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Lundi 21 avril 2008, 00 h 04

La nuit... 

Cette nuit (je ne me coucherai pas tôt encore)

Un moment seul à seul avec un coin de lune

Dans un printemps naissant.

Une nuit car il n'y a que la nuit pour offrir un espace prégnant 

Entre un premier instant que nous avons oublié

Et un dernier qui perdra la mémoire...

Une nuit car les nuits effacent la fureur des hommes.

Une nuit qui concentre la conscience d'être

Quand le jour nous atterre à la subsistance lourde.

Une nuit qui s'enfuit comme une ligne de fuite

Vers un obélisque bleu où la mort et la vie forniquent

Une nuit qui nous prend dans ses paumes clémentes

Et nous enivre de troubles aux troubles injonctions :

Le senti d'être là et de se sentir vivre

Le senti d'être un plein dans l'absurdité du vide

Le senti jaillissant d'une présence incarnée

Qui nous soupire heureux comme soupire une amante

Qui nous soupire joyeux comme un premier baiser

Car dans les fleurs d'hier 

les pollens de demain

Il y aura toujours 

Une nuit que nous aimons

Dehors c'était dimanche sous un zéphyr d'avril

Les faibles soupiraient en humant le printemps

Les ombres parcouraient la ville nonchalamment 

Espérant que leur corps rescapé de l'hiver

S'épanouirait bientôt de juteux stimuli.

Un homme m'a demandé où il pourrait trouver

Un bar avec des femmes qui viendraient le draguer.

Vénales, j'ai cru comprendre, les femmes qu'il cherchait

Il m'a répondu "oui les femmes draguent toujours pour de l'argent"

Il avait un appétit vil entre ses jambes molles

Et un désespoir caché dans les plis de son col

Il avait surtout une répugnante foi 

Dans le pouvoir d'achat caché dans sa poche intérieure...

J'aurais pu le haïr j'aurais pu l'insulter

Je n'ai eu que pitié pour la désillusion veule

D'un rut ayant perdu l'élégance de se cacher.

Plus loin sur une place vide

Ornée de tombes noires à gauche d'un chêne chétif

Un son de voix fusait sous la voûte nocturne.

En habits de guitare et de voix un blues éraillé

Fusait sur la place vide où la pierre dormait.

L'homme avait des accents de crooner alcoolique

Et offrait tout son cœur au silence des pierres.

Quand il m'a vu couvrir une tombe nommée "banc"

Il m'a dit "Les paroles c'est n'importe quoi

C'est juste du yaourt mais j'm'en fous car ici

L'anglais personne ne connaît et ce qui compte 

C'est les tripes qu'on y met"

Il m'a parlé longtemps caressant sa guitare

Il m'a parlé de Brassens de Ferré et de son préféré

Thiéfaine le plus fou et pour lui le plus doué.

Reprenant sa guitare il s'est mis à chanter

"Je ne chante pas pour passer le temps

Mais pour me rendre intéressant."

Dans les accents graves de sa voix 

La subtile simplicité de ses doigts

Sous le ciel bleu complice et les malices de l'acoustique

Dans les fleurs pourpres d'hier 

Les pollens de demain

Il y aura toujours 

Une nuit que nous aimons

La nuit s'avance et sous mes yeux se nichent

Des cernes certifiées par les nuits précédentes

Il me semble nager dans la mer des tropiques

Aux vagues bleu marines à l'écume argentée.

Mon corps brûlant d'innombrables caresses

- Comme sous la canicule une place aux pavés noir -

Mon corps se prélasse sous moi

Comme un gros chat flemmard.

Un parfum de draps flotte comme un rouge étendard

Des éclairs de chaleur fendent mon ventre et mes bras.

Je ne saurais dire ici s'il s'agit d'un bonheur

Où d'une tristesse tiède comme un verre de Saké

Mais dans les fleurs pourpres d'hier

Les pollens des lendemains

Il y aura toujours 

Une nuit que nous aimons

Pour celle laissée partir à vaux l'eau

A toujours à jamais ou plus tard

Il y aura toujours une nuit que nous aimons

Pour celle qui m'a baigné d'un patchouli coquin

Dans ses bras d'algues folles

Il y aura toujours une nuit que nous aimons

Pour l'homme aux pulsions fétides

Et au désenchantement lâche

Il y aura toujours une nuit que nous aimons

Pour le joueur de guitare

Enjôlant l'esprit des pierres et la lune en pâmoison

Il y aura toujours une nuit que nous aimons.

Et pour les âmes en peine que le printemps ravive

Pour ceux qui luttent et qui espèrent

Pour ceux que la soif et la faim guettent

Pour ceux qu'elles n'emporteront point

Pour la foule qui sommeille

Pour l'insomniaque qui veille

Pour le désespéré qui pleure quand ses forces faillissent

Pour la femme trahie et qui parce que trahie veut amputer son corps 

Pour l'homme mal aimé et que le manque empale

Pour l'enfant expulsé de l'amour parental

Pour les êtres maltraités, les êtres abusés,

Pour tous ceux qui pourtant méritaient

De vivre sans souffrir de sourire sans pleurer

Comme un bras sur l'épaule

Une caresse sur la joue

Une main dans la main

Une fleur pourpre d'hier 

Des pollens  pour demain

Il y aura toujours une nuit que nous aimons

 

Je te tends, ami, le droit de croire et d'espérer

Le droit de vouloir vivre, de rêver et de lutter

Car même sous un ciel vide

Même le cœur manquant ou la force ou la foi

Dans un coin de rue sombre, de pré, ou de désert

Dans un coin de chambre ou de cellule veille

Une Fleur pourpre d'hier

Un éclair un frisson

Un pollen planant vers sa germination

Une certitude sans déni

Que je pousse vers toi, vers elle, vers lui

Il y aura toujours

Une nuit que nous aimons

 

 

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Mercredi 30 avril 2008  

 

Je n'écris pas en ce moment dans mon journal public... 

Quand il y a trop de tumulte à l'intérieur, quand on ne sait plus ce qu'on aime, ce qu'on croit, ce qu'on veut et qui nous sommes...

Quand l'intimité est une chose en danger et qu'il faut protéger...

Quand les doutes ne peuvent pas entrer dans des oreilles qui ne sont peut-être pas amies...

Et même pas dans des oreilles amies...

Et même jusqu'au moment où s'asseoir seul à une table pour se trouver potentiellement devant des inconnus devient une chose insurmontable....

 

Alors se retirer du jeu quelque temps et attendre. Que la clarté et les forces reviennent. Que l'espoir aussi revienne, l'espoir que tout cela puisse servir à quelque chose, puisse avoir un quelconque sens...

 

Peut-être la mouise a commencé lorsque les deux dates de juin ont été annulées, Arc-et-Senans et Lagnieu. L'une peut-être seulement repoussée, l'autre définitivement perdue...

Après aussi que le Directeur d'une alliance française en contact avec un festival qui nous avait sélectionné comme groupe français invité, que ce Directeur pète les plombs et se retrouve à l'hôpital dans un état assez grave à ce que l'on m'a dit. Donc plus personne pour faire le contact avec le festival... Il n'y a pas que nous artistes qui grinçons des dents, ceux qui sont mêlés à la culture sont en danger aussi et leur travail devient de plus en plus tendu et dangereux pour leur équilibre... Il faut savoir que ces Directeurs d'alliance en contrats locaux gagnent 1000 Euro par mois... rien à voir avec ceux qui sont sous contrat français et qui gagnent plus de trois fois plus...

On s'accroche tous. Il y a ceux qui réussissent et qui oublient tout... Il y a ceux qui luttent pour survivre, il y a ceux qui tombent....

