgarie sont les pays où, avec l’Albanie, il y a le plus de traite d’êtres humains. Un véritable esclavage est en train de prendre un immense essor sous notre nez et nous ne bronchons pas. Savez-vous qu’en Moldavie, en 2002, on s’est aperçu que 30% des jeunes femmes entre 18 et 25 ans avaient disparu ? Et le film m’amène à me pencher sur des dossiers qui me font découvrir des chiffres effarants : entre 500 000 et 2 millions de femmes et d’enfants victimes de trafic dans le monde, traités comme des marchandises, vendus, achetés, violentés, brisés psychologiquement de façon à les asservir totalement ! Comment peut-on accepter cela ? Cela fait combien de temps qu’on a aboli l’esclavage en France ? Et ça reprend sous nos yeux. C’est là, parking Battant, on le voit bien, ces jeunes femmes, à peine majeures, aux yeux slaves. Elles sont là et elles travaillent pour des proxénètes qui gagnent, sur leur dos, des sommes d’argent considérables et qui les tiennent captives par un mélange de manipulation et de chantage. On laisserait des petits dealers travailler le soir aux yeux de tous ? Alors comment peut-on laisser ces filles exercer alors qu’on sait pertinemment qu’elles ne travaillent pas pour leur compte mais sont totalement asservies par des réseaux maffieux qui trafiquent aussi bien dans les drogues dures que dans le trafic d’armes !

J’ai voté « oui » pour la constitution européenne. Parce que je souhaite que l’Europe se constitue un pouvoir législatif et exécutif. Les réseaux maffieux tirent profit des actuelle difficultés de structuration de l’Union Européenne. Plus le temps passe et plus ces réseaux seront puissants. Il arrivera un moment où ils seront incontrôlables. Comme ils le sont déjà en certaines régions d’Italie, en Calabre par exemple.

Me pencher sur les histoires de ces migrants venus des pays de l’Est, c’est découvrir un monumental champ d’inconnu. Quand nous a-t-on parlé de l’histoire de ces pays, Albanie, Serbie, Bulgarie, Moldavie, Georgie, etc. ? L’histoire enseignée dans nos écoles est une histoire partisane, patriotique, nationalo-centrique. A-t-on changé les programmes depuis qu’on a constitué l’Union Européenne ?

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Lundi 4 décembre, Besançon

La période est riche mais incertaine. Hier, dans une interview publiée par une chaîne télévisée, Polanski disait, lorsqu'on lui demandait s'il avait un nouveau projet : "Même si je le savais je ne vous le dirais pas. C'est comme une superstition"

Il n'a pas tord.

Beaucoup de contacts aujourd'hui et il y en aura encore d'autres cette semaine. Rencontres avec des familles originaires d'Europe de l'Est. J'ai commencé à sentir que, pour certains, parler de leur histoire, des raisons qui ont motivé leur départ vers la France, est quelque chose d'extrêmement pénible à laquelle ils ne sont pas prêts de se confronter. Je ne sais pas s'ils vont accepter l'entretien, comment va se passer la confrontation avec la réalité du tournage ? Cette caméra, que va-t-elle leur inspirer, quelle crainte ne va-t-elle pas soulever?

Plus je m'intéresse aux hommes et aux femmes et plus la connaissance que je croyais avoir d'eux s'effrite. Il y a tellement de différences entre nous... Même des amis parfois. On croit commencer à les connaître et d'un seul coup tout s'effondre et un inconnu se dresse devant nous...

En tout cas je découvre combien les souffrances sont nombreuses, profondes, et invisibles d'apparence. Je regardais un film documentaire sur les derniers jours de Jim Morrisson. Et voici qu'une immense souffrance se dévoile chez un être pourtant adulé du monde entier. Et sa mort, une mort triste, sinistre, digne de celle de ces malheureux qui s'enivrent dans la rue du matin au soir.

A l'origine de ces souffrances, souvent, des violences subies, physiques ou non. Un père trop autoritaire ou une mère, ou un milieu qui impose une violence par toujours très identifiée, pas toujours consciente.

Et je crois que la pire des violences est celle subie par des êtres auxquels nous sommes liés affectivement. S'il n'y a pas de lien affectif, on se sort plus facilement des violences subies. J'ai lu quelques articles prêtés par le mouvement du Nid qui parlaient des séquelles laissées aux femmes qui avaient été aux prises avec les réseaux de la traite des femmes. Les anciennes prostituées qui avaient eu un lien affectif avec leur proxénète étaient celles qui avaient le plus de mal à se guérir des traumatismes subis. Il faut dire que les traitements qui leur sont imposé sont volontairement d'une violence extrême. Car les proxénètes savent que c'est par ce moyen qu'il pourront asservir les jeunes femmes. Lorsque l'être humain est mis en situation extrême de survie, il perd la conscience de sa condition. Cette conscience serait destructrice. C'est pourquoi l'esprit se déconnecte de sa capacité à analyser et d'être critique. Il perd alors la perception du danger, de la souffrance, mais il commence aussi à pouvoir être asservi à merci.

Le proxénètes apprennent cela, suivent des sortes de "stages" de manipulation. C'est pourquoi ils font subir à ces jeunes femmes des périodes de conditionnement où elles se font violer jusqu'à 30 fois par jour, où elles sont violentées, enfermées dans des chambres opaques, où elles sont déplacées, perdant ainsi tout repère d'espace et de temps...

Lorsqu'il arrive à ces jeunes femmes de quitter vivantes les réseaux, elles passent par des périodes terribles où elles prennent enfin conscience de ce qu'elles ont vécu, se mettant à découvrir l'horreur des années passées... Les tentatives de suicide sont récurrentes, parfois ne sont pas que des tentatives... Leur effondrement ne peut cesser que si elles bénéficient d'une aide psychologique.

Comment deviner cette misère, cette horreur, lorsqu'on voit leurs jambes briller dans la nuit et leurs yeux provoquer le client avec une assurance qu'il n'a jamais connue? Normal, quelle femme a subi ce que la jeune fausse insolente a enduré? Qu'ont-elles à perdre maintenant? 

Et le client se met à en bander d'aise. Pauvre aveugle qui ignore (et préfère certainement ignorer) la terrible machine qu'il graisse de ses quelques billets et du sperme qu'il éjecte dans un préservatif...

Le misères s'enchaînent, les unes entretenant les autres...

- Mais qui pourrait apprendre aux hommes comment prendre plaisir à vivre sans voler à l'autre un déplaisir, pour ne pas dire un calvaire!

Quel sage pourrait enseigner aux hommes, du plus humble au plus haut placé, le plaisir que l'on peut ressentir à donner du bonheur, et donc du plaisir aussi, aux autres hommes !

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Dimanche 17décembre 2006, Besançon.

Mon Dieu le temps passe et ces pages qui ne s'écrivent pas.... Serais-je démotivé par ce journal ? Ou quelques difficultés à me poser... Quelque stress... Un truc comme çà. Doit-on parler ainsi dans un journal quelque peu public? N'est-ce pas là la limite de l'intime ? Si quelque chose d'intime conditionne le déroulement d'un journal publié en ligne, est-ce que, par nécessité d'éclaircissement, le journal devrait se mettre à l'aborder ?

Il est un écrivain habitant à Vesoul et qui publie des "carnets". Ces carnets se rapprochent un peu de ce processus ici exercé, à la différence que l'écrivain y fait davantage oeuvre de "littérature". Je veux dire que l'essentiel des pensées exprimées touchent le domaine de la littérature : comptes rendus de lectures, chroniques de la vie des livres et parfois de leurs auteurs. Cet écrivain vit avec une femme qui se trouve être le professeur de Français de Théo. Dans les "carnets" elle porte le nom de K. Or j'ai été surpris en voyant cette femme lors d'une réunion profs/parents d'avoir eu si peu de connaissance d'elle en ayant lu les carnets. En effet, il semble qu'il garde toujours une certaine distance entre son travail d'autobiographie littéraire et, finalement, sa véritable vie, - a fortiori celle de sa compagne.

Je n'ai aucune envie de dénigrer André Blanchard, juste me demander si cette impression ne vient pas des choix qu'il a opérés pour l'écriture de ses carnets. Choix de protéger sa vie privée peut-être? Mais en même temps, il semble que cette barrière devienne sensible et provoque une gène : "Ont-ils une vie ces gens ?" nous vient à l'esprit....

Ce n'est pas simple...

Je me pose souvent la question : jusqu'à quelles limites ce journal peut-il s'avancer dans ma relation avec Ludmila ?

- Ou dois-je installer la frontières entre la vie et le récit public que j'en fais ? 

Maurice Blanchot écrivait : "La maîtrise d'un écrivain c'est lorsque la main gauche relève la main droite pour l'empêcher d'écrire..."

Oui, à quel moment la maîtrise doit-elle décider de la retenue, du silence? 

D'une certaine façon je suis heureux que ce journal ne s'écrive pas dans un contexte littéraire. Il n'est pas fait pour apparaître sur le devant de la scène, il est comme le chuchotement de l'ombre. Pourtant, curieusement, lorsqu'il devrait être le plus bavard, le voilà qui se tait... Par pudeur ?  Par incertitude ?

Lorsque le doute est trop prisonnier du doute il vaut mieux le taire. Car le doute se parle le mieux lorsqu'il est levé...

Je serai donc heureux, vendredi prochain, de reprendre la route pour la République tchèque. Trop de temps séparé, ce n'est pas bon pour la paix d'un couple. 

Même dans la plus belle histoire d'amour...

Pour parler travail, dans le silence de ces presque trois semaines, il y a eu quelques jolis élans de création. L'écriture par exemple de "Rue d'Arènes", un texte à métrique slam qui semble susciter beaucoup d'intérêt. Et puis il y a eu l'écriture de la chanson "Un p'tit cadeau", qui, sous des airs de coquinerie, cache une vraie philosophie de la vie.

La préparation du film "migrants et immigrés du continent" se poursuit lentement, ralentie par la nécessité de faire des demandes d'autorisation dont les réponses se font attendre... Mais j'ai déjà rencontré des gens très bien, une famille tchétchène, une famille croate, des femmes géorgiennes, d'origines Yésid...

Côté concert, les premières dates de l'année ont été fixées du 8 au 11 février et du 8 au 11 mars. Un projet de tournée en République tchèque est en cours... Les choses avancent tranquillement, - tellement tranquillement....

Il arrive pourtant que j'aie un peu de mal à me concentrer sur mon travail... Pas de l'ennui mais du souci. Souci lorsque l'absence fait battre l'amour de l'aile... Comme un oiseau dans la tourmente, qui fatigue de plus en plus, dans l'impossibilité qu'il est de pouvoir se poser...

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Lundi 25 décembre 2006, Tábor

Pour ceux qui ont suivi les précédentes pages de ce journal, et notamment la dernière, je dirais qu’il est difficile pour un couple de rester plus d’un mois séparés. Nous nous sommes rendus compte avec Ludmila que, jusqu’à un mois, vivre ainsi séparés, chacun dans son pays, avec une communication très régulière (une demi douzaine de SMS par jour, sans compter les appels téléphoniques), ne posait pas particulièrement de problème. Au delà en revanche, cela commence à devenir compliqué, les corps se perdent et les malentendus se multiplient. De dangereuses tensions peuvent surgir dont la signification hésite entre l’appel au secours et la tentation de séparation.

Néanmoins, aussitôt en présence, nous nous sommes rendus compte que l’alchimie de nos deux personnalités mène à un état proche de la pierre philosophale, et que, mon Dieu, nous étions foutrement heureux d’être ensemble !

Donc nous nous sommes mis à préparer ce Noël, moi athée et Ludmila croyante comme beaucoup d’hommes et de femmes tchèques le sont. J’ai déjà parlé de cette particularité des habitants des anciens pays soviétiques.

Après des années de matérialisme hypocrite, de bourrage de crâne dérivant de la phrase de Marx « la religion c’est l’opium du peuple », les gens, tout naturellement, à la fin de l’ère soviétique, se sont jetés sur la foi sous toutes ses formes. A un tel point qu’il est très difficile de comprendre à quoi ils croient exactement. Entre bouddhisme, catholicisme (et ce catholicisme est encore subdivisé en sous catégories !) Hussisme, et nébuleux spiritismes, il y a de quoi en perdre son latin !

En ce qui concerne Noël, il faut tout de même prendre en considération que c’est une des fêtes religieuses où l’identité culturelle est la plus marquée et donc la plus intéressante pour l’étranger, même athée, que je suis.

Cette année il manquait un élément de décor important : la neige. Pas un flocon à Tábor ces jours-ci ! Juste une brume qui tourne à la tombée de givre pendant la nuit, et qui, enrobant les lumières de Noël d’un halo mystérieux, a son pendant de féerie et fait oublier l’absence de neige.

Après quelques heures à emballer nos cadeaux dans du papier de noël, nous sommes partis rejoindre les parents de Ludmila dans leur grande maison au bord de la rivière. Il a fallu pour cela passer sous l’arche de la dernière porte médiévale de la ville, à côté de la tour du château Kotnov, puis traverser le quartier de style sécession à l’autre bout duquel se trouve la maison familiale.

A sept heures quatre nous étions à la maison. Avec donc quatre minutes de retard. Les tchèques aiment la ponctualité. Les parents étaient contents de nous voir mais Éva, sa sœur, suite au coup de fil donné l’après midi à Ludmila, était de mauvaise humeur. Il faut dire que c’est elle qui a préparé une bonne moitié du repas (elle habite dans la même maison que les parents, à l’étage en dessous) et qu’elle avait su que Ludmila (et moi) était encore au lit à une heure de l’après-midi. La brouille s’est évaporée au fil du repas, - les deux frangines sont cul et chemise, pas de souci !

Le repas a commencé par la prière, dite en latin, par le père de Ludmila. Un paster noster puis un, merci de traduire en latin,  « je vous salue Marie ». On se croirait dans un film de Bergman mais attention ! Bergman était fils de pasteur protestant. Donc rien à voir ! Histoire de n’en pas faire (des histoires) j’ai concédé à un signe de croix. Je ne sais pas si Ludmila a avoué mon athéisme à ses parents, mais je ne vais pas ré-insuffler une leçon d’athéisme à ces pauvres gens, ils en ont subi une grande partie de leur vie. Faut savoir s’adapter aux situations.

Après la prière, l’apéro. Le sang du Christ était blanc et avait pour nom « Campari bianco ». Et on arrive à une spécificité de la mentalité tchèque : on enchaîne les plats. C’est là une grosse différence entre nos pratiques tchèques et françaises. Les français font traîner le repas. L’apéro dure des plombes, et entre les plats on refait le monde. Les tchèques enchaînent. Pas de temps mort. On avait encore nos verres de Campari à moitié pleins qu’Éva mère apportait le premier plat.

Avant de mettre le nez dans l’assiette,

 je voudrais dire aussi que, dans la famille de Ludmila (je ne pourrais affirmer que c’est une tradition tchèque) les prénoms se transmettent de génération en génération. La mère et la fille ont le même prénom : Éva ; le père et le fils de même : Vojtišek. Ludmila a, quand à elle, récupéré le prénom de sa grand tante (la sœur de son grand père) qui était une femme originale, à la destinée malheureuse (elle s’était mariée à un juif qui est mort en déportation, sa fille est morte d'un accident, elle a fini par se suicider...) et dont elle a hérité le caractère haut en couleur, la couleur du Lila qui est le diminutif de ce prénom. Cette tradition des prénoms se poursuit puisque le neveu de Ludmila a le même prénom que son père et donc que son grand père.

Donc, le 24 décembre est la Saint Adam et Éva, et Éva est le prénom de la mère de Ludmila et de sa sœur. On a donc commencé le repas par la remise des cadeaux. On se serre la main, s'adresse quelques vœux en s'offrant les cadeaux.

 

Je précise tout de même que le repas qui va suivre est le repas typique de la veillée de noël en tchéquie. Et ce repas est le même chez tous les tchèques. Il n’y a pas de variante, c’est le repas type et vous pouvez prendre des notes sans risque d’erreur.

Le plat qui a interrompu notre apéro et a donc commencé le repas a été une soupe de légumes (rybí polévka). Soupe de légume avec, quand même, une petite nuance...

De couleur claire (une partie des ingrédients doit être des pommes de terre) on y voit flotter des morceaux de chair clairs eux-aussi qui sont en fait les glandes génitales de carpes mâles. Comme le père de Ludmila a horreur de ces abats aquatiques et que Ludmila ne mange aucune chair animale, on leur a servi une version végétarienne de ce potage que l’on ne consomme qu’une fois par an. Quant à moi, ces sympathiques spécialités sacrificielles me ravissent et j’ai demandé à manger une deuxième assiette de soupe.

Dès que vous avez fini, on vous enlève votre assiette et vos couverts. C’est une autre spécificité des repas tchèques. Les femmes ont le sens de la propreté absolue. Pas de miettes sur la nappe, pas de couverts sales pour un nouveau plat. Si on ajoute à cela « pas de temps mort », on voit que les femmes ne chôment pas pendant les repas !

On nous apporte alors le deuxième plat. On l’appelle « la sauce noire » (černá omáčka) où « sauce polonaise » (polská omáčka). C’est encore un plat qu’on ne mange qu’à cette veillée de Noël.

 Max, le précédent petit ami de Ludmila, qui était anglais, avait été impitoyable avec la « soupe noire » qu’il avait traitée de quelque chose comme « mâchicoulis infâme ». Mais comment faire confiance à un anglais en matière de gastronomie ! Ceci dit, la soupe noire demande un temps d’adaptation. Ce n’est pas le plat qui vous séduit à la première bouchée. C’est le plat qui demande du temps pour s’enregistrer mais qui, après, laisse un souvenir indélébile. Qu’est-ce qu’on y trouve ? A peu près de tout : confiture de pruneaux, amandes, noix, bière, carottes, céleri et autres légumes, beurre, raisins secs, pain d’épice, sel, citron, sucre, clous de girofle … C’est vraiment un plat de noël, mélange de salé et de sucré, un peu lourd de goût, crémeux, sans oublier la couleur, marron tendant vers le rouge, - on peut imaginer que, pour un anglais, ce soit vraiment un cauchemar !

Mais finalement, en y réfléchissant, je me suis aperçu que ce plat était vraiment une métaphore de Noël. Prenez la crèche, qu’est-ce que vous y voyez ? Un mouton, un bœuf, un âne, des bergers, des oliviers, un roi noir avec d’autres rois qui apportent des épices, de l’encens et d’autres trésors exotiques. La soupe noire est aussi riche et variée de contenu que la crèche telle que nous avons l’habitude de la représenter en occident !

 

Troisième plat, autre spécificité tchèque : les panés de carpe (smažený kapr).

 Il faut savoir que la Bohème est une région d’étangs. On en voit partout et ces étangs sont truffés de carpes. En octobre chaque année on vide les étangs de leurs poissons et on transvase les carpes adultes en pisciculture (les autres sont remises dans les étangs). D’octobre à décembre les carpes vivent en eaux vives. Ce qui fait que, lorsqu’on les mange à la veillée de noël, elles sont délicieuses ! Plus d’odeur de vase, un poisson tendre et parfumé, une merveille !

On les mange donc, ces carpes, en filets pannés et frits. Ne cherchez pas en Tchéquie, le 24 décembre, une autre recette ! C’est comme ça et que comme ça que toutes les familles tchèques mangent leurs délicieuses carpes. Et les veilles de ce jour de tradition, sur les places des villes et des villages, on voit les marchants qui, dans des aquariums portables, présentent leurs vivants poissons. Certains les achètent vivants et les font patienter pour le grand jour dans leur baignoire, d’autres préfèrent les acheter déjà tuées et coupées en filets.

Les filets de carpe sont accompagnés d’un assortiment tout aussi traditionnel et invariable : la salade de pommes de terre (bramborový salát). On la prépare généralement la veille, de façon à ce que les pommes de terre prennent bien le goût des oignons et autres ingrédients, car il y a des choses oranges à l’intérieur, peut-être des carottes.

Comme les tchèques ne mangent pas de dessert, le repas de noël se termine donc ainsi. J’avoue que, la première fois, sans être aussi extrémiste que Max (Boyle) qui a eu cependant le grand mérite de publier un livre « Touching Velvet » où il retrace avec grand soin et beaucoup de respect pour les tchèques, son année passée comme enseignant dans ce pays, je peux avouer cependant que, la première année, excepté la carpe que j’avais trouvée délicieuse, j’avais été un peu déçu par le côté austère du réveillon de Noël. C’est évident que nous autres français y mettons plus de… comment dire… plus d’onctuosité, ou simplement plus de richesse. Des viandes, des poissons, des sauces, du jus, des fruits, des gâteaux avec de la crème, des décorations…  Et puis des variantes : s’il y a la dinde, et même s’il y a les marrons, il y a quand même plusieurs façons de la préparer, de l’accompagner, et les entrées changent, et les bûches connaissent autant de versions que de pâtissiers ! En Tchéquie le repas est invariable, plus humble, plus économe, mais cette absolue régularité a un charme particulier, - peut-être celui de faire oublier que le temps passe?...

La première année m’avait laissé sceptique, presque déçu. Cette année, la deuxième, la répétition commence à user de son charme. La soupe noire m’a semblé meilleure, la salade de pommes de terre plus parfumée. Je crois que, plus on s’habitue, plus les nuances affleurent. Et peu à peu, avec le temps, je crois que cet humble repas est de plus en plus délicieux et irremplaçable. Et je suis sûr que vous pouvez offrir à un tchèque le plus délicieux des repas de noël, vous n’arriverez jamais à lui faire oublier le repas de la veillée de noël en Tchéquie, son repas invariable, à la régularité rituelle, comme si toute sa vie tenait dans la simplicité unique de ce repas là.

Après le repas, nous sommes passés dans la pièce à côté où avaient été posés, autour du sapin, tous les cadeaux. Alors Éva fille s’est mise au piano, Vojtiček-père a sorti son violon et ils ont joué et chanté ensemble des chansons de Noël tchèques. Ludmila et sa mère chantaient à deux voix. On avait éteint les lumières du plafond, seules éclairaient les lumières de noël et quelques appliques. Ca aussi on ne l’oublie pas…

    

Après la musique, l’ouverture des cadeaux, et puis retour à la salle à manger où, cette fois, on a sorti les petits gâteaux de Noël. C’est là un dernier trait du Noël tchèque : les petits gâteaux. Chaque femme (excepté Ludmila) prépare une grande quantité de ces petits gâteaux secs, d’une grande variété (j’en ai repéré une vingtaine de sortes) et que l’on mangera pendant toute la période des fêtes. Cette fois on prend son temps. On discute en buvant le café et en se remettant à la bière. La bière qui, bien sûr a accompagné tout le repas. La bière, en Tchéquie, c’est la boisson nationale. Tout le monde en boit, hommes et femmes. Sauf Ludmila bien sûr qui, elle, a continué au Campari. Ludmila n’aime pas mélanger les alcools et puis, un petit vin blanc sucré…

(RETOURNER AU NOEL 2008)

Voilà donc notre veillée de Noël. Nous sommes repartis un peu avant minuit. En rentrant nous entendons de la musique. C’était un quintet de cuivres qui interprétait, dans un petit parc qui était, avant qu’on le détruise, le cimetière juif, des chants de noël. Pas de fioritures, les chants étaient interprétés d’après la partition originale, sans répétition à la coda. Étrange et charmant dans la nuit brumeuse. Le public, après le concert, s’est dirigé vers la chapelle appartenant à « l’ancienne église catholique ». Jamais entendu parler de cela en France. C’est donc une annexe de l’église catholique où les prêtres ont le droit au mariage. Ludmila m’a expliqué aussi qu’on n’avait pas obligation de se confesser pour prendre l’ostie. Comme elle voulait y jeter un œil (à la messe) j’ai voulu l’accompagner à la condition qu’on ne s’y éternise pas. Compromis accepté.

Dans l’église j’ai retrouvé plein de têtes que je connaissais déjà : des musiciens, des chanteurs, le propriétaire du café Nad Schudkach où nous avons joué en début d’année, et d’autres gens déjà aperçus au café ou dans des vernissages. Une population assez jeune, branchée. L’église à la mode en fait. Cool, avec musiques abondantes, chant chorale, accompagnement à l’orgue, à la guitare et contrebasse. Encore quelque chose de typiquement tchèque. Car il faut dire que les jeunes générations sont en recherche de lieux cultuels avec une pointe de modernité, - avec un peu l’impression d’être à l’avant garde d’une nouvelle façon d’envisager la foi. Tout cela laisse l’athée que je suis un peu rêveur… voire sceptique…

Nous sommes repartis après un petit moment. Dehors le pavé était luisant sous l’effet de la brume tombante. Les rues désertes, les poubelles typiques de la Tchéquie comme seules occupantes des rues. Les reflets des décorations lumineuses sur le pavé brillant…

Noël 2006 allait se coucher…

Au fait  : JOYEUX NOËL A TOUS !