 

Après ces ratages de dates qui faisaient plaisir à tout le monde, qui re-dynamisaient toute l'équipe des musiciens, la rupture avec Ludmila, et de nouveaux doutes qui s'installent avec sa disparition... Par exemple qu'elle ne soit plus jamais là pour chanter, puis qu'elle ne soit plus jamais là du tout. C'est tellement facile une séparation pour des gens qui ne se voient pas. C'est un peu comme une fiction. Quand on voit "jamais" approcher son nez on se dit "non, c'est pas possible, il y a un truc qui n'a pas bien été réglé dans cette affaire !"

 

Et la vie avance toujours, avec tout son petit bordel de cadeaux surprises, de coin de soleil qui explose soudain, - on finirait par croire que les fées existent !

C'est toujours le bordel mais on recommence à y croire. On reçoit une nouvelle : "La Région de Franche-comté vous attribue une subvention pour votre tournée en République tchèque et en Pologne". Puis on reçoit un mail d'un autre Directeur d'alliance tchèque, à force de rendez-vous et de discussions, ce Directeur est devenu comme un ami et il vous écrit :

 

"Première ébauche de tournée avec les réponses de la semaine dernière:
Pour l'instant, trois dates, et tout serait fin octobre:
- Ostrava
- Plzen
- Ceske Budejovice

Pour les 2 premiers, c'est dans le cadre de leur festival.
Pour les convaincre, le cachet est a 250 Euro + per diem et hébergement.
J'attends les réponses de Liberec, Brno, Prague et Pardubice, et j'en profite pour lancer la Pologne, la Slovaquie et bien sur (c'est sur la route) l'Allemagne"

 

Et puis, Titi nous annonce que, ça y est, il croit qu'il a terminé de mixer "La fille du poète" ! Il en est content, il y a mis tout son cœur, il a dominé ses doutes, il a réussi. Et puis cette fois, ce qui n'était pas le cas avec Dobru Noc, ses amis semblent lui dire qu'ils aiment, alors il respire, il a tellement besoin de valider son travail, ses choix de vie : le RMI ça vous enfonce tellement dans l'estime que vous avez de vous-mêmes...

 

Alors on remonte un peu le nez, on prend une bouffée d'air, ça fait du bien de respirer. On oublie le point qu'on a senti sur sa poitrine pendant quelques semaines. Mais tout est encore fragile, alors allons-y doucement, prudemment, le danger n'est pas encore écarté, il y a encore de la souffrance autour de nous... Doucement mais avec un peu d'espoir en plus... De quoi se mettre à avancer à nouveau, à retrouver l'appétit de croquer dans la vie, dans son temps qui court comme un cheval stupide et qui s'emballe pour trois fois rien...

 

 

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Dimanche 4 mai 2008

Aujourd'hui c'était l'anniversaire de Théo, il a seize ans. Seize ans c'était pour moi le début de la vraie vie, le début de mon vrai moi qui allait rester si semblable pendant trop d'années. Mais bon, c'est bien de devenir soi-même. Que mon fils ait cet âge là ça me fait plaisir, mais en même temps ça veut dire que maintenant il va devenir un être autonome et dont je serai un peu moins le père peut-être... En tout cas je suis content qu'il entre dans cette ère de lui-même...

En plus aujourd'hui le printemps a vraiment éclaté d'un soleil joyeux et fier, confiant. C'était bien de fêter tout ces joyeux évènements avec les amis, Samuele, Catherine, Cécile la très sympa jeune nounou de Jules et la Terrible Lou-Andréa (cf photo : "La pécheresse d'Utopie", et son histoire : 3ème cahier), et puis, plus tard, Titi et son amie Karina. Théo nous a fait la programmation musicale, puis il est allé faire son anglais. Nous avons passé une après-midi tranquille à parler, manger et boire du vin rouge sur blanc tout fout l'camp.

Des petits moments d'hédonisme tranquille, les amis, les enfants, le vin et la conversation qui va bon train pour refaire le monde et entretenir des liens chaleureux.

Ce soir maintenant c'est foyer again, et je vais me mettre à réfléchir au texte que je pourrais écrire pour le slam de jeudi à la médiathèque, pour la journée de l'Afrique ou quelque chose comme ça. Difficile en ce moment où la pauvre Afrique craque de partout d'en parler avec pertinence....

 

 

 

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Lundi 5 mai 2008

Les amis du slam m'ont invité à venir présenter un texte à la Médiathèque, sur le thème de l'Afrique m'ont-ils dit et pas d'autres détails. Il semblerait que ce soit à l'occasion de la journée mondiale de la Croix Rouge, mais allez savoir. En tout cas je me suis mis à mon ouvrage et ai écrit le texte suivant qui a pour titre :

 

"DE LA BARBARIE" 

(Ce texte reprend une partie d'une page écrite dans le 7ème cahier)

Quelque part en Afrique, dans un pays appelé l'Ouganda,  il y a un homme qui s'appelle Joseph Kony. Un jour, alors qu'il avait 25 ans, il est allé sur la montagne. Et quand il est revenu il était métamorphosé. Il se prenait pour le sauveur. Petit à petit il a trouvé des soldats et il est allé à la conquête du pouvoir. Ils se sont appelés la L.R.A., "L'armée de Résistance du Seigneur". 

 

Comme le pays voisin, le Soudan, avait bien envie de mettre KO le gouvernement de l'Ouganda, ils se sont mis à donner des armes à Kony. Et Kony les a utilisées pour semer la terreur. Tuer avec des coups de bêche, décapiter, torturer, donner la mort en arrachant la peau avec les dents. On ne compte pas les membres amputés, les tonnes de souffrances affligées et les handicaps laissés à vie, on sait seulement qu'il a tué environ 100 000 personnes. Femmes, hommes et enfants. Et Kony n'a pas de cas de conscience car il est convaincu d'exécuter au nom du Seigneur.

 

Comment des gens peuvent arriver à laisser courir et même à participer à cette barbarie en 2007 ?

 

Kony c’est donc un exemple de la barbarie des pauvres. 

Voyons maintenant, par une revue de presse, à quoi ressemble la barbarie des riches :

 

"En 2006, 854 millions de personnes (soit un sixième de la population mondiale) ont été gravement sous-alimentées."

"Parmi les pays qui seront les plus affectés, on compte le Zimbabwe, l'Érythrée, Djibouti, la Gambie, le Togo, le Tchad, le Cameroun, le Niger et le Sénégal."

 

"De Douala (Cameroun) à Abidjan (Côte d’Ivoire), du Caire (Egypte) à Dakar (Sénégal), en passant par Ouagadougou (Burkina Faso), les manifestations contre la faim secouent les capitales africaines."

 

"Selon l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture, le prix des céréales a augmenté de 88% depuis mars 2007. Le prix du blé a augmenté de 181% sur une période de trois ans."

 

"Récemment encore, le World Food Report de la FAO a affirmé que l'agriculture mondiale, dans l'état actuel du développement de ses forces de production, pourrait nourrir normalement 12 milliards d'êtres humains. Nous sommes aujourd'hui à peine quelque 6,5 milliards sur terre."

 

Donc on pourrait nourrir presque deux planètes...

"Les famines à l'ère de la mondialisation sont le résultat de politiques. La famine n'est pas la conséquence d'un manque de nourriture, c'est en fait tout le contraire: les surplus alimentaires mondiaux sont utilisés pour déstabiliser la production agricole dans les pays en développement."

 

"Cette « mondialisation de la pauvreté, » a commencé dans le tiers-monde avec la crise de la dette du début des années 1980 et l'imposition des réformes économiques meurtrières du Fonds monétaires international (FMI). "

"Cette crise planétaire est encore plus dévastatrice que la Grande Dépression des années 1930. Elle a de lourdes conséquences géopolitiques ;  le démembrement économique donne lieu à des guerres régionales, à la fracture des sociétés nationales et, dans certains cas, à l'anéantissement de pays. Elle constitue de loin la plus grave crise économique des temps modernes."

"L'escalade des prix des produits alimentaires est en grande partie le résultat d'une manipulation du marché. Elle est en grande partie attribuable à la spéculation boursière sur les marchés des matières premières. Les prix des céréales sont artificiellement gonflés par la spéculation à grande échelle sur les opérations des marchés boursiers de New York et de Chicago."

 

"Les bénéfices sont réalisés lorsque le prix monte. En revanche, si le spéculateur est un short-selling (1), le bénéfice sera réalisé lorsque le prix diminuera."

"Cette récente flambée spéculative des prix des denrées alimentaires a engendré un processus mondial de création de la famine à une échelle sans précédent."

 

"Dans le contexte actuel, un gel des transactions spéculatives sur les produits alimentaires de base, décrété par décision politique, contribuerait immédiatement à faire baisser les prix des produits alimentaires."

 

"En moins d’un an, le coût des produits alimentaires a augmenté de plus de 50 %, pour des raisons aussi diverses que la mode des biocarburants, la spéculation, l’impact de la mondialisation, le changement climatique ou l’évolution des modes de vie. Les économies les plus fragiles sont menacées, la stabilité, déjà précaire, de nombre de pays que l’on dit en voie de développement est au bord de l’effondrement."

 

 

"La hausse des prix du pétrole et le décollage consécutif de la production de biocarburants auront un impact à long terme sur l'offre de nourriture. De plus en plus, les champs seront cultivés pour répondre à la demande accrue en biocarburants plutôt que pour la nourriture.

La tendance à se tourner vers les cultures pour les biocarburants a un impact en Afrique. Le Ghana, le Bénin, l'Éthiopie, l'Ouganda, la Tanzanie, la Zambie et l'Afrique du Sud ont tous des projets pour produire des cultures à biocarburants."

 

"L'impact de la crise économique du système capitaliste aura un effet dévastateur sur les vies de certains des habitants les plus pauvres de la planète."

 

"Le Programme alimentaire mondial (PAM) des Nations unies a prévenu que la montée des cours mondiaux des denrées alimentaires réduira sa capacité à ravitailler les personnes affamées et mal nourries."

 

 « Contrôlez le pétrole et vous contrôlerez les nations, contrôlez la nourriture et vous contrôlerez la population. »

 

Et je pourrais continuer par citer d’autres chiffres, d’autres analyses. Certains parlaient de nouvelles féodalités, ces 500 entités tentaculaires qui contrôlent 52% du produit mondial brut. Ou encore que la dette tiers-mondiste génère 350 milliards de dollars d’intérêts…

 

Pauvre continent africain, victime de la barbarie, celle à l’ancienne résumée par les actes de Kony et celle sophistiquée, sournoise, aux acteurs dissimulés derrière le droit du marché, qui l’affame aujourd’hui moins que demain, et qui entre misère et épidémies de Sida, va tuer plus que 1000 Kony pourraient le faire…

 

Mauritanie : affamée

Somalie : affamée

Sénégal : affamé

Burundi : affamé

Mozambique : affamé

Sierra Léone : affamée

Guinée Bissau : affamée

Egypte : affamée

Zimbabwe : affamé

Ethiopie : affamée

Libéria : affamée

 

Quand l’homme décidera-t-il de se guérir de sa barbarie !?

 

 

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Vendredi 17 mai 2008

Il faudrait se reprendre, on s'y essaie. Disons que la période est encore tumultueuse mais que les tensions s'apaisent. Et puis le travail avance, l'air de rien, malgré que, si les esprits étaient au calme, je crois que j'arriverais à travailler mieux.

Mais bon, ces périodes floues ne sont pas dénuées de fruits et, avec "Ilhem" dont la musique s'écrit, une nouvelle chanson s'engage et qui s'appelle "Elle me dit non" (le contraire eût été bien sûr sans intérêt).

Côté musique donc, Titi pense avoir terminé le mixage. Comme j'ai eu quelques critiques sur ma façon de chanter "Dobru Noc", je suis en train d'essayer de faire mieux. Mais, pour l'instant, après trois jours d'essais, le résultat est moins bon que ce que j'avais déjà fait. Un ami écrivant (je ne pense pas que je puisse dire "écrivain" car il n'a jamais publié et je ne sais pas si c'est son but), et qui s'est spécialisé dans les ateliers d'écriture, Fred, a écouté trois des quatre morceaux du futur EP et il m'a témoigné un enthousiasme très encourageant. En écoutant il en avait la chair de poule (il m'a montré, j'affirme). Quand je lui ai parlé des critiques du chant de "Dobru Noc" il m'a dit : "il y a un truc que j'aime bien, ce sont comme des instants de folie dans la voix et je trouve que c'est super" Donc je vais essayer de faire mieux en gardant la folie que Titi considérait comme "excessive" tandis que Patrice Barbenoire disait que j'avais tendance à être trop devant le temps. Tout un vocabulaire auquel les novices n'entendront rien, et que moi, de mon côté, j'essaie de comprendre avec grand mal.

En tout cas les trois autres morceaux sont terminés et nous avons trouvé, avec Titi (Thierry Lorée), des arrangements pour faire évoluer le morceau (je parle toujours de Dobru Noc), notamment dans la partie de piano qui accompagne ma voix . Il nous a fallu trois heures pour trouver, à deux, avec une assez bonne complémentarité, ces arrangements de guitare électrique avec un long delay qui arrivent sur le deuxième couplet.

"La fille du poète" est l'avant dernier morceau à avoir été terminé, c'était la semaine dernière où Titi refaisait sa ligne de basse qu'il a souhaité travailler jusqu'à la perfection, utilisant d'abord une basse, puis refaisant la ligne avec une autre guitare. Chacune a pour lui un propre son qui s'intègre plus ou moins bien dans le mix (c'est comme ça qu'on dit...)

Côté graphisme Raphaël m'a envoyé cette semaine la pochette complétée de son verso. Quelques petits changements et le lendemain la copie définitive arrivait. La pochette est donc, elle-aussi, terminée.

En revanche, côté mauvaises nouvelles, j'ai appris que nous ne jouerions pas au festival de Jablonec, dans le nord de la République tchèque, en juillet. Tout d'abord le Directeur de l'alliance tombait gravement malade (il est encore en maison de repos). Alors que ce semblait lui qui avait le plus fort contact avec le festival. Cela ne laissait rien présager de bon, d'autant que j'avais donné une marge de négociation pour la vente du concert, ce qui était nécessaire de faire rapidement, à chaud. Sans lui, cette négociation ne pouvait pas se faire. Donc j'ai eu vent par un assistant que, cette année, ils ne pourraient pas organiser notre venue... Mais qu'ils souhaitaient remettre à plus tard notre collaboration. On verra.

Karel, notre pianiste et guitariste, est maintenant en cure, suite à son infarctus. La République tchèque compte beaucoup de villes thermales et la médecine tchèque fait encore beaucoup appel à cette thérapie. Donc on va dire que notre ami est en vacances thérapeutiques. Il doit être heureux comme un prince, les villes thermales sont très sympathiques et permettent d'intéressantes rencontres... Si seulement il se trouvait une petite amie là-bas, - mais il est tellement difficile et il a une idée tellement idéaliste de l'amour !

Nous nous rencontrerons au concert du Carpe Diem pour la fête de la musique. J'espère qu'on aura les morceaux masterisés à ce moment là, de façon à pouvoir démarrer la promo. La sortie officielle de l'album est prévue pour septembre.