 

 

 

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Jeudi 4 janvier 2007, 00h 15, Besançon

Je viens de découvrir que la Commission de terminologie a décidé d’appeler les blogs « blocs notes ». Ce qui me donne raison d’avoir refusé de nommer mon journal "blog" : non, ce n’est pas un bloc notes ! Mais il arrive, lorsque je dis qu’il y a un journal en ligne sur mon site Internet, qu’on comprenne qu’il s’agit d’un journal d’informations. C’est ennuyeux !..

J’espère que vous avez tous passé de bonnes fêtes et que vous avez bien commencé cette année du cochon (bien qu’elle ne commencera vraiment qu'en février, le nouvel an chinois étant à cette date). Année du cochon, rien de bon, ou tout est bon dans le cochon ? On verra, en tout cas, j’espère que la naïveté du signe ne va pas inciter les gens à voter pour Sarkozy, croyant trouver en sa rigueur solution à leurs maux. Car sinon, on est cuit.

Je dis nous, artistes, notre statut d’intermittent, l'exception culturelle... Cuits ! Et je ne parle pas des autres, les Autres notamment, ceux qui viennent d'ailleurs tenter leur chance chez nous... Pauvre gens, comme cette famille Raba, Albanais du Kosovo, qui habitaient à Gray et que trente gendarmes sont venus arracher à leur petit appartement, pour finir par les jeter de force chez eux, dans leur village, où on va les accuser d'avoir trahi, eux qui ne voulaient pas participer à la "vengeance" albanaise... Quelle honte ! - Voilà ce que donne un petit préfet placé par Sarkozy, qui a envie de faire carrière... En Haute-Saône...

Changeons de sujet, ça me rend malade qu'on traite les gens ainsi !

Ludmila, qui est partie hier soir pour Tabor, est arrivée chez elle ce matin. Nous étions si bien ensemble… C’est incroyable ! D’ailleurs c’est curieux comme notre relation semble faire du bien aux gens, Stéphane Ostrovski par exemple, un agent amateur qui s’occupe de nous trouver des concerts en Rhône Alpes, il nous a regardé comme une espèce de modèle amoureux. C’était charmant. Mais oui, malgré la distance, nous sommes toujours aussi passionnément amoureux, et trois années sont déjà passées…

Lorsque nous étions encore à Tabor, tous les deux, la veille de rentrer en France, Ludmila a tenu à ce que nous fassions une série de photos en utilisant les cierges magiques. Elle pensait faire cela dans le couloir, au rez-de-chaussée de sa maison, un couloir ancien, en plâtre brut... Mais j’ai préféré le souterrain !

Toutes les maisons du vieux centre de Tábor étaient reliées autrefois par un souterrain. Il faisait au total une vingtaine de Kilomètres ! Les souterrains se croisaient sur plusieurs niveaux, jusqu’à trois niveaux l’un sur l’autre. On s’en servait de cave à charbon, de frigo, et surtout, la communication permettait de fuir les incendies et éventuellement les agresseurs. C’est pourquoi les communistes n’ont pas aimé ça et ont fait boucher les souterrains. Mais, depuis, on peut visiter une partie des souterrains réaménagés par la ville, un fragment qui doit fait un peu plus d’un kilomètre.

Ludmila a dont un bout de ce souterrain qui traverse le sous-sol de sa maison. Il est muré des deux côtés, ce qui fait qu’on ne peut pas aller visiter les voisins. Mais enfin c’est quand même assez long, avec, au milieu, une pièce plus grande que le couloir d’accès. Pour y entrer on doit ouvrir une porte qui se trouve dans le couloir du rez-de-chaussée, descendre un escalier en fer et en colimaçon et on y est ! Pas d’électricité, Ludmila se sert de bougies quand elle y va et, il faut dire, n’y va pas souvent.

J’ai réussi à tirer une rallonge et ai utilisé une lampe à infrarouge que Ludmila utilise pour chauffer les canalisations du rez-de-chaussée, côté cour, afin d’éviter qu’elles ne gèlent. Cela donne une lumière entre jaune et rouge. Et puis nous avons enfoncé dans les cloisons, qui semblent n’être qu’en terre, les cierges magiques. Ludmila s’est maquillé les yeux assez fortement, elle s’est même appuyé de maquillage le tour des seins, - elle a des idées comme cela Ludmila : et elle avait raison. On a choisi quelques bijoux, elle s’est mis les cheveux en batailles et, en dernière minutes, j’ai attrapé le lys qu’on lui avait offert à la fin du concert de Noël, la veille, à l’église de Tábor. On a aussi trouvé un petit habit un peu découvert et un peu provoquant, histoire de donner à cet univers de souterrain un érotisme un peu noir.

J’ai pris le Leica et nous sommes descendus dans le souterrain. Nous avons allumé les cierges après une petite répétition et la photo fut prise.

Vous voulez la voir ? Si vous êtes venus jusqu’ici de ce récit, je crois que vous le méritez.

Voici donc « souterrain », si vous voulez bien cliquer ici.

Ne vous gênez pas pour me dire celle que vous préférez !

 

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De l'aube à la nuit, de Besançon à Tabor, 

je, nous, vous souhaitons nos meilleurs vœux pour 2007 !

 

Philippe B. Tristan - Ludmila Perinova

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Dimanche 14 janvier 2007

J’ai commencé ce week-end à filmer les deux premiers portraits de mon film « Migrants et immigrés du Continent européen ». La première famille que j’ai visitée a été ces migrants de Georgie de minorité Yésid dont j'ai déjà parlé. La seconde a été une jeune famille de musulmans de Bosnie. Chacun m’a reçu avec beaucoup d’égard et de gravité. Et le récit de ces personnes m’a plongé dans une stupéfaction qui n’est pas nouvelle mais non moins atterrante : comment l’homme a-t-il pu et peut-il encore faire subir à d’autres hommes de telles cruautés, humiliations et crimes contre leur condition même d'êtres humains…

La famille Aloyev appartient donc à cette minorité religieuse Yesidi que l’on a nommé « les adorateurs du Diable », ce qu’ils récusent fortement : "Nous n'aimons qu'un Dieu qui est le principe du Bien, comment pourrions nous vénérer le Diable?" Originaires de la lointaine Mésopotamie, ils ont refusé de se plier à la volonté de conversion forcée des musulmans. Non considérés comme « croyants » par les musulmans, contrairement aux juifs et aux chrétiens, il était impossible pour un musulman de traiter avec eux, voire même ils se faisaient devoir (ou zèle...) de les éliminer. C’est pourquoi, dans l’actuelle région du Kurdistan où ils ont vécu, beaucoup ont dû émigrer dès les premiers siècles de l’islamisation. Certains sont partis s’installer en Georgie, d’autres en Arménie, c’est le cas de notre famille. On en vient au génocide que la Turquie refuse de reconnaître. Les Yésid arméniens ont fait encore partie des cibles de ces massacres, pas tout à fait un siècle après que dans leur propre région les Pacha ottomans ont systématiquement pillé leurs village et, s’ils ne les tuaient pas, transformé leurs habitants capturés en esclaves chèrement vendus…

Les Yésids ont dû encore migrer pour échapper au génocide et sont partis s’installer en Géorgie où, au dix-neuvième siècle, leurs prédécesseurs avaient réussi à fructifier. Voici donc notre famille intégrée, après la révolution russe, à l’empire soviétique. Là ils réussiront à bénéficier de certains droits et de protections juridiques. Fin de l’empire soviétique, la République de Georgie est créée. Après quelques temps commencent à retentir quelques slogans nationalistes : « La Géorgie aux géorgiens ! » On ne reconnaît plus de droits aux Yésids, ils sont arrêtés, violentés et la police ne cesse de les harceler. Cela devient invivable. Ils finiront par payer des passeurs qui vont les emmener illégalement en France. Et là ils découvrent qu’ils peuvent bénéficier de droits et ils s’en viennent à prier que ce pays, enfin, puisse devenir durablement le leur… 

Assia est arrivée la première en France, c’était en 2000. C’est elle qui parle le mieux le Français. Son frère, Azziz, l’a rejoint plus tard. Il décide de créer une association Yésid qui leur permettraient d’organiser des rassemblements au moment de leurs fêtes religieuses. Car leurs traditions n’étant qu’orales, ils ont très peur de les oublier et de les perdre.

Bientôt, en février, aura lieu leur grande fête religieuse en honneur d’un saint dont ils n’arrivent pas à trouver la traduction européenne. Cette fête est la fin d’une période de jeûne de trois jours. On y fait le sacrifice d’un mouton. Autrefois on y sacrifiait un bœuf blanc. Ils ont dit qu’ils m’y inviteraient.

L’histoire des Yésid n’a pas connu beaucoup de témoignages écrits. Pourtant Assia m’a prété l’un d’eux. Il s’agit d’un livre écrit au milieu du XIXème siècle par un aventurier et archéologue anglais, Henry Austen Layard, et qui a pour titre « Les ruines de Ninive ». Layard raconte les moments passés avec les Yésid pendant leur fête religieuse à Sheik Adi, le village saint des Yésid en Irak, peu loin de Mossoul. Ce village est encore le lieu saint des Yésids, il y reste les grands prêtres, détenteurs du savoir et des traditions des Yésids. Assia et Azziz rêvent de pouvoir y faire, un jour, un pèlerinage : « Nous ne savons plus vraiment le pourquoi et le comment de notre religion, nous ne connaissons que ce que nos pères ont appris de leurs pères. Mais, avec le temps, on oublie des choses, on mélange, on s’embrouille… »

Je remercie ces gens de m’avoir parlé d’eux et du mystère de leur religion si ancienne et si chèrement conservée après des millénaires de solitude et de souffrance… Je les remercie aussi pour la douceur de leur caractère. Ce sont des gens fort paisibles, aux traits fins, et qui parlent ensemble avec une politesse et une sorte d’harmonie très agréable. J’ai hâte de participer à leur fête, j’espère qu’elle ne tombera pas au moment de nos concerts !…

Quant à la famille géorgienne que j’ai filmée samedi, j’ai retrouvé chez eux ce même plaisir à vivre sans peur et sans menace. Ils venaient de s’installer dans leur appartement. Depuis 17 jours ! Et ce, après avoir transigé de foyer en foyer pendant deux ans et demi. Il s’agit d’un jeune couple et leurs deux enfants d’environ cinq ans. Samir a vingt six ans et sa femme Sabina doit être à peine plus jeune. Leur appartement n’était pas encore très meublé mais ils avaient acheté un joli salon rouge et une table de salon. C’étaient leurs seules tables et chaises mais ils étaient jolis et confortables. Quand nous avons parlé des raisons de leur venue en France, Samir a commencé à me parler longuement de la guerre et de ses conséquences aujourd’hui. Son pays semble encore fonctionner sans de véritables lois et c’est la première fois qu’on me disait que, lorsqu’on cherchait des passeurs pour aller irrégulièrement en France, il fallait s’adresser aux… policiers !…

On leur a donc demandé 2000 Euro pour les emmener en France. Ils sont arrivé à Annecy et on les a largués sur le trottoir sans autre cérémonie et… sans papier… Les passeports qu’on leur a donné pour le voyage étaient des passeports fantoches qui sont repartis avec la camionnette.

Je ne vais pas raconter tous les détails de leur attente de papiers ect. Mais en tout cas, j’ai vu qu’aujourd’hui qu’ils sont régularisés et que Samir travaille, ils sont heureux d’être en France, dans un pays qui leur donne des droits et ne leur demande pas, à chaque démarche, de payer des bakchichs.