Côté film, j'ai assuré il y a deux semaines des prises de vue d'une conférence sur la double discrimination. J'ai fini d'écrire le contenu de toutes les interventions, les plans sont maintenant dans la machine et il me reste à réaliser le montage. Faire un film qui repose uniquement sur du verbal est un travail important et un peu déroutant. D'habitude on travaille plutôt avec l'œil et la mémoire visuelle. Là il faut revenir sans cesse aux mots et c'est un peu répulsif pour un travail d'image. C'est pourquoi je crois avoir fait traîner un peu la préparation du montage, - ce qui était quand même la tâche la plus pénible.

J'ai d'ailleurs intérêt à réussir ce film car je viens de recevoir une commande pour exactement la même chose. Une conférence plus institutionnelle, organisée par l'ACSE en partenariat avec la Préfecture, dont le sujet est en gros "comment mettre en place une vraie mixité dans le travail". L'avantage par rapport au film sur lequel je travaille est que le budget. Il sera environ trois fois plus gros, - l'association qui organisait le premier colloque, "Femmes Debout", ayant évidemment moins de moyens que l'état qui organise le second.

Cette nouvelle commande est un joli don du ciel, et qui me donne des chances de réussir à boucler mon intermittence en décembre. J'avoue qu'avant je désespérais de ne jamais y arriver.

C'est donc le printemps, les feuilles s'épanouissent, les rejetons sortent de terre, les fleurs parfument villes et campagnes. Je le respire à pleines narines, surtout quand il arrive en véritables bourrasques parfumées. Il s'avérerait aussi que notre relation avec Ludmila aille vers un rapprochement... Revoir peut-être notre relation autrement... Pas facile de trouver une solution.... Surtout que les solutions à laquelle les gens pensent généralement (Ludmila ne voudrait pas venir habiter en France ? Ou toi en Tchéquie ?) ne sont pas du tout celles que l'on recherche....

Mais là c'est vraiment trop compliqué...

 

 

 

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Mardi 27 mai 2008, Contréglise (70) 

La journée est historique, enfin, pour nous puisque nous avons bouclé ce matin le montage de l'ensemble des titres du CD "Drako" et qu'ils sont partis, gravés sur un CD, à destination du studio "Le 50ème rugissant" cet après-midi.

Nous avions déjà terminé hier soir, mais Titi avait fait une manip sur les fichiers qui ne me permettaient pas de les traiter normalement. Alors Titi s'est levé aux aurores ce matin et à refait une ligne de basse dans "La fille du poète" et changé quelques réglages. Quand je suis arrivé vers 11 heures ce matin, il considérait qu'il y avait encore quelques nuances à apporter et s'y est remis encore, baisser une voix, une grosse caisse... A onze heures et demies les fichiers étaient créés et copiés sur mon disque portable. C'était fini. Trois mois au moins que nous étions sur ces trois derniers morceaux ("Le Singe Drako" avait été enregistré et mixé en octobre dernier) ! On peut dire que "Dobru Noc" nous a demandé le plus de travail, nous a posé le plus d'incertitudes, et des problèmes quasi insurmontables. Est-ce pour cela ou parce qu'il y a la voix de Ludmila dedans que c'est mon préféré ? Chacun y a été de son coup de génie, Karel qui avait proposé d'enregistrer des nappes de synthétiseur, Patrick qui a interprété la meilleure version batterie que nous avons dû réenregistrer, et dans le même esprit car Patrick n'était plus disponible, avec Titi aux baguettes, Titi et moi qui, pendant une après-midi entière, avons cherché un arrangement pour adoucir le rythme un peu sec du piano pendant les couplets. Enfin ce morceau est magique et j'espère que le public lui reconnaîtra cette valeur.

Le CD bouclé il était largement temps que je me remette au montage du film résumant le colloque sur la double discrimination (femmes+immigrées) organisée par l'association Femmes Debout. C'est pourquoi, donc, j'ai pris la direction de la campagne. J'y ai retrouvé "La maison de Contréglise" où je suis venu à chaque fois que j'avais un gros travail à faire, gros travail incompatible avec les tentations urbaines.

Avant il y avait en face cette maison, qui en fait appartient à ma mère, celle de mes grands-parents. Après ma retraite laborieuse de la journée, j'allais manger le soir avec mes grands-parents, ce qui reposait ma solitude et me permettait de rester en contact avec ce vieux couple que j'aimais bien. Ils étaient heureux de leur côté de pouvoir parler avec moi et tout était bien.

Maintenant mes deux grands parents sont morts et leur maison est à vendre... Entre temps ma mère a pris sa retraite et a commencé à venir en séjour dans sa maison. Alors je suis venu cette fois partager la maison avec elle et disons que ce n'est pas désagréable de se laisser un peu prendre en charge. Un vrai cliché de célibataire !

Voilà comme je fuis un peu les incertitudes affectives de cette période. Je rentrerai à Besançon après-demain et je pense que le film sera très avancé. Tout cet ensemble est donc passionnant, il y aurait peut-être un nouveau film à réaliser en juin et peut-être un autre en juillet... Si c'est le cas, mon intermittence serait en bonne voie pour l'année prochaine. Inch allah bien évidemment, - j'ai eu tellement de propositions qui n'ont pas été suivies cette année que je range ma langue dans ma poche !

Terminée aussi la chanson "Elle me dit non", en tout cas une première version que j'aime beaucoup et pour laquelle Jean-Yves Perron a posé un très joli picking à la guitare. Je l'ai mise en écoute dans les pages musiques du site.

Nous attendons maintenant la première proposition du studio de mastering. La semaine prochaine je pense... Mon Dieu comme tout cela est palpitant !

 

 

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Mardi 27 mai 2008, Contréglise (70)

 

Deuxième journée à Contréglise. Le travail de montage avance. Je pense rentrer demain en soirée.

Coup de fil en fin d'après midi de Titi. Il venait de rencontrer Gui Gui. Gui Gui est un batteur africain qui a une excellente réputation comme batteur mais très mauvaise réputation comme homme. Le problème de Gui Gui c'est l'alcool, et cet alcool le rend extrêmement instable. Je lui avais proposé de jouer avec nous, il semblait intéressé (il faut dire qu'il ne joue plus nulle part pour la raison sus dite) et nous avions prévu des répétitions. La première fois cela s'est très bien passé et musicalement Gui Gui a le style de jeu qui convient absolument à mon répertoire. Deuxième répétition il arrive chez moi avec dix minutes d'avance. Seulement je viens d'apprendre que le lieu où nous devions répéter n'est pas disponible. Je trouve un autre lieu mais nous prévoyons d'y aller une heure et demie plus tard. Gui Gui, qui sentait l'alcool quand il est venu, est reparti en disant je vais boire un coup et je reviens. Il n'est pas revenu. Le soir Titi l'avait croisé dans un bar complètement déchiré...

Il y avait aussi d'autres choses liées à d'autres gens, j'avais décidé qu'il était à la hauteur de sa réputation et me mis en quête de quelqu'un d'autre.

Alors Titi m'appelle. Je laisse maintenant à Titi, vu tout le travail qu'il a fait avec moi, de décider quel va être le batteur qui jouera avec nous. Je ne prendrais jamais quelqu'un sans qu'il me donne son accord. Donc il m'appelle et me dit qu'il est avec Gui Gui, qu'il a envie qu'on lui donne une chance et qu'il en prend la responsabilité.

Il y a quatre ans, quand j'avais dit à un musicien que j'avais choisi Titi comme bassiste, il m'avait rit au nez et m'avait dit "bon courage !". Résultat Titi est encore là et il est un des musiciens qui m'a le plus apporté. Je ne dis pas que ça a été toujours facile, notamment au début et pendant la tournée tchèque, mais aujourd'hui, travailler avec Titi c'est du bonheur, - sans compter l'amitié qui est venue peu à peu. Alors Gui Gui est bancal en ce moment, mais il a une demande et il est, comme Titi, un excellent musicien. Mieux que cela, il a quelque chose que les autres n'ont pas, une personnalité artistique... J'ai donc accepté la requête de Titi et nous voilà reparti dans une incertitude peut-être, mais en même temps dans une forme d'espoir, l'espoir que ça se passe bien. Car si ça se passe bien dans l'humain entre nous, je suis certain que la musique sera magique.

Certains mettront cela sous le coup d'une naïveté idiote. Je préfère le mettre sous le coup de ma foi en l'humanité. Bien sûr je connais les revers de ce dont l'humanité est capable, mais bon. De toute façon les musiciens équilibrés et bien pensants ne sont pas disponibles. C'est que je dois avoir une forme de folie moi-aussi, la chanson ça intéresse surtout les musiciens quand ça gagne de l'argent. Sinon ils préfèrent jouer du rock ou de la funk music ! Paraîtrait que c'est plus musical... 

Bref Gui Gui est repris et on verra bien... Si la magie était au rendez-vous on se dira qu'on a dû être inconscient pour aller la chercher ! Et puis si les problèmes se reproduisent, on dira qu'on a donné une chance à un homme qui n'a pas su la prendre, - ce qui n'est pas si moche en fait...

 

 

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Lundi 2 juin 2008, Besançon

Ce mois de juin est arrivé un peu vite, nous sommes déjà à la moitié de l'année alors que je ne me suis pas encore habitué à son chiffre, je dois réfléchir avant d'écrire 2008 !

Maintenant que les morceaux du disques sont au mastering, nous attendons le résultat. J'espère que Titi ne sera pas déçu du travail de Bertrand Hommassel, en l'occurrence l'homme qui réalise ce mastering.

Nous avons fait cette après-midi une troisième répétition avec Guigui. Maintenant il est à l'heure et il semble beaucoup plus stable et en forme qu'au début de notre collaboration. Je crois que la leçon de Titi a eu une bonne influence sur lui. Guigui semble quelqu'un de fragile qui est capable, quand quelque chose le blesse ou le déstabilise de se laisser couler sans retenue... Mais, côté musique, c'est passionnant de travailler avec lui. Et, si tout se passe bien, et je commence à y croire, - nous aurons la meilleure section rythmique que nous avons jamais eue. Il n'y avait qu'un cinglé comme moi, et un second cinglé comme Titi pour prendre le risque de travailler avec lui. Peut-être que les gens raisonnables ne me trouvent pas fréquentable non plus ? Et que, finalement, je préfère les gens qui me ressemblent ?

Hier était une journée d'angoisses et de doutes terribles. La raison : les suites de ma tentative de rupture avec Ludmila. "Tentative" comme on dit parfois "tentative de suicide". Et tous les psychologues savent qu'une tentative de suicide est un appel désespéré. Peut-être cette rupture n'était qu'un appel désespéré. Mais voilà, une peur en appelle une autre. Et à une peur panique une recherche panique de protection. Et voici qu'un cycle infernal commence. Le quitté exprime sa peur et sa souffrance, ce qui rassure le quitteur, mais le quitté en même temps  recherche désespérément une protection... Et un protecteur se présente. Et une nouvelle source d'angoisses s'entrouvre...

L'amour est en danger, ou l'amour est à l'épreuve. Le gouffre est tout près, saurons-nous éviter les faux pas fatals ? En tout cas nous avons prévu, si aucun séisme nous engloutit, de nous revoir après la fête de la musique puisque je repartirais à Tabor avec Karel qui viendrait en bus à Besançon. Cette semaine que je passerai là-bas nous permettra de savoir où nous en sommes... Nous verrons à quelle conclusion nous aboutirons. C'est un risque à prendre, mais ce sera peut-être aussi un de nos plus beaux souvenirs... Peut-être, peut-être pas, personne ne le sait puisque Dieu n'existe pas...

Hier j'ai rencontré Stéphane Ostrowski qui passait, avec une Dame qui lui tient lieu d'assistante de Production, à Besançon. Nous avons parlé du concert à Lagnieu qui devrait avoir lieu début octobre ou début novembre. Stéphane nous a demandé de songer à un ensemble vestimentaire et j'ai re-songé à une conversation que nous avions eue avec Stéphane Thomas, un créateur de vêtements bisontin. Je vais voir si nous pouvons envisager une collaboration. Par ailleurs, en discutant avec l'assistante de Stéphane, Nicole, nous avons pensé qu'il serait intéressant d'introduire des images dans le spectacle. En en parlant m'est venue l'idée de projeter quelques photos, ou une seule, pendant que j'annonce la chanson suivante. Cette ou ces images permettraient de mieux fixer l'attention des spectateurs sur les contenus du texte de la chanson. Et comme beaucoup de gens m'ont dit que les textes de mes chansons étaient très visuels, on pourrait avoir une influence réciproque entre les images projetées et les images contenues dans les chansons. En outre, cette projection rendrait le spectacle plus fluide, et non plus coupé par les arrêts entre deux chansons.

Alors donc : ce n'est pas la paix, ce n'est pas le ronron quotidien, c'est parfois dangereux, douloureux, mais je ne vois aucune laideur dans tout cela. Ce n'est pas si mal. Il n'y a pas eu plus difficiles périodes dans ma vie que celles où je me suis senti laid et où j'ai senti que ma vie devenait laide.

Alors qu'est-ce qui est beau et qu'est-ce qui est laid ? Ce qui est beau est ce qui élève la qualité de la vie (de l'homme, de sa relation aux autres) ce qui est laid est ce qui la rabaisse. Élever cette qualité est un combat et ce combat a de multiples niveaux : personnel d'abord, collectif ensuite, - et bien sûr que l'art doit avoir un rapport avec tout ça !

 

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Mercredi 4 juin 2008, Besançon

Hier était encore une journée difficile, d'angoisses et de tristesse. Je suis allé voir une amie médecin, car il fallait que la médecine m'aide. Lorsqu'elle a pris ma tension, malgré que j'aie déjà un traitement pour cela depuis trois ans, ma tension était de 18 ! Sans traitement je ne sais pas quel chiffre j'aurais atteint ! Je lui ai demandé de me donner un peu de Xanax, je connais ce médicament pour l'avoir pratiqué il y a une quinzaine d'années et je sais l'utiliser avec précaution. Passagèrement. Résultat, aujourd'hui mon anxiété est retombée. La tristesse est encore là, et surtout, ma tension est descendue à un seuil que je n'avais pas connu depuis le moment où l' hypertension avait été décelée. Il y aurait peut-être bien un effet blouse blanche dans les mesures passées...

Alors je regarde notre belle histoire avec Ludmila comme une page qui est en train de se tourner. D'où ma profonde tristesse. Pendant quatre ans, malgré la distance, nous avons su créer une relation riche et belle, avec des effets de télépathie ahurissants et des collaborations artistiques qui à chaque fois touchaient le cœur de quelque chose.

 

Maintenant la distance, quelques différences, et des choix de vie qu'on n'aurait pu changer sans que l'un où l'autre perde une part de lui-même ont fait obstacle, semé le doute, puis nous ont fait déraper, - jusqu'à ce qu'aujourd'hui on en vienne à se dire l'un et l'autre que rien ne sera plus jamais comme avant et qu'on va s'éloigner et peut-être se perdre... L'Amour s'alourdit des balles qu'il reçoit jusqu'à ce qu'un jour il ne puisse plus voler...