Si l’on veut que ces migrations cessent, ils faut arriver à ce que ces pays se mettent à fonctionner sur des systèmes de droits fiables. Sans cela, comment développer une économie pour tous et un état de droit ? Et comment faire cesser toutes les rancœurs que la guerre a laissé et qui pourraient bien, un jour, rallumer de nouveaux brasiers…

 

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Mercredi 24 janvier 07

La neige est venue après cet étrange hiver indien que nous avons eus. Le froid plane comme un esprit espiègle qui s’amuse à me glacer les pieds. Faut dire que, moi qui ai toujours gardé mes chaussures du lever au coucher, je me suis mis, au contact avec ces familles bosniaques, rom, yesidi avec lesquels j’ai été en contact, sans compter tous mes amis tchèques, à essayer d’épouser leur coutume de laisser les chaussures vers la porte d’entrée de l’appartement. Mais c’est dur de m’y habituer, d’autant plus que mon appartement est très ami avec les déplacements d’air… L’isolation laisse beaucoup à désirer…

Je reviens à mon journal avec une sorte de joie au cœur qui a suivi une période de découragement. En effet, deux des contacts pris pour mon film, une famille tchétchène et une autre franco-turque, m’avaient faits faux bond la semaine dernière après des moments très aimables passés ensemble lors d’un premier rendez-vous. Le Monsieur turque me disait dans un appel téléphonique que sa femme, française, ne voulait pas participer au film et qu’il ne voulait pas la contrarier, et, alors que j’arrivais au pied de leur immeuble avec mes cartons de matériel dans les bras, les deux jeunes filles de la famille tchétchène me disaient : « Nous sommes désolés, mes parents ont appelé notre famille qui se trouve toujours en tchétchénie et ils leur ont dit de ne surtout pas participer au film car, si les Russes venaient à être au courant, ils risquaient de se faire tuer… Nous sommes désolés mais nous ne pouvons pas amener de risque sur ceux qui sont restés au pays. Nous sommes vraiment désolés… »

Bien sûr, aussi improbable que cela puisse paraître, il y a quand même une part de risque. Et c’est là que l’on comprend que le danger que ces migrants ont fui est bien réel et que la peur qu’il suscite est énorme…

Cette paix, cette tranquillité que nous vivons ici... Et pourtant, combien de gens, ici même, sont transis de peurs, d’inquiétudes… On préfère faire flipper les gens que de leur apprendre à être sereins. Ils vivent dans la paix et, même les plus pauvres, dans une presque aisance, sans compter tous ceux qui ne manquent de rien, et ils ont peur, et ils meurent de leurs angoisses et on les matraque de drames et d’alertes, et ils angoissent de plus belle.

Le contact avec ces primo arrivants, qui, avec aucune assurance devant eux, avec presque aucuns meubles dans leur appartement, quand ils en ont un, vous disent : « on est content, la nuit on peut dormir tranquilles, sans avoir peur que quelqu’un vienne chez nous pour nous tuer »

On en vient à regarder ce que l’on a autrement…

Et puis, depuis hier, de nouveaux contacts ont été pris, et le coup de découragement de la semaine dernière s’est changé en enthousiasme. En fait le film mettra face à face des primo arrivants et des personnes issues d’une ou deux générations d’immigrants. Des personnes choisies par la qualité de ce qu’ils nous apportent aujourd’hui, un musicien d’origine albanaise, le directeur du cirque Plume, d’origine polonaise, le père d’un jeune compositeur d’origine arménienne.

Je suis convaincu que ces arrivants, avec leur sac de traumatismes sur le dos, seront, dans une ou deux générations les forces vives de la France. Et, alors que beaucoup râlent en disant : « mais on ne peut pas accueillir toute la misère du monde ! », il faut tenter de prouver que :

il est de notre fierté d’aider des personnes en danger de mort dans leur pays,

Ces gens, en outre, seront la richesse de la France de demain.

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Jeudi 25 janvier 2007

L'entretien avec Bernard Kudlak s'est bien passée et j'ai beaucoup aimé son témoignage et ses propos sur l'immigration d'une façon générale. On aura l'autorisation de publier quelques extraits de spectacles du cirque Plume pour donner une deuxième dimension à ses propos. C'est super et je pense que les autres personnes, notamment les primo arrivants, verront ce témoignage comme un chaleureux encouragement.

Les personnes que je suis allé voir cet après-midi ont, en effet, besoin d'encouragements et de beaucoup d'aide. Ce sont les plus désespérées des personnes que j'ai rencontrées. C'est en quelque sorte Roméo et Juliette. Lui, Elvis, est d'origine croate, musulman, sa femme d'origine serbe, orthodoxe. Ils habitaient en Bosnie, à Tuzla. Elvis, après son mariage, a perdu tous ses amis. Un musulman et une orthodoxe, maintenant, c'est le rejet absolu. Même les familles ne veulent pas de cette union. On comprend le besoin qu'ils ont eu de partir, sans amis, sans parents et avec de terribles traumatismes laissés par la guerre...

Seulement, la Bosnie est considéré par l'Union Européenne comme "Pays Sûr" ce qui donne le droit de rejeter les immigrants venant de ces pays. On leur refuse l'asile. Ces gens sont hébergés par une dame Serbe qui, elle, a eu ses papiers et qui travaille dans une société de nettoyage...

Ils économisent le moindre sou. Ils font leur pain. Ici, en France, le pain est trop cher pour eux. Les bosniaques mangent beaucoup de pain.

Si seulement participer à ce film les aidaient à se faire entendre, comprendre , aider et qu'ils obtiennent leurs papiers... Ils n'attendent que cela, travailler...

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Lundi 29 janvier 2007, foyer AGE

Regardez ce visage. Je ne vous demande pas, pour une fois, de regarder une photographie. Juste le visage. C'est celui de Bruno, Bruno Ferrandez, un jeune photographe d'environ trente cinq ans.
Quand nous avions fait la photo, c'était en 2000, il avait moins de trente ans.
J'ai écrit "portrait d'un mécène" sur sa main parce que, pour toute cette exposition, c'est à dire pendant plus de six mois, Bruno m'avait prêté son appareil photo, un Pentax 6x7. Alors je l'ai appelé "Mécène" pour cela, pour ce prêt. 

Bruno était généreux. Il était beau gosse aussi. Il était doux. Peut-être ces derniers temps s'assombrissait-il. Je ne le voyais pas souvent. Il est parti deux fois je crois au Laos, pendant de longues périodes, plus de dix mois. Mais il parlait peu de son travail. Je lui disais : "Alors, quand tu nous les montres ces photos, tu fais une expo?" Et il répondait : "Pas maintenant", mais sans préciser pourquoi, j'avais l'impression qu'il était superstitieux, qu'il avait peur de révéler quelque chose pour ne pas le perdre...
Il était photographe pour l'AFP. Il travaillait à la pige. Je ne sais pas s'il gagnait bien sa vie. Mais je crois que non. Je crois que Bruno voyait les choses avec énormément de sérieux. 

Je l'aimais vraiment bien Bruno, mais je crois aussi qu'il me fuyait un peu. Peut-être je lui faisais peur. Mais pourquoi?

Parce qu'il est si difficile aujourd'hui, lorsque l'on se sent pourvu du désir de créer, d'avoir confiance en soi...

Alors on se méfie de ceux qui font la même chose que nous parce qu'on a peur qu'ils obtiennent ce que, nous, nous n'obtiendrons peut-être jamais... Et du coup, comme des cons, on est tous là à en chier dans son coin.

La peur vient du doute, de l'ambition maltraitée....

Mais j'aimais Bruno pour sa douceur, il dégageait une sorte de charme, une chaleur.

Je voulais lui envoyer un SMS pour lui dire que j'avais trouvé bien la photo qu'il avait publié, comme moi et les dix autres, sur le calendrier de la ville. Je voulais lui dire que c'était sa photographie que j'avais préférée. Il y avait une expression, une recherche, un vrai climat. Profond. Mais je ne l'ai pas envoyé ce SMS. Ce sont des choses qu'on regrette...

Sa photographie du calendrier, elle était peut-être aussi un peu sombre... Une expression inquiète. La lumière de fin d'après midi, jaune orangée, et le ciel sombre... Cet envol flou du pigeon, du troisième pigeon, tandis que les autres regardent nulle part... Il y avait peut-être l'expression d'une inquiétude, d'une angoisse...

Pourtant je ne voyais pas en Bruno un homme angoissé. Il était si calme. Mais il était aussi souvent pressé, inquiet du temps, - qui passe....

Maintenant, Bruno, le temps ne passe plus. Tu l'as arrêté... On m'a dit : un amour qui a failli, une fille qui t'a plaqué. Je me souviens que tu n'aimais pas les histoires passagères. Parfois tu préférais ne pas avoir d'amour du tout, d'être tout seul et de travailler ta photographie... C'était ton côté trop sérieux que je ne comprenais pas toujours. T'avais une drôle de façon de considérer les filles, ou bien avec aucune importance, ou bien, alors, avec une importance folle...

J'interroge ta mort, Bruno, tu comprends qu'elle m'inquiète. Nous étions un peu dans la même galère toi et moi. La photographie, la vie d'artiste indépendant... Que tu aies lâché m'ébranle. J'aurais voulu te dire : "Non ! Il faut pas ! Il faut te battre, pas battre en retraite !" 

Mais je n'étais pas plus là que les autres quand tu t'es mis cette corde autour du cou...

Ce que tu as du souffrir pour décider une chose pareille... 

Ce que tu as dû te sentir seul...

Adieu, ami. 

Bien sûr, quel gâchis, mais ça sert à quoi, maintenant, de le dire ?

Damien, et maintenant Bruno... Les photographes n'ont pas la vie facile...

Et les peintres. Et les autres...

 

Photographie de Bruno Ferrandes publié sur le calendrier 2007 de la Ville de Besançon

 

Voir aussi article paru dans l'Est Républicain du 30 janvier 2007 (cliquer ici)

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Lundi 12 février, Besançon

J'ai reçu hier un mail d'Agnès Rougeot, de l'atelier l'Escapade à La Chapelle Basse Mer en réponse à ma pensée pour Bruno. Ce mail, de cette personne que je ne connaissais pas, m'a beaucoup ému et touché. Agnès n'a pas souhaité que je publie son mail mais elle a confirmé que la situation de Bruno était difficile malgré la publication de ses photos dans de multiples revues. 

Je n'ai pas l'impression que beaucoup de personnes savent dans quelles difficultés vivent la grande majorité des artistes. Même ceux qui vivent près d'eux et dont ils ne se posent même pas la question de savoir quelles vies ils mènent ! Pourquoi ils ne se posent pas la question ? Est-ce que la surconsommation nous rendrait à ce point monstrueux que nous ne sommes même plus en mesure de s'interroger sur les conditions dans lesquelles vivent nos semblables ? 

Ou alors on s'abuse, tellement les productions de ces artistes semblent au-delà des préoccupations terrestres. Il arrive parfois qu'elles soient à ce point luxuriantes qu'on ne peut imaginer dans quelle situation se trouvent leurs auteurs !

Je pense par exemple aux somptueuses photographies de Joël Cubas, avec ses décors fabriqués pièce par pièce : un tel faste, un soin minutieux, un hommage à la vie sans limite, à la poésie et à la beauté, tout cela animé d'une sorte de rire enfantin, un rire d'enfant malicieux et génial. Et j'ai vu où Joël faisait ses prises de vue ! Dans son salon, une pièce de 20 m² où ses décors, sa chambre photographique, sa toile de fond qu'il avait peinte lui même occupaient tout entier ! C'était incroyable que ces merveilles aient pu naître là, dans cet appartement minuscule qu'il partageait avec sa fille !

Joël était auparavant photographe à l'agence "Vu". Un jour il était allé faire un reportage au Kurdistan. Il avait pris son Leica M6 avec lequel, jour après jour, il s'était concentré sur le moindre détail, la moindre situation à découvrir avant de la flasher. Il était ensuite rentré en France, et il a développé ses films noir et blanc. Et alors il a découvert que toutes les photos étaient voilées au centre d'un point blanc. Le rideau du Leica était devenu poreux et la lumière était venue détruire tous les clichés. Cela a été un choc pour Joël, à tel point qu'il a décidé d'arrêter le reportage dont il tirait, parfois, quelques sympathiques royalties. C'est là qu'il me dit : "Je ne l'ai jamais regretté. Le reportage c'est épuisant. Tu ne fais plus un pas sans que tes yeux scrutent tout autour de toi. Ca me minait le moral. C'était atroce. Quand j'ai arrêté, ça a été comme une libération. Et c'est là que j'ai commencé mon travail d'installation et de clichés apprêtés. Dans cette photo je me retrouve." 

Allez visiter son site, vous comprendrez.

En entrant aujourd'hui dans mon site, vous avez certainement remarqué (je m'adresse aux habitués du journal) la nouvelle photographie du groupe mise en ligne en même temps que cette page. Elle a été réalisée par Patrice Forsans.

Patrice avait cette magnifique galerie photographique grande Rue à Besançon. Il publie aussi une revue de photographie "L'atelier Photographique" (nouveau numéro déjà en ligne, cf "sites amis")  Patrice mène un travail de grande valeur et j'ai vraiment beaucoup aimé l'idée qu'il a eue pour cette affiche.  Ce sera le nouveau visuel de nos promotions.

Ce nouveau visuel d'ailleurs tombe bien. Les trois concerts de la semaine dernière, avec les nouveaux arrivants, Olivier et Alexis, ont reçu du public un accueil dont nous avions encore jamais connu d'équivalent. Il semble que tout a changé, que la perception du groupe soit devenue autre. Et, en écoutant les enregistrements des concerts, on s'aperçoit que, d'une part la section rythmique groove mortel, mais qu'aussi, de l'autre côté, les couleurs du sax et des deux instruments (guitare et claviers) de Karel sont devenues absolument magnifiques et complémentaires. En plus, sur scène, on rit, on bouge, on s'échange des regards, on s'éclate ! Et le public se régale, et c'est du bonheur pour tout le monde !

Il semble qu'on soit à une étape clé du groupe. Il faut maintenant que nous rencontrions les bons contacts car je ne pourrai pas faire tout tout seul. 

Mais si on les trouve, ces contacts, on s'envole!...

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Jeudi 1er mars 07, Tábor

A nouveau en République tchèque sous un ciel, malheureusement, gris et pluvieux. J’y retrouve Ludmila avec une grippe carabinée, bouillante de fièvre. Pas d’bol pour des amants intermittents ! Enfin, on est ensemble et c’est déjà pas mal.

Je suis venu avec Amélie (l’inspiratrice de « J’ai pas envie ») et Olivier, son petit ami. Eux aussi n’ont pas de chance, la bohème sud est si belle sous le soleil ! Mais bon, il y a tant de petits bars restaurants si sympathiques où on mange des spécialités tchèques pour le prix d’un repas au resto U !  C’est pas si mal en fait !

La semaine dernière j’ai été conquis par un nouveau média, nouveau pour moi en tout cas, qui s’appelle « MySpace ». Passionnant ! Par un jeu de réseau fondé sur un principe d’invitation à être amis, vous vous trouvez soudain en contact avec des gens, souvent amateurs de musique, habitant aux quatre coins du monde ! Du coup un nouveau public se sent tout à coup concerné, et notamment le public jeune que l'on n'avait pas réussi à toucher  par le biais des affiches. Maintenant je reçois des commentaires du genre « La première chanson (« Le photographe ne l’appelle plus ») est tout simplement géniale ! » Jamais personne, avant, n’avait sorti de semblables adjectifs ! Ca fait plaisir, non ?

La grippe de Ludmila va nous priver d’un de ses concerts à l’occasion de la commémoration des victimes juives de l’holocauste de la région de Tábor. Cette commémoration a lieu tous les ans, pendant laquelle les membres de l’association Hadasa lisent les noms de 100 victimes, noms qui seront ensuite écrits sur une pierre et ajoutés au monument commémoratif que l’on a installé dans l’ancien cimetière juif transformé, par les communistes, en jardin public. Au final le monument contiendra 1400 petites pierres représentant le même nombre de victimes, à Tábor, de l’holocauste. Il faut savoir que seulement 4 personnes ont été épargnées…

Ludmila, qui fait partie de l’association Hadasa, devait chanter quelques chansons Yiddish, tirées du CD « Yiddish songs » qu'elle a enregistré avec sa sœur, ainsi que quelques autres, dont la magnifique Kadish, de la suite des mélodies hébraïques écrites par Ravel.

Évidemment cette grippe me terrorise, le concert à Besançon est dans une semaine, juste le temps pour qu’une bonne grippe fasse son incubation. Si je chope cette grippe, le concert sera annulé. Tant de travail préliminaire pour tout jeter aux orties ! J’en tremble.

Mis à part ces petits incidents de la loi de la nature, le moral est bon et, pour environ un an, je vais être épargné des galères financières passées. Je viens d’acquérir mon statut d’intermittent, - autant dire que je viens de gagner environ un an de paix matérielle. C’est formidable. Avec un groupe super sympa qui commence à vraiment marquer son public et la réalisation de quelques films très intéressants, la vie créative se porte bien et je suis heureux, dans ces pages, d’apporter un peu d’optimisme. Profitons-en pendant que c’est le moment, on ne sait pas de quoi sera fait après demain ! Profiter, cela veut dire quoi ? Rien de spécial. Seulement être joyeux de vivre. Le bonheur simple, accessible, humble d’un homme libre : tel est le vrai plaisir de l’hédoniste.

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Jeudi 8 mars 2007

On a fait une répétition avec Paulo et Olivier.

Paulo a bien apprécié la bouteille de Becherovka que j'ai ramené de Tabor ! Ca fait quand même 38 degrés...

Mais bon, c'était bien.

Paulo m'a dit aussi qu'il fallait que j'arrête de jouer dans les bars. Que ma musique méritait mieux et qu'il en avait raz le bol de jouer dans des lieux pareils. 

Dans le fond, je suis bien d'accord avec lui. Mais c'est pas si simple...

Demain on joue dans une petite salle de concerts. Bon, c'est pas un bar. En plus on enregistre et on filme tout. 

Avoir enfin une démo, quelque chose d'actuel à montrer et faire entendre !

J'ai le trac. Il faut que ce soit bien....

A Tabor, Olivier et Amélie ont filmé des scènes d'interview où j'explique le groupe, les thèmes des chansons, et deux trois idées comme ça. Ils ont filmé ça dans les rues. C'était amusant. En voyant le film j'ai trouvé que j'étais un peu trop sérieux. Mais quand même, pas toujours.

C'est pourquoi quand j'ai filmé Ludmila j'ai essayé de la faire rire. Elle l'a fait. Parler en Français l'étonne et l'amuse.

Ces bouts filmés feront partie d'un film de promotion que j'ai en tête. Ca s'appelle un MPK. 

En rentrant en France avec Olivier et Amélie, on est tombé en panne. Un dépanneur est venu chercher la voiture et nous a conduit à son garage. Là il s'est occupé du moteur et il a conclu : "moteur kaput !" 

L'assurance a bien voulu qu'il nous ramène en France avec la voiture sur une remorque. On est parti de Tabor à 21 h 30 et on est arrivé à 20 h le lendemain à Besançon.

C'est comme ça les voyages, des fois on a des petits ennuis...

Mais, à Ansbach, où le garage était, entre Nuremberg et Heilbron, nous avons découvert quelque chose de formidable. Dans le petit restaurant où nous avons mangé à midi. Un resto paumé dans la zone d'une petite ville allemande. Entre la salle du resto et les toilettes il y avait une salle. Dans la salle il y avait une pelle à neige et une grande repro d'un dessin ou d'une gravure. La grande repro représentait une ville. Il me semblait connaître la ville. Je me suis approché et j'ai découvert que la ville c'était Besançon et qu'on voyait ma maison !

Le garçon, qui semblait le fils de la patronne, ne savait même pas de quel pays était cette ville. Du coup on a rit ensemble et on a déduit que, même dans les pires galères, y'a toujours un truc marrant pour trouver la vie belle et curieuse !

Allez, à tout à l'heure...

Vous n'oubliez pas le concert j'espère !

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Lundi 26 mars, 00 H 30, heure d'été

Depuis la page qui précède,  il y a eu trois concerts. Le dernier c'était avant hier au Snabeudzi, Les Fours (proche frontières Suisse). Et c'était très bien. Comme Karel ne pouvait pas venir de Tchéquie pour un seul concert, et que je n'ai pas voulu annuler le concert, j'ai demandé à Emmanuel Tregouët (P'tit Man) de le remplacer. Il en est sorti des choses extra et des choses moins bonnes. Depuis quelques années Manu est à fond dans le jazz Manouche, et il a acquis ce phrasé particulier qui ne va pas trop bien avec le style de mes chansons. Mais en quelques concerts il retrouverait sa sensibilité d'antan (Manu est le musicien qui a couvert toute la période du groupe PHILéPOTES) ! Maintenant c'est vrai qu'en comparaison, après trois ans, Karel est tellement entré dans l'esprit de chaque chanson, que chacun de ses solos est une merveille ! Vous pourrez le vérifier dans "Plus qu'à" dont on voit la vidéo, enregistrée aux Passagers du Zinc le 8 mars, sur MySpace

En revanche, quand Manu se met à mettre des effets d'ambiance, dans des morceaux comme "frontières", Les Sentimentes", ou "Libellule", alors cela devient magique. Peut-être qu'un jour on aura les moyens de les faire jouer tous les deux, alors, je vous garantis que ça va tuer !

Après l'agonie de ma voiture en rentrant de Tchéquie, il m'a fallu en racheter une, faire réparer l'ancienne me serait revenu trop cher. Et puis, à cause d'un retard d'Assedic j'avais de quoi payer un bon acompte. C'est Hervé Demet (qui a joué dans mon spectacle de Marionnettes "Julien en Chemin"), qui m'a vendu sa ZX break. Comme Hervé est très consciencieux, soigneux et ordonné, sa voiture, malgré ses  onze ans, a encore belle allure. Bref, j'ai eu de la chance que cette panne définitive soit arrivée à un bon moment. Et puis cela me plait bien d'avoir acheté cette voiture à un ancien artiste collaborateur. C'est mieux la vie des objets quand on peut mettre un peu d'affectif dedans. Une voiture, c'est si peu intéressant !

La vie va donc son cours. J'ai commencé le montage du film "Migrants et Immigrés" et je vais essayer de le terminer cette semaine.

Depuis mi décembre j'ai recouvré mes droits d'Intermittent du spectacle. C'est-à-dire que les galères d'argent sont tenues à l'écart pour l'instant. C'est incroyable comme la vie se met à devenir pratique. Je peux payer mon loyer, faire les courses de temps en temps à l'Uniprix sans me poser de questions culpabilisantes...

Et puis je trouve aussi que les gens sont gentils avec moi. C'est étrange. Des fois on sent des inimitiés qui fusent comme des flèches, et d'autre fois on a l'impression qu'elles disparaissent. Les gens sont curieux. Peut-être qu'ils sont un bon baromètre de notre état d'esprit... 

Ce matin j'ai eu une discussion d'opinion avec un ami. Il distribuait des tracs contre l'Union Européenne. J'ai dit "quoi ? vous militez contre l'Union Européenne ! Alors je ne prends pas ton trac !" Moi je suis pour l'Union Européenne. Je le revendique. Je suis certain qu'il n'y a pas d'autre alternative pour la France et les autres pays d'Europe aujourd'hui. Il faut aller dans d'autres pays pour se rendre compte de cela. Je vois la République Tchèque depuis cinq ans. Quelle vitesse de progression ! Quelle beauté que cette activité joyeuse, ces rénovations, la restauration de tout le patrimoine usé par les années soviétiques, la remise en état de tout le circuit routier ! 

"Il faut nationaliser l'industrie" me dit mon ami. Je lui dis : " Tu n'as pas encore compris que ça ne marche jamais quand on nationalise l'industrie ! La ruine du système soviétique n'en est-elle pas la preuve criante? Je suis pour que l'état puisse soutenir des entreprises en difficulté, pas pour la nationalisation.

J'aime l'Europe. J'aime passer ces frontières sans qu'on me regarde comme un intrus. J'aime l'Euro, même si certains ont profité du passage pour monter les prix. Oui, j'aime cette Europe de paix, et je n'ai pas peur du large commerce qu'il ouvre. C'est justement l'Europe qui peut nous protéger des dangers de la mondialisation. Et qui peut aussi nous permettre de nous affranchir des Etats-Unis. L'Europe est un espace de négociations. J'aime cela aussi. Que les représentants de différents pays se mettent autour d'une table pour négocier, cela me plait. Mais en revanche, tant qu'on n'aura pas de réelle Europe politique, on se plaindra de la lourdeur administrative de l'Union. Les fonctionnaires se protègent infiniment quand ils n'ont pas de responsables précis qui leur donnent des instructions. En se protégeant le fonctionnaire devient procédurier. En même temps, il y a tellement de risques d'abus du système qu'il faut quand même qu'il soit un peu pointilleux.

Alors quoi ? Alors l'Union Européenne est la seule façon de maintenir le continent en paix. Ce qui s'est passé en Yougoslavie peut arriver dans beaucoup de pays du continent, et un jour il faudra peut-être tenir tête au voisin Russe qui poursuit son rêve impérialiste tout en maintenant sa dangereuse anarchie où le pire des maffieux est considéré comme un simple business man...

Donc je suis pour que l'Union Européenne continue d'évoluer, qu'elle se constitue en pouvoir politique et exécutif, qu'elle puisse avoir une armée ou des armées en mesure de fonctionner d'une façon cohérente.