La vie continuera, elle continue toujours, car si elle ne continue pas, elle disparaît. Alors oui, elle continue son chemin étrange, imprévisible et, malgré tout, passionnant. Quand elle est fâchée, Ludmila me reproche mon hédonisme, qu'elle associe au matérialisme des communistes, matérialisme que bien sûr elle déteste, exactement comme je déteste le catholicisme pour avoir été neuf ans chez les Jésuites. Mais mon hédonisme revient toujours pour me rappeler la douceur de la vie, car, malgré le combat que nous devons mener pour vivre, la vie en elle-même est quelque chose de doux. Quand j'en doute j'en réfère à mon corps, je le sens sous moi  et je sens que, dans le fond, il est paisible. L'animal en nous est paisible. C'est le cerveau, au-dessus, qui s'agite. Alors revenir au calme de ces cellules, à leur atavisme millénaire, et se dire que, bon, une peine d'amour est certes une peine naturelle, légitime et en cela respectable, mais qu'il ne faut pas céder pour autant aux tourments qu'elle nous impose.

Une peine d'Amour c'est déjà qu'il y a eu Amour, et c'est déjà pas si mal. Si l'on a évité de céder à la mauvaise foi, aux accusations envers l'autre qui forcément devrait avoir toujours tord, à la haine, à la violence aveugle, aux passions brutales et irréfléchies, alors on ne peut que respecter ce qui a été vécu et celle avec qui on l'a vécu. 

Et la remercier, oui, la remercier pour les instants magiques volés au vide colossal du ciel noir qui nous entoure...

 

 

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Mercredi 11 juin 2008, Besançon

Je relisais la page précédente... Je n'étais pas au bout de mes peines... Ce week-end a été plus horrible encore !... Longtemps que je n'avais pas eu mal comme ça... Mais voilà, c'est passé. Ca va mieux. Et puis, malgré les plombs qu'il a reçu dans le corps, il semblerait que l'oiseau de notre Amour ne se soit pas laissé mourir...

Qu'est-ce qui s'est passé exactement ? Qu'est-ce qui s'est joué ? Et pour en arriver où ? Est-ce que ces descentes aux enfers ont quelque importance, quelques utilités ? Eh bien oui, certainement, puisque la nature nous a faits ainsi...

Si nous n'avions pas ce cerveaux, peut-être "ces" cerveaux, si nous n'avions pas ces hormones, ces connexions étranges qui font le beau temps et l'orage dans nos têtes, nous ne connaîtrions pas l'amour, le bonheur qu'il nous donne et la souffrance et la détresse qui peuvent aussi en découler....

Maintenant, il est probable que cet ouragan ait fait quelques dégâts à l'intérieur et Ludmila doute qu'après, nous retrouvions la foi complète d'avant. Nous verrons...

En tout cas, nous avons réussi à ne pas annuler ce rendez-vous que nous nous sommes donnés après le 21 juin. Nous avons même décidé d'aller passer le week-end à Budapest. Je me réjouis de l'idée d'aller à Budapest. Mais je crois qu'il est nécessaire de ne pas s'emballer, des fois que....

Pour parler d'autre chose que ces événements très privés qui pourraient déplaire à certains (mais je ne vois pas comment ceux à qui cela pourrait déplaire pourraient venir perdre leur temps dans ce journal !) ... Alors ? Alors oui, j'ai renvoyé hier soir à Bertrand Hommassel les deux morceaux que nous devions rectifier. "Le photographe ne l'appelle plus" qui avait un petit problème de stéréophonie, et "Dobru Noc" dont la voix ne me satisfaisait pas encore. Le studio "Le Cube" et le Bastion m'ont encore permis d'utiliser leur pré-ampli "Avalon" (une merveille !) pour compresser et réchauffer ma voix. Titi en a profité pour repasser une matinée à revoir le mix et, ce qui est curieux, c'est que, au moment où le morceau a été terminé, j'apprenais par un SMS de Ludmila que notre Amour avait une chance de reprendre vie. Supposition confirmée quelques heures après par d'autres SMS...

Comme si "Dobru Noc", le morceau où nous chantons ensemble Ludmila et moi, avait voulu attendre, pour être terminé, que vienne notre réconciliation....

A moins que ce ne soit le contraire.... Que le morceau terminé allait engendrer la paix ?... 

Certains trouveraient ces suppositions idiotes. Mais des coïncidences comme ça, difficile d'y rester indifférent...

Nous aurons donc en fin de semaine, si Bertrand arrive à tenir ses délais, une version masterisée de notre disque !

Demain j'envoie le mail d'appel à souscription. Il nous faut vendre 100 CD pour payer le pressage...

Concert dimanche soir. Premier concert avec Guigui avec, pour invité, un ami musicien avec qui je n'ai jamais encore joué et que je connais pourtant depuis presque 30 ans ! Il s'agit de Manu Forno, un musicien si talentueux et un homme qui pourrait donner à chacun de nous un élan de vie, une vitalité incroyable !

Manu, c'est un sourire, un rire plein de lumière. Ses yeux bleus, très clairs, pétillent et il a une façon de parler bien à lui, ponctuée par des petits rires frais comme ceux des enfants. Manu a des petits doigts mais quand il joue ses doits courent sur le manche avec une virtuosité joueuse. Manu quand il fait un solo s'en va dans des harmonies mystérieuses dont il joue pour donner des accents, des intentions qui s'enfoncent dans les règles insondables du vivant. Car jamais, dans aucun chorus, Manu perd son sens aigu du rythme. Ce sens du rythme qu'il retrouve quand il reprend l'accompagnement. Un jeu jamais ennuyant, toujours inspiré et aux couleurs étonnantes, nourri qu'il a été dans les pays où il a vécu et vit encore : La réunion et Madagascar.

Manu vit donc 11 mois sur 12 dans une petite île face à Madagascar. Il y vit dans une maison sans eau ni électricité. Lui, sa femme et leur petite fille s'arrangent avec les hôtels des alentour pour l'eau, l'hygiène, le rechargement des batteries de l'ordinateur portable. Car la petite maison où ils vivent est face à un lagon bleu bordé d'un récif de corail...

Lorsqu'on voit Manu marcher on s'aperçoit qu'il marche très doucement et qu'il boite un peu. Je l'ai toujours connu comme cela, bien qu'il marche de plus en plus lentement et que les escaliers maintenant l'arrêtent. La raison de cette difficulté à se mouvoir vient d'une maladie qu'il porte depuis très longtemps, la myopathie. Quand il en parle, Manu dit qu'il connaît beaucoup d'hommes et de femmes de son âge qui doivent se mouvoir dans un fauteuil roulant ou qui même ne peuvent plus sortir de leur lit. Alors il pense qu'il ne s'en sort pas si mal. Après, on comprend que partir vivre à Madagascar à été pour lui une façon de se protéger de l'irréversibilité de sa maladie. Il en a puisé une philosophie du vivre à tout prix, sans baisser les bras, ce qui, peut-être, lui a donné ce long délai supplémentaire par rapport à ceux qui souffrent du même mal.

Manu me disait hier : "ils veulent que je fasse des analyses chirurgicales car je pourrais avoir une ou plusieurs tumeurs. Mais je ne les ferai pas. Tant pis. Ces examens vont me foutrent KO et au final il m'apporteront plus de mal que de bien. J'ai ma femme et ma fille là-bas, je les adore et c'est génial. Tu vois, les toubibs me disent que j'ai un foie d'alcoolique alors que je n'ai quasiment jamais bu d'alcool. Tout cela à cause des médicaments que j'ai pris. Maintenant je n'ai plus peur. Je ne sais pas combien de temps ça durera mais de toute façon je suis prêt, et depuis longtemps. Mais bon, j'ai pas encore joué mes dernières notes !" Et le voilà qui se remet à sourire et ses yeux bleu clair de pétiller d'une joie espiègle.