Je le dis à mes amis "alter mondialistes", à mes amis anarchistes, et s'il venait que je vienne à discuter avec des gens de droite, je leur dirais que, si la plupart des pays qui constituent l'Europe ont des systèmes sociaux assez performants (même les anciens pays de l'Est ont ou avaient des systèmes de protection sociale), cela signifie bien que, si l'Europe veut avoir une identité, c'est bien dans son aspect social qu'elle doit se distinguer. Alors ce n'est pas le moment de tout brader (la Sécu, l'école, le système social, les universités, la recherche, l'agriculture, la culture) au moment même où l'Europe se constitue !

Après les prochaines élections, ce qui avait été la constitution Européenne va passer comme un décret. Ce qui fait qu'on va tout appliquer, voire même, pourquoi pas ?, rajouter quelques points bien salés qui n'étaient pas dans la constitution ? Pourquoi pas supprimer en douce l'exception de la culture ou de l'agriculture dans les règles de la libre concurrence ? Alors, dans ce cas, ce "non" aura servi à rien, sinon peut-être à donner un nom, ou plutôt un point de départ à une nouvelle unité revendicative. A part ce "non", je me considère absolument comme alter mondialiste, je hais le grand capitalisme conquérant, ces nouveaux seigneurs qui rêvent de revenir au féodalisme. Mais toute économie n'appartient pas au grand capital et le marché européen n'appartient pas qu'aux pontes précédemment nommés. 

C'est pourquoi j'espère que le mouvement alter mondialiste ne sera pas un nouveau parti de peureux, de ceux qui craignent les évolutions, qui cachent leurs peurs de l'inconnu derrière des arguments d'église et préfèrent nier en bloc qu'analyser et chercher des voies inédites dans les révolutions engagées (car l'Europe est une révolution).

Il est vrai que nos gouvernements de droite ont beaucoup pensé à l'Europe économique. Mais c'est à nous, maintenant, acteurs artistiques et culturels, de leur faire comprendre qu'il est important, pour la poursuite du projet européen, de développer avec conviction et énergie, l'Europe culturelle et sociale. Alors, il n'est peut-être pas de meilleur des mondes, mais on pourrait s'en approcher. 


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Lundi 9 avril 2007, Besançon

Mon pauvre journal est un peu à l’abandon. Du fait du phénomène myspace qui m’absorbe et me passionne en même temps. La tête aussi dans des projets qui voient leur fin peu à peu, un film institutionnel sur des ateliers pour personnes du troisième âge, et puis mon film « Migrants et immigrés du Continent » qui s’achemine vers sa fin. Seule différence par rapport au projet initial, au lieu de faire 26mn il en fera 45 ! La différence n’est pas maigre. Mais le résultat en vaut la chandelle. Les différences des points de vue entre chaque personne immigrée, entre les raisons de leur départ, leurs conditions d’arrivée, leur situation actuelle, l’éventail est large et très intéressant. Le film contredit les arguments de nos chauvins compatriotes qui pourraient se résumer dans la phrase : « on ne peut pas accueillir toute la misère du monde ».

Nous sommes convaincus, Odile Chopard, du CCAS, qui a suivi le projet de près, et moi, que ces migrants d’aujourd’hui seront la richesse de la France de demain. En interviewant des enfants et petits enfants d’immigrés, ou même des immigrés installés en France depuis une vingtaine d’années, nous avons donné quelques exemples de la plus-value que notre pays a tiré de l’aide qu’il leur avait d’abord apportée. Le meilleur exemple en est Bernard Kudlak, directeur artistique et auteur du cirque Plume, qui est le petit fils de deux immigrés polonais. Bernard est d’une remarquable pertinence et, en m’ayant autorisé à diffuser des extraits de leurs spectacles, ils m’ont permis de montrer en quoi cette descendance a influencé les contenus même de ce cirque dont la nouveauté a complètement rafraîchi l’image que le public avait du cirque.

Le film a trouvé sa forme et son rythme. Il reste maintenant les finitions, les coutures du montage.

En cette veille d’élections ce film prend tout son sens. Mais, hélas, le public n’aura pas le temps de le visionner avant ces deux jours de vote. Dommage.

Dommage car Monsieur Sarkozy manœuvre finement et dangereusement. Cet homme risque bien, s’il vient au pouvoir, de briser ce qui fait la belle spécificité de notre pays et en gâcher l’identité. En étant partisan du modèle économique américain il risque bien de détruire ce que  nous avons lutté, et de Gaulle en premier, suivi par Mittérand (avec notamment ses positions dans les accord du GATT), pour défendre.

Si l’on suit le modèle américain, il n’y a plus d’exception culturelle, il n’y a plus de statut d’intermittent. Et il n’y a plus de France sociale. Et la France comme terre d’accueil, - ce qui en a fait un des pays les plus cosmopolites, c’est cuit aussi.

C’est bien dommage. Et nous autres petits artistes qui tiennent à un fil, je n’ose pas imaginer ce que va être notre avenir. Sans l’espérance du statut d’intermittent mon activité devient tout à fait impraticable, c’est clair.

Alors votez pour lui Français irresponsables, qui n’avez  pas encore compris que le vrai pire, vous êtes en train de le choisir…

Il faut voyager un peu, aller errer dans les pays voisins, écouter, voir, s’imprégner, interroger les gens. Et vous allez comprendre ce qu’un demi siècle d’exception culturelle, de conquête sociale, de résistance à la libéralisation des services publics, d’accueil et de vie commune avec les immigrés, - vous allez comprendre ce que cela nous a apporté. Les Français ne voient pas ce qu’ils ont, ne savent pas ce qu’ils sont, et sont les derniers capables d’apprécier ce qu’ils ont fait. C’est triste en fait qu’ils soient si aveugles. A propos d’eux-mêmes. Je me souviens, il y a longtemps pourtant, de l’ambiance qu’il régnait chez les jeunes romains au temps où j’étais étudiant. Les télévisions s’étaient libéralisées à merci, les radios aussi et Fellini n’arrivait pas à financer son dernier film. Les Italiens étaient si cultivés, leur art tellement élaboré, leur cinéma un des premiers du monde. Eh bien, c’était il y a vingt ans, l’Italie était rongée par son libéralisme qui bradait tout ce qui avait fait sa grandeur et transformait sa jeunesse en pitoyables clones de consommateurs américains. Côté service public, je me souviens d’être allé accompagner une amie dans sa fac où elle allait à un oral de partiel. Dans l’amphithéâtre c’était un bordel sans nom, plusieurs oraux avaient lieu en même temps tandis qu’en haut de l’amphi ceux qui attendaient parlaient à pleine voix. J’étais consterné, me disant que je ne pourrais jamais me concentrer dans ces conditions. Jamais, en France, on ne pouvait imaginer une chose pareille à l’époque. Il y avait une salle de classe par prof pendant les épreuves et il y régnait un silence presque total. Et puis notre système de santé, regardez bien nos hôpitaux, voyez ce que vous payez lorsque vous en sortez et allez interroger nos voisins ! J’ai visité un hôpital russe, un hôpital tchèque, j’ai vu dans le film qui a suivi « Le déclin de l’Empire Américain » à quoi pouvait ressembler les hôpitaux canadiens. Et j’ai parlé avec beaucoup d’artistes étrangers. Non, je n’ai pas envie de vivre dans la France de Sarkozy, dans une France dévorée par l’ultra capitalisme et la loi absolue de la libre concurrence. Si un pays ne protège pas sa culture, c’est-à-dire son identité, il se vide de substance, et allons z’y les déboussolés, et allons z’y l’esclavage mental, et bonjour les conditions de travail dans les entreprises ! Vous qui déprimez déjà, sachez que bientôt il faudra doubler la dose de vos cachets !

Après, force est de constater que la gauche manque tristement d’idées. Mais pour cause ! D’où vient donc l’insatisfaction des Français ? De l’économie ! Comment réagir, quand on est socialiste, à cette concurrence internationale venant de pays où les lois sociales n’existent pas ? C’est bien un casse tête chinois que ce problème ! Oui, que faire ? - et donc que dire à ses électeurs pour les stimuler à voter pour !

Bref, si José Beauvais était un meilleur économiste, ce serait sans doute lui le meilleur candidat. Mais le problème, c’est que je ne suis pas vraiment sûr que son équipe ait de bonnes solutions pour l’économie…

Donc Sarkozy nous donne toujours de bonnes raisons pour voter quelqu’un d’autre, mais pas beaucoup de candidats ne nous donnent de bonnes raisons de voter pour eux…


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Mardi 10 avril 2007, Besançon, dernière nuit avant départ

Eh oui ! Demain encore et toujours passionnément, départ en République tchèque ! Ca va être chouette ! 

En attendant je suis pour la deuxième nuit au foyer AGE et j'irais bien me coucher. Car tout enthousiaste que je suis à chaque fois, la route est longue et la fatigue ennemie !

Je pense partir à 2 heures. Je dis cela car il y a beaucoup de voyageurs qui partent tôt le matin pour aller loin. Moi je pars tard, après dîner, ça change un peu. Arriver à la frontière tchèque vers les 21 heures, m'arrêter prendre un goulash avec des knedlike et une bonne bière de Bohème, puis quitter l'autoroute et sentir l'odeur de la fumée de charbon sur les petites routes de campagne ! Des habitudes de bonheur, et le corps enfin de Ludmila dans mes bras... Mais oui quoi ? Après un mois de SMS et d'appels téléphoniques quotidiens, qu'est-ce qu'il manque le plus sinon de sentir la réalité chaude et douce d'un corps de femme ?

J'arrive à ne plus comprendre les tabous qui traînent encore à propos du corps... Qu'est-ce qu'on a pu lui reprocher à ce tendre compagnon des hommes et des femmes ? Celui qui donne le naturel plaisir à vivre, la base même de notre être ? Sans lui comment parler de la beauté, de la joie de vivre, de la nature, du respect de la vie ? Pourquoi lui a-t-on acculé tant de reproches, de méfiance, de tabous ?

Pourquoi s'est-on tant acharné à combattre ce plaisir naturel à caresser l'autre et à en recevoir les caresses ? 

Je ne sais plus, j'ai oublié pourquoi, je ne comprends pas...

A quand ajoute-t-on aux droits de l'homme celui de vivre en paix, de vivre heureux. Le droit de vivre heureux pour chaque homme, le devoir d'y veiller. Ce serait le plus beau droit à donner, et honneur à celui ou celle qui accorderait au plus grand nombre la paix et le bonheur de vivre ! Ce serait une jolie consécration du pouvoir ! Tu es puissant ? Alors c'est à toi d'offrir le plus de bonheur d'exister au plus grand nombre ! Tu gardes tout pour toi ? Alors tu es banni et que la honte pèse sur toi !

Et alors dominants et dominés vivraient en harmonie....

Bon, je rêve éveillé, c'est le sommeil qui m'engourdit l'esprit. Mais plus grosse est la voiture, ou la marque quelconque de richesse de celui qui passe, et plus j'ai honte pour lui....

Franchement, il n'y a pas de quoi être fier de voler une part de bonheur à quelqu'un d'autre...


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Samedi 14 avril 07, Tabor (CZ)

Mon petit séjour en République Tchèque va sa fin. Après demain le retour, déjà...

Il a fait cette semaine un joli temps de printemps, le thermomètre de Ludmila affichait 20° à l'ombre, l'air était doux et les façades colorées des jolies places de Bohème chantaient joyeusement...

Cette semaine c'était ici les journées culturelles françaises. Sur la porte de l'hôtel Nautilus on y voyait deux affiches annonçant le programme. Nous étions invités à venir jouer ici par la ville de Tabor, nous aurions pu jouer à Ceske Budejovice si quelque institution française avait bien voulu participer. Car les financeurs de l'alliance française de Budejovice avaient émis pour condition de notre accueil qu'une institution française soit partenaire. Le Conseil Régional de Franche-comté, à qui nous nous étions adressés, a refusé....

Il y a des gens ici qui sont demandeurs de productions françaises et nos collectivités se désengagent. Après ils s'étonnent que l'Europe devienne impopulaire ! 

A notre place a joué un groupe composé de cinq musiciens allemands et d'un chanteur qui a passé son enfance à Lille et qui vit maintenant à Francfort. Preuve que les services publics allemands ont su mettre la main au porte monnaie. C'est tout à leur honneur. Mais la Franche-Comté n'a vraiment pas de quoi être fière...

Passons...

J'ai terminé cette semaine mon film "Migrants et Immigrés du Continent", il reste quelques petits plan d'inserts à filmer, mais presque rien. Le film a maintenant sa forme quasi finale... Ah ! j'ai oublié le générique ! On verra ça demain matin.

Je suis content de ce nouveau film, il y a dedans des passages très émouvants, et c'est une très belle leçon pour les sempiternels retors à l'immigration.

Chaque personne interviewée a son histoire, sa spécificité. La plus bouleversante est peut-être Ana, épouse d'Elvis, deux primo arrivants de Bosnie. On ne le dit pas dans le film (bien qu'elle commence par le dire juste avant de se ressaisir, laissant sa phrase en suspens) mais Ana a été violée pendant la guerre, quand elle avait 14 ans. Elle a été violée en même temps que sa mère, dans la même pièce. Ana est Serbe orthodoxe et Elvis est musulman. En Bosnie, maintenant, c'est impossible pour eux de vivre. Les familles se déchirent, la guerre reste comme une plaie qui ne se referme pas. Elvis et Ana sont venus en France, ils ont dû, après le refus de leur statut de réfugiés pour raison principale que la Bosnie est considérée comme pays sûr, retourner en Bosnie. Puis ils sont repartis, vers la Belgique cette fois, la Belgique qui les a renvoyés en France car on ne peut faire de demande de réfugié qu'en un seul pays d'Europe.

La deuxième fois, en France, ils sont arrivés à Besançon. Trois jours ils ont dû dormir dehors, sur un banc dans un parc avant de rejoindre de la famille qu'ils avaient là. Et puis les fameux cousins leur ont demandé de partir. Ana faisait des cauchemars toutes les nuits, se réveillait en hurlant et cela effrayait les enfants....

Enfin, par le CDDLE, une association militante qui m'a beaucoup aidé dans la réalisation de mon film, ils ont réussi à se faire prêter un appartement. Je viens d'apprendre qu'Ana vient d'avoir un titre de séjour accordé par la DASS pour raison de santé. C'était vraiment la moindre des choses. Ana et Elvis....

Nous allons regarder maintenant le film avec Ludmila. Elle m'appelle. Désolé mais c'était prévu comme cela.... Votre tour viendra ! Dans quelque temps le film sera en ligne. On vous en informera ! 


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Vendredi 29 avril 2007

Oh, quel impétueux printemps ! Temps idéal pour s'installer dans un bien-être serein, temps idéal pour écouter, une fenêtre ouverte (il est 00 h 30) une petite chanson qu'un ami vient de vous mixer avec beaucoup de talent....

Ce sont des périodes où aboutissent des travaux et c'est un peu comme des enfants qui naissent : vous savez que les enfants du signe du taureau sont adorables !

Donc, en ce printemps radieux, à l'abri des rixes électorales, je me permets de m'écouter notre "Dobru Noc" mixé par les soins de Philippe Avocat (assistant de Manu Tchao sur deux albums) et qu'il vient de m'envoyer par Internet puisque, comme vous ne le savez peut-être pas, Philippe habite boulevard Mesnilsmontant, un charmant boulevard de notre capitale.

C'est d'ailleurs là que, il y a une quinzaine d'années, j'allais faire la manche avec ma guitare les vendredi et samedi soir, dans cette rue et dans d'autres comme la rue Saint Maur, ou la rue 'Oberkampf qui n'était pas encore, à l'époque, la rue à la mode d'aujourd'hui...

"Dobru Noc", cela veut dire "bonne nuit" en Slovaque. J'y parle de cette sorte d'effroi qui nous frappe les veille de départ. J'y parle aussi de la République tchèque et de ce que m'ont toujours évoqué ces voyages en direction des pays de l'Est...

Je suis heureux d'avoir enfin une version enregistrée de ce morceau que nous cherchons, avec le groupe, depuis je crois deux ans. Et il semble qu'enfin, la chanson se soit trouvée, et vraiment, je l'adore.

Pour les heureux navigateurs de Myspace, la chanson sera bientôt visible et audible. Encore un peu de patience.

Côté film, j'ai intégré à "Migrants et Immigrés du Continent" l'avant dernier petit plan avant de dire adieu à ce nouveau bébé puisque, une fois terminée, une oeuvre, quelle qu'elle soit, ne vous appartient plus.

J'ai fait découvrir le film à quelques amis et leur réaction était bien encourageante. Je crois que j'ai réussi à poser un regard neuf sur le thème de l'immigration, une immigration non maghrébine comme on voudrait nous faire penser qu'elle est la seule, une immigration qui pose d'autres questions, une question qui nous concerne directement puisque maintenant, quand on parle de l'Europe, on a un peu l'impression de parler de nous-même....

A la fin du film, j'ai fait une dédicace à "Nedo et Sanela", ces inconnus dont l'histoire m'a d'abord inspiré la chanson qui porte leur nom, et qui, ensuite, ont orienté mon attention vers les événements des anciens pays de l'Est pour en arriver à l'idée de ce film.

Ceux qui m'ont traité de touche à tout pourront vérifier dans ce film que touche à tout nenni puisqu'il y a dans les créations de ces dernières années une suite thématique incontestable, et que, si l'on réfléchit bien, entre un film où il y a des mots, des musiques, des rythmes et des images, et une chanson où il y a des mots, des musiques, des rythmes et des images, franchement, il n'y a pas si loin, - disons qu'on reste dans la même pâte. Simplement on n'a pas inventé de nom  pour les boulangers qui pétrissent cette pâte là...

C'est bien qu'une histoire de vocabulaire, c'est tout.

Finalement, c'est un peu comme ces peintres qui étaient aussi sculpteurs. Il y en a des tas ! Passer d'un texte, à une musique puis à un film, c'est faire la même chose avec seulement, à chaque fois, une dimension supplémentaire. Dans le film "migrants et Immigrés" il y a presque toute la chanson "Nedo et Sanela". Dans la chanson "Nedo et Sanela" il y a un texte qui raconte la migration d'un jeune couple du Kosovo vers la France. Dans le film il y a huit personnes ou familles, primo arrivants ou descendants d'immigrés, qui racontent comment ils ou leur famille sont arrivés, un jour, en France, et pourquoi. Et ces trois niveaux d'expression parlent de la France et de ses rapports avec notre continent Européen.

Car derrière cette Europe économique de nos dirigeants, il y a bien une autre Europe qui se construit, une Europe intérieure, une Europe identitaire. Cette Europe là, bien sûr, nos dirigeants ne s'en occupent pas comme ils devraient, mais l'idée est là, et elle germe et croît dans le cerveau de ceux qui sont là pour ça, pour faire germer les idées.

On peut peut-être pester que nos dirigeants ne s'occupent pas assez de cet aspect, et nous aident guère, ou pas assez, à nous en occuper. Comme par exemple cette commission Région-AFAA-DRAC qui me refusent une aide de 2500 € pour réaliser une tournée en République tchèque alors que cette aide, vu le travail que nous menons, cette équipe de musiciens français et tchèque et moi-même, dans la constitution d'une musique aux préoccupations européennes véritables, mais enfin, il faut aussi cesser de ses plaindre comme des enfants gâtés. Même s'ils nous aident insuffisamment, il reste que ce travail de constitution d'un esprit, d'une esthétique européenne, nous impartit. Car nous sommes artistes et ce boulot, c'est le nôtre.

Alors au boulot. Qu'ils en veuillent ou non de nos préoccupations européennes, nous les poursuivrons quand même, et un groupe d'artiste plus un autre, et un autre encore, - à la fin nous arriverons à faire bouger les choses, car les choses de ce genre, quand elles se mettent en route, rien ne peut les arrêter.

C'est notre façon d'être des artistes, et pour d'autres, des intellectuels (écrivains, philosophes, journalistes) responsables !

 


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Vendredi 4 mai 2007

C'est sympa le 4 mai. C'est l'anniversaire de Théo et c'est le jour où Ludmila va arriver en France. Des joies simples, d'êtres qui s'aiment.

Mais en fait aujourd'hui c'est quand même encore un peu le 3 mai puisque je ne suis pas encore allé me coucher. Passer minuit ne veut pas dire grand chose dans notre perception des jours qui vont et qui viennent. En revanche, une nuit de sommeil c'est un jour qui meurt... C'est pour ça sans doute que j'ai tant de mal à aller me coucher...

Donc, en ce vrai aujourd'hui je suis allé apporter "La pêcheresse d'Utopie" à la Saline Royale d'Arc-et-Senans pour une nouvelle exposition collective en relation avec Claude Nicolas Ledoux. Et puis, comme je n'étais pas loin du village de Port Lesney où j'avais contact avec un bar Restaurant qui parlait de nous programmer, j'ai fait un petit détour au retour. 

J'ai donc emprunté une petite route de campagne qui suivait, si j'ai bien compris, le trajet de l'aqueduc d'eau salée que Ledoux avait fait construire entre Salins les Bains et La Saline d'Arc et Senans. L'eau salée venait dans des canalisations en fûts de bois percé. Et, pour revenir à cette petite route, je ne saurais trop la conseiller, c'est absolument magnifique, une nature tellement encaissée et accueillante avec de nombreux acacias qui embaument l'air de leur fleurs blanches. Et puis, ensuite, le lit de la Loue, et des petites pâtures bordées de bois, de la rivière et parfois plantées d'un chalet en construction écologique à n'en pas douter...

Bon ! J'arrive à Port Lesney. Déjà j'aime bien ce nom de village. Ca pourrait être le nom d'un port, sur une île... Pour finir par m'arrêter devant l'Edgar Café. Une terrasse, grande, couverte d'une tonnelle, des chaises confortables, en face une haie, des arbres, une petite rue, des vieilles maisons et l'intérieur des bar et restaurant avec une décoration qui sent les jeunes patrons au courant de... enfin, dans le vent  ! Branchés quoi !

On a parlé d'une date au mois d'octobre et j'ai eu envie de goûter leur assiette du pays. Sur la terrasse, dès 18 h 30 quand je suis arrivé, il y avait deux hommes du nord, je veux dire des étrangers, avec des barbes blanches et des accents flamands, qui dévoraient des assiettes de charcuteries locales et des fromages coulants en buvant du vin du Jura. Je n'ai pas pu m'empêcher de me mettre à leur place et je me suis soudain senti heureux, comme eux, comme un pape en campagne !

En revenant je suis passé boire un café au Carpe Diem. Le bar était fermé, les chaises sur les tables, mais il y avait Ali au bar qui discutait avec Patrick, un habitué et ami. Je suis entré pour leur dire bonjour. Ali, en fait, avait décidé de fermer ce soir. Il n'avait pas envie de travailler. Quelques passants ont demandé qu'on leur ouvre mais, comme Ali ne les connaissait pas, il n'est pas allé ouvrir.

Après un petit temps Paulo, mon Paulo (le batteur du groupe) s'est planté devant la vitre. "Rentre par le couloir !" a dit Ali. Ben oui, qui connaît bien le lieu sait comment entrer quand c'est  fermé ! Normal !

Mon Paulo n'avait pas la frite. Il me dit "je ne me sens pas créatif en ce moment, mais vraiment pas du tout" Ce sont les moments de doute des artistes. C'est comme ça. Alors je l'ai rassuré un peu, réconforté, et puis, la conversation avec les copains faisant, ça allait de mieux en mieux pour tout le monde.

Ali a toujours plein de projets. C'est ce qui me plait avec Ali. C'est un type qui n'aime pas s'installer dans la routine. Alors il rêve de projets. Il en réalise quelques uns, il en oublie beaucoup. C'est normal. Mais on aime bien quand Ali nous parle de ses projets. Il y croit au moment où il nous le dit et nous, on y croit aussi, sans penser, d'ailleurs, que ces projets puissent se réaliser dans le futur - A quoi bon ? Nous sommes au Carpe Diem ici, ce n'est pas pour rien ! Alors, les projets, les rêves, c'est pour ici et maintenant ! Qu'est-ce que le futur aurait à voir là-dedans !

Ce soir, le projet d'Ali, c'était d'ouvrir un café théâtre. Voilà, vous savez tout.

Et puis il y a Hervé aussi qui est arrivé. Hervé, c'est lui qui m'a vendu sa voiture, c'est le Mime Hervé, le mime qui a toujours des bons mots pour rire. Il nous a dit en arrivant : "Moi, maintenant, après le débat d'hier soir, je sais pour qui voter : je vais voter pour PPDA ! Vous avez vu comme il était sympa pendant le débat des candidats aux élections ! Calme, parlant peu, - on comprenait tout ce qu'il disait !"

Ensuite il y a eu une fille qui est entrée par le couloir. C'est une habituée qui a beaucoup de mérite. Rendez-vous compte : une femme jeune et pas vilaine qui vient toute seule dans un bar, c'est déjà courageux. Mais que cette jeune femme soit japonaise, alors là c'est carrément héroïque ! Eh oui, une vraie japonaise du Japon qui doit faire un stage de français au C.L.A. ou quelque chose comme ça. Toute seule au café ! Exceptionnel ! 