Jouer samedi avec un type comme lui m'honore. M'honore déjà pour le travail que je suis certain qu'il fera et on va se régaler. M'honore aussi pour voir à l'épreuve cette philosophie que je porte et qui n'a pas encore eu l'occasion de montrer son efficacité comme Manu le démontre à tout instant.

Mais aussi, dans cette philosophie, quelque chose prend une place fondamentale, c'est la musique. Sans musique Manu serait-il encore à marcher dans les rues de son pas lent qui paraît tranquille ? Serait-il même capable de se lever de son lit ?

 

 

 

 

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Dimanche 15 juin 2008, Besançon 

Le calme semble être revenu. Croiser les doigts, certes, mais bon, nous nous projetons, Ludmila et moi, la semaine prochaine, et, ensemble enfin, nous verrons où nous en sommes.

J'ai eu quelques échos, de la part de différents lecteurs, des pages précédentes relatant notre crise. Hier par exemple nous sommes allés jouer dans une soirée privée organisée par de très vieux amis de Paulo, notre ancien batteur. Je les connaissais pour les avoir vus dans des concerts précédents ( Paulo les avait invités). La date de cette garden party avait été fixée en fonction de la disponibilité de Paulo et d'une formation à laquelle il participe, un groupe de country : "Poule et poux laids". Mais voici que Paul annonce à ses amis qu'il ne pourra pas venir, qu'il enregistre tout le week end avec un groupe, "Iris" qui, après trente ans environ de sommeil, a signé avec une major et est en train de refaire surface.

Du coup ils nous appellent, très déçus, et nous demandent de faire le remplacement.

Bien, on joue, comme je l'ai écrit plus haut avec le merveilleux Manu Forno, et Titi et Guigui qui nous font un truc du tonnerre. Le public est ravi. Sur le tard, quand on commence à avoir bu quelques verres, William, l'organisateur, vient me demander si cela va mieux maintenant avec Ludmila (qu'il n'a vu ni d'Eve ni d'Adam). Il avait lu le journal pendant la semaine. Je ne saurais dire pourquoi, mais cela m'a surpris venant de cet homme. Je ne pensais pas qu'il serait allé se promener dans ces pages.

Ce soir, je croise un ami, Ghislain Montiel, metteur en scène de talent qui a décidé il y a quelques années d'arrêter le théâtre. Il a été serveur pendant 2 ans au Carpe Diem et un conflit grave avec Ali l'avait mis dans de profonds tourments (Ali et lui étaient les meilleurs amis auparavant) qui semblaient le torturer du matin au soir.  Cette crise, qui semble, elle-aussi, arriver à sa fin, nous a en quelque sorte rapprochés, puisqu'elle a coïncidé avec ma propre crise et que c'est toujours lorsque nous sommes en difficulté que l'on se rend compte combien l'amitié est importante, - ce qui nous aide à découvrir de nouveaux amis. 

Bref, ce soir Ghislain vient vers moi et me dit : "J'ai découvert ton blog récemment et j'ai été interloqué par la façon dont tu arrives à parler ainsi de ta vie privée. Je ne sais pas s'il faut en dire du bien et du mal, mais en tout cas j'ai trouvé que tu avais une sacrée audace de faire ça, et, en même temps, j'ai eu l'impression que tout le monde peut s'y retrouver puisque moi-même, en te lisant, je m'interrogeais sur ma situation actuelle"

Je me suis déjà posé le problème des limites à poser dans ce journal publié en direct sur le net. La réflexion était partie des carnets d'André Blanchard. C'était dans la page du 17 décembre 2006. Ludmila a d'ailleurs été la première surprise de ce que je pouvais exprimer dans ce journal et elle a très mal réagi à la page que j'ai publiée à la fin du cahier précédent concernant ma rupture.

Mais ce journal, si tant est qu'il ait un sens, et en conformité avec son texte inaugural du 17 janvier 2006, serait sans raison d'être si les questions intimes, abordées certes avec précaution, y étaient exclues. Je me suis engagé dans une voie où vie et création ne sont pas divisibles. Ludmila a participé au film "Jara Novotny ou 30 ans de la vie d'un photographe tchèque", elle apparaît dans la série Close Up, elle a posé pour la "Nouvelle Aube" figurant sur le calendrier 2006 de la ville distribué à cent mille exemplaires et maintenant elle chante dans un titre majeur du CD qui va sortir dans quelques semaines. Dissimuler les crises et qu'un jour on lise : "Ludmila ne chantera plus jamais avec nous car notre relation vient de cesser?" Ou pire, la rayer de la liste des intervenants du groupe sans donner aucune explication dans le journal ? Alors autant arrêter ce journal dès maintenant !

Ce journal est aussi le témoin d'une philosophie de la vie. Il ne serait pas possible par exemple de parler de Ludmila, lorsque nous sommes en crise, négativement, voire même de l'insulter où je ne sais quoi. Dès qu'une personne est abordée dans ce journal, le respect est la première des prérogatives. 

D'ailleurs tout philosophe devrait commencer par là, par l'écriture d'un journal. Car nous ne pouvons traiter séparément une vie et une pensée. Lorsque j'ai appris comment Rousseau traitait son fils, il n'était plus question pour moi d'avoir aucun intérêt pour sa pensée...

Je ne suis pas philosophe, j'essaie simplement de vivre avec philosophie, et de puiser dans cette vie l'inspiration de ma création. Et tant que je vivrai, et tant que je poursuivrai ma création, personne ne pourra m'enlever la légitimité que j'ai de l'un et de l'autre. 

Les jugements ne m'intéressent pas, et ne m'influenceront pas. Tant que je serai en accord avec ce que je suis et ce que je fais, et tant que la société me laissera le temps et l'énergie de le faire, je les poursuivrai dignement et modestement. Car enfin, si certains recherchent la gloire et le succès, ce n'est pas mon cas. Je recherche juste à pouvoir gagner de mon activité assez de ressource pour pouvoir la continuer sans trop de souffrance, sans trop de désastre. 

Et le journal sera le témoin de l'évolution de cette vie, de cette création. Il se peut qu'un jour il en annonce l'échec. Eh bien, même ce jour-là il aura répondu à son objet, à sa raison d'être. 

Le monde change et bouleverse les règles du passé. Il se pourrait bien qu'il essaie de changer même la place de l'homme et des autres êtres vivants au profit d'un ordre supérieur, - ce ne sera pas la première fois qu'il aura essayé... Une pensée n'est jamais de trop, une vie n'est jamais de trop, une oeuvre n'est jamais de trop. C'est le vide qui est toujours en trop. Il est manifeste autour de nous, il est partout, dans l'espace, dans la matière. Et il pourrait revenir si l'homme s'amusait à jouer un peu trop à l'apprenti sorcier.

Le vivant en général, et l'homme en particulier puisqu'il a la conscience d'être en vie, est une magnifique réaction à l'immobilité du vide. "Je pense donc je suis", - pas d'accord. Je vis donc je suis, oui. L'homme est un magnifique animal, mais il n'est pas le seul. L'homme est un être vivant fabuleux, oui, mais il restera un être vivant parmi les autres, du protozoaire à la baleine en passant par le singe Drako ! La technologie humaine ne sera jamais supérieure à ce statut basique qui est que l'homme appartient prioritairement au miracle merveilleux du vivant. Et tant qu'il ne perdra pas cela de vue, la terre restera un superbe paradis bleu... comme une orange !

Celui qui écrit ce journal est un être vivant. Il a un corps, un esprit, une culture. Il a un sexe, des désirs, il a la conscience du plaisir, il est émotif comme tous les mammifères mais il a cette intelligence particulière que tous les hommes plus ou moins ont. C'est cet être là qui écrit ce journal. Il ne va donc pas commencer à faire croire qu'il ne vit qu'en esprit et cacher ses peines, l'objet de son amour et les crises qui pourraient menacer cet amour ! Ce journal est le témoin d'un projet de vie d'un être vivant intelligent dont la vie s'est trouvée à cheval sur deux siècles et qui a décidé de faire don des créations de son esprit à une société d'être humains, - qu'elle en veuille ou non !.

 

 

 

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Mardi 24 juin 2008, Ceske Budejovice

Le lendemain de notre concert de la fête de la musique, un concert réussi où le binôme Titi-Guigui a été à la hauteur de nos espoirs, nous avons quitté Besançon, Karel et moi, en direction de la République tchèque. Bien sûr nous avons trouvé tous les deux le voyage beaucoup plus court que d'habitude, puisque d'habitude nous le faisons seuls. A deux c'est totalement différent. On peut parler, se reposer et gagner du temps sur les poses de repos nécessaires lorsqu'on fait, seul, de longs trajets.

Il faisait encore bien jour lorsque nous avons passé la frontière tchèque et Karel, avec son appétit vorace, a tenu à m'offrir un repas dans un restaurant convenable, et non à l'arrêt d'autoroute où j'ai l'habitude de prendre une collation. J'étais heureux de retrouver la République tchèque, ses paysages paisibles et vallonnés, ses maisons jaunes ocre, ses chapelles, ses petits étangs dans chaque village, ses sanctuaires au milieu des prés, les allées de pommiers, les églises, les saints Nepomuc sculptés au milieu des ponts, les places aux maisons à pignons. Je me suis aperçu aussi qu'après ces trois mois sans venue, j'avais sauté le printemps. C'est déjà l'été ici, les fleurs, les prairies à l'herbe haute, les fenaisons faites dans certains prés, les champs de pavot rose violacé, les céréales...

J'étais joyeux et un peu anxieux aussi de revoir Ludmila pour une semaine étrange où nous ne savons pas très bien où elle va nous mener. Mais enfin, le voyage était joyeux, Karel l'était aussi, dans le cadre de cette amitié profonde et paisible qui nous lie, mon vieux partenaire de cinq ans dont j'estime autant la personnalité que le talent.

A onze heures et quart nous arrivions à Tabor, je retrouvais le pont qui domine "la première retenue d'eau artificielle d'Europe centrale" comme disent les guides touristique, ce lac au nom biblique de "Jordan". Puis la salle de danse magnifiquement restaurée par l'étonnant Dvorak, homme d'affaire de Tabor qui avait déjà fait des miracles lorsqu'il a restauré l'ancienne brasserie, usine au style baroque qui est devenue, depuis cette restauration, une des plus belles pièce architecturale de la ville. Puis l'église avec ses petites lumières rouge sur le clocher, placée au faite de la colline sur laquelle la vieille ville a été construite. Karel a pris son sac à dos, heureux de n'avoir pas à porter son énorme clavier. On s'était arrangé pour qu'on nous prête un clavier sur place afin qu'il puisse venir en bus et les mains vides. Depuis qu'il a fait son infarctus, il était clair qu'il fallait qu'on ménage notre maestro.

La petite ruelle pavée, une autre encore plus petite à droite, menant à l'entrée de la cour derrière la maison de Ludmila. Le rideau de fer était à moitié ouvert, attendant ma venue. Ludmila a surgi dans la lueur du luminaire de son jardin, elle portait une longue jupe, doublée d'une tunique longue, ses cheveux étaient parfaitement préparés, son maquillage de même, elle était belle et avait cette distance qu'elle a toujours les premiers instants. Tout était donc normal...

Je suis donc bientôt là depuis deux jours, il y a des hauts et des bas, parfois il semble que tout soit comme avant, parfois le doute surgit. Hier j'ai croisé, comme à chaque fois, dans les rues de Tabor, l'inévitable poète Lumir, qui a dû accueillir la nouvelle de notre séparation avec la plus grande joie puisqu'il attend cela depuis qu'il a appris notre relation, et il a dû être très désagréablement surpris de me voir ressurgir sur la terrasse du café Havana ! Le malheur des uns fait le bonheur des autres et réciproquement.

Tabor est une sorte de village pour les acteurs culturels, pour tout ce petit monde qui gravite dans les sphères élitiques de la ville. Il est clair que l'annonce de notre séparation a couru de bouche à oreille et chacun, selon sa façon de se positionner par rapport à nous y a trouvé son compte. Mon retour a dû en surprendre plus d'un, d'autant que la nouvelle va faire le tour de la ville aussi rapidement que la précédente ! La vie des bourgades...

Ce matin nous sommes donc venus à Ceske Budejovice. Ludmila avait quelques cours et rendez-vous au conservatoire et j'avais pris rendez-vous avec Nicolas Roussel, le directeur de l'alliance française. Il faisait bon et chaud quand nous sommes arrivés et le temps s'est mis à se couvrir et à tourner à l'orage.

En attendant le rendez-vous avec Nicolas je suis allé marcher sur la place centrale. Il était onze heures et j'ai eu le grand bonheur d'entendre le carillon de l'hôtel de Ville. La mélodie a été empruntée à une chanson folklorique dont l'air m'a totalement ravi. J'étais un peu nerveux suite à une mauvaise nuit (j'ai bien parlé des hauts et des bas...) et cet air, presque enfantin, - une berceuse ? - m'a rendu le calme et le sourire... Oh ! il est seize heures (j'écris sur une terrasse, toujours sur la même place) et à nouveau le carillon ! Mais, dommage, c'est une autre mélodie, beaucoup moins prenante que la précédente. Mais quand même, ces carillons sont un vrai bonheur, ils ont le pouvoir de réveiller l'enfant espiègle et enthousiaste qui dort en nous.... Et qui me fera toujours préférer la joie de vivre à ses tourments. Et voici que le soleil revient ! Mon Dieu que la vie est belle !

 

 

 

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Samedi 28 juin 2008, Tabor 

"Bien sûr nous eûmes des orages..."

Et bien sûr, pour l'avoir chantée des centaines de fois, j'ai souvent, ces derniers temps, pensé à cette chanson...

Je l'ai traduite, et chantée à Ludmila, c'était avant hier, et, ce faisant, je me suis rendu compte à quel point cette chanson était étrange... En effet, seul le refrain, avec ses mots "magiques" mais si peu nombreux : "mon doux mon tendre mon merveilleux amour", pouvait donner de cette relation un aspect positif. Tout le reste n'était qu'orages justement, scènes violentes où les meubles se retrouvent en miettes, alcool, infidélités, déchirures. Le couple se retrouve dans ses conflits, nommée "la tendre guerre", et justifie sa raison d'être par la négation de la paix "mais n'est-ce pas le pire piège, que vivre en paix pour des amants..."

Est-ce si juste que la paix soit le pire des pièges ? La paix est-elle la monotonie, le poids de l'habitude, l'ennui ?

Pourtant il y a des couples qui vivent en paix et qu'il fait bon de regarder vivre...

Je pense que la tendre guerre n'a qu'une fonction, c'est d'essayer de réparer quelque chose, quelque chose qui n'est pas inhérent au couple, mais qui est inhérent à chacun des membres du couple. Ou plutôt la tendre guerre c'est la conséquence de ce quelque chose lié à un membre du couple, mais plus certainement aux deux, un quelque chose qui prend, dans le contexte du couple, une dimension plus manifeste, qui se révèle en lui, qui explose dans le contexte du couple. Quel est ce "quelque chose", d'où vient-il ?

Je sens les psycho