Elle s'est donc installée au bar comme les autres, et qu'on l'a bien reçu puisqu'il faut une femme pour qu'une bande de copains ne manque pas de ressors. Et une tournée offerte par l'un, et une tournée offerte par l'autre ! Le Paulo allait vraiment de mieux en mieux. Cette chaleur humaine des comptoirs à guichet fermé, cela a vraiment un goût particulier, une magie en somme, une sur-humanité comme on dit un surgénérateur pour une centrale nucléaire !

Mais bon, fallait pas oublier que Ludmila arrive demain et que mon appartement est crade et qu'il n'est pas question de l'accueillir dans un appart qui n'ait pas l'air (presque) parfait ! Il a fallu que je m'extracte de cette chanson de Jacques Brel, parce que c'est bien ça une chanson de Jacques Brel : des copains, de la bière, du désespoir et quelques éclats (de rire ou d'autre chose) !

Donc je suis sorti d'une chanson de Jacques Brel pour entrer dans une autre chanson, avec une petite amie, un appartement, du ménage à faire.... Bref, une chanson de Bénabar ou d'Aldebert !

Et demain ce sera Brel à nouveau : "Ma Lidunko, puisque te v'la !"

(Mathilde, ça ne se change pas en diminutif, ça ne se décline pas, mais Ludmila, si !)


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Lundi 7 mai 2007, France

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Les Français voulaient du changement, ils ont voté Sarkozy. Ce type très zélé avec des airs de représentant de commerce qui vous assure que son nouveau modèle offrira un usage sans aucune comparaison avec le dernier modèle de la même marque. Car enfin c'est bien ça, on sort de l'UDF pour y entrer à nouveau : c'est bien cela le changement !...

Mais c'est bien fait aussi pour Royal qui, pas une fois, n'a parlé de culture pendant ce que j'ai entendu et lu de sa campagne. Si, une fois : la culture à l'école a-t-elle souhaité. Oui, à l'école. Et ailleurs ?

L'homme des arts et des lettres de la campagne présidentielle, cela a été Bayrou. Lui attaquait le sujet de plein fouet. Et je considère ces détails comme importants. La culture c'est l'appropriation du savoir intime des autres. Sarkozy, de la culture il s'en fout. Il a une approche stratégique de la réalité. Son programme en est la preuve. Un programme au raz des pâquerettes mais très sensible aux causes qui marquent des points. Sa seule ambition c'est le pouvoir, la place même qu'il occupe. Comme nous sommes en démocratie libérale, il fera une politique de démocratie libérale. Rien de plus, rien de moins. Mais, pour ce qui est de la culture qui définit, quand même, notre identité nationale,  il va laisser les grands groupes s'en occuper, il va laisser l'argent commander. Il va laisser la crétinerie s'installer parce que l'argent aime la culture de masse qui aime à son tour les plus grands dénominateurs communs. Or, le plus grand dénominateur commun c'est la crétinerie. Et, de son point de vue, il a raison Sarkozy de vouloir cette culture là : car c'est la crétinerie et les grands intérêts qui ont voté pour lui. Développer la crétinerie des cultures de masse c'est, pour lui, récolter de nouvelles voies pour demain...

Et c'est de cela qu'une certaine France a eu peur. Et c'est cela qui arrivera. Et cette France a eu raison de se méfier. Maintenant, on ne va pas paranoïer non plus. Nous ne sommes pas dans une situation semblable à celle de l'Allemagne d'entre deux guerres... Car c'est l'Allemagne d'entre les deux guerres qui a fait le nazisme, ce n'est pas Hitler.

Ce matin j'ai reçu un e-mail d'un style nouveau. Ce sont deux jeunes gens, écrivains du reste, qui avaient trouvé l'adresse de mon journal parce qu'ils recherchaient des informations sur Tabor. En fait ils doivent travailler comme enseignants au lycée bilingue de Tabor. Dans certaines classes, tous les cours non littéraires sont enseignés en Français. Ils s'adressaient à moi (et avaient consulté le journal auparavant) pour avoir quelques informations et conseils avant de prendre la décision de venir à Tabor ou de refuser la proposition. On ne s'était pas encore adressé à mon journal dans cette optique ! C'est étonnant Internet non ?


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Mercredi 16 mai 2007

Aujourd'hui était le vernissage d'une exposition collective à la Saline d'Arc-et-Senans. Il s'agit d'une version plus réduite de l'exposition de Ledoux présentée l'année dernière au Conseil Général du Doubs. J'y présentais donc "La pècheresse d'Utopie". Cette fois elle est disposée correctement, comme un vrai diptyque (l'une à gauche, l'autre à droite et non au-dessus en-dessous comme en 2006), et avec un bel espace de respiration et une bonne lumière. L'expo a gagné aussi dans son ensemble, moins d'œuvres, plus de respiration et de lisibilité.

Côté musique j'ai achevé hier soir la vidéo de Dobru Noc et l'ai envoyée sur myspace. Samuele me disait qu'il était dommage de diffuser cette version de Dobru Noc qui n'est pas complètement au point. Il a peut-être raison mais je n'ai pas pu m'en empêcher, je l'aime trop ce morceau... Et puis j'ai mis sur la vidéo des images que j'avais faites de Tabor en 2002. Alors, même si c'est pas tout à fait parfait, je trouve qu'il est beau ce morceau, comme ça, pour l'instant...

Côté film, j'ai donné les dernières petites touches de corrections à "Migrants et Immigrés du Continent", après la visite d'Odile Chopard, ma coordinatrice pour le C.C.A.S. En tout cas, après le film, elle était tellement enthousiaste qu'elle m'a fait une bise pour me féliciter. C'était gentil, surtout que j'étais tellement ému à la fin du film que j'en avais les larmes aux yeux. Je suis comme cela, l'émotion que j'ai mise dans ce film, c'est l'émotion que ces gens m'ont inspirée. Alors, en voyant le film, je dois lutter pour ne pas pleurer comme un idiot.

Surtout n'allez pas croire que le film est triste ! Pas du tout ! L'émotion, ce n'est pas de la tristesse. L'émotion c'est une joie, une grosse boule de joie. L'émotion c'est une réaction à la beauté qui surgit du cœur des êtres...


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Jeudi 17 mai 2007

Avant d'écrire ce journal en signes numériques, je l'écrivais sur des cahiers, et j'aimais particulièrement le faire le soir, étendu dans mon lit. A ce moment, l'esprit est plus proche de cet état entre rêve et réalité proche aux errances, aux errements d'un journal intime.

Aujourd'hui, de fait, le journal n'est pas aussi intime. Mais il a gagné peut-être en clarté, en rigueur. Il est au moins relu. Mais j'aimais ce moment où, dans la chaleur des draps, je revenais sur les événements de la journée. Je me souviens une fois, j'étais tellement fatigué que je m'endormais en écrivant, et on voyait les mots devenir informes et pencher sur la droite !

Avec un ordinateur c'est plus difficile d'écrire dans un lit. Bien que ! Avec un portable cela devient possible ! Pas simple mais possible ! La preuve !

Et c'est vrai que j'ai cette joie de voir devant moi la bibliothèque chargée de livres que je ne lis plus... Oui, après en avoir tant lu...

Il m'arrive de lire des choses, parfois longues, sur internet. Mais vraiment, rien ne vaut la lecture d'un livre et ces annotations que je ne manquais jamais de laisser sur mes livres... Nous effaçons maintenant nos traces en terminant notre travail. Les chercheurs n'auront pas grand chose à se mettre sous la dent...

En même temps il y a un nouveau matériau maintenant, et qui, lui, croît dans des dimensions incommensurables ! Ce sont tous ces blogs, de ci, de là, et d'aucuns comme celui que j'écris là, partout, en ligne, et qui représentent une masse d'information énorme ! Est-ce qu'un jour des historiens s'attelleront à ce colossal corpus ?

A quoi aboutiront-ils?.... Je crains qu'ils n'aboutissent à rien, à un vide aux allures obscènes.....

Ce soir je suis allé voir un concert de Titi, et d'autres musiciens qui ont travaillé avec moi par le passé : P'tit Man, Abdel... dans un lieu qui fait parler de lui en ce moment à Besançon, le 6 rue de la Madeleine.

Cet immeuble était auparavant occupé par une école, des bureaux médico-sociaux et quelques associations d'éducation populaire : les Francas entre autres....

La ville a décidé de déloger tout le monde et de découper ce grand immeuble en appartements à louer.

Seulement il paraîtrait que celui qui avait fait don de cet immeuble à la Ville, c'était au XIXème siècle, l'avait fait à condition que cet immeuble accueille des structures d'éducation populaire.

C'est donc à partir de cet argument qu'un certain nombre d'artistes ont décidé d'occuper les locaux et de demander à la Ville que l'immeuble soit consacré à l'enseignement artistique et à l'accueil d'associations culturelles.

Il n'est pas sûr qu'un projet sérieux ait été défini pour l'utilisation du lieu. Mais en tout cas, pour l'instant, il est très agréable d'aller voir un concert que des artistes offrent au lieu, en échange du boire, du manger et d'une agréable convivialité. Les générations se mêlent, j'ai aperçu la fille de mon voisin Francis, que je gardais chez moi quand Francis et Catherine étaient au travail. Elle devait avoir 2 ans à l'époque, - maintenant elle en a 20...

C'était sympathique. 

Voilà, c'était une petite note d'actualité locale avant de vous dire, mes chers visiteurs, bonne nuit (au fait, avez vous vu la vidéo de "Dobru noc" sur myspace ? Si non n'hésitez pas, c'est là www.myspace.com/pbtristan. Pourquoi je dis cela ? Parce que "Dobru noc" cela veut dire "bonne nuit !"


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Mardi 22 juin 2007

Oh ce doux air de printemps ! Les couples s'enlacent dans les rues, les filles exhibent leurs tenues d'été toutes fraîchement acquises, et les terrasses, les bancs, les petits murets au bord du fleuve grouillent de visages, de silhouettes de tous styles et de toutes couleurs !

C'est aussi le temps des projets, de l'avenir, projets incertains mais qui habitent le futur et ensemencent notre allant, notre vitalité en somme.

Et puis c'est encore et toujours des mauvaises nouvelles d'un monde qui ne cesse de s'ensanglanter, où quelques cyniques calculateurs s'amusent, pour mettre en route des profits futurs, à braquer des populations contre des autres, et les plus pauvres et les plus naïfs prennent les armes qu'on leur tend et s'en vont assassiner leurs voisins.... Et du Liban, et de la Palestine, et de l'Afghanistan et de la côte d'Ivoire et de combien de pays d'Afrique...

Est-ce qu'un jour ces boucheries cesseront ? Est-ce qu'un jour on laissera les peuples vivre paisiblement dans un bonheur légitime et équilibré ?

C'est soudain dans le flottement entre ce vent frais et exaltant d'avenir et cette vague d'inquiétude de la condition de nos voisins que j'ai ressenti qu'il était temps, peut-être, de mettre fin à ce cahier, peut-être le plus long que j'ai écrit, en tout cas où les articles ont été les plus nombreux. Changer de cahier me donne l'impression de basculer dans un nouveau monde... C'est idiot car la vie suit son cours propre et ce n'est pas un journal qui va avoir un quelconque effet sur ce fleuve. Pourtant, écrire sur soi c'est mettre en forme l'informe et c'est aussi construire une structure dont on a peur, superstitieusement, qu'elle influence notre vie en retour.

Avant de terminer, une nouvelle terminologie : je vais appeler ce journal "Le Néo-journal (intime) " !

"Néo" signifiant : "nouveau", publier un journal intime (qui de ce fait ne devient plus si "intime") sur le net, ce nouveau mode de communication, c'est inventer un nouveau type de journal intime, d'où la notion de néo-journal

C'est tarabiscoté mais c'est toujours mieux que de donner à ces narrations, à ces réflexions, à ces anamnèses,  le nom d'un portail internet. Car j'espère que vous n'avez pas oublié que "Blog" est le nom du premier portail Internet qui a proposé aux internautes d'ouvrir une page, avec des plages prédéfinies et des contenus téléchargeables, en ligne pour raconter tout ce qu'ils voulaient sur eux-mêmes . C'est en gros comme si, au lieu d'appeler son cahier "cahier", on l'appelait "Clairefontaine", ou si, au lieu de "mon portable", ou "mon ordinateur portable", je disais "mon Asus" ! 

Non, blog est vraiment à mettre à la poubelle !

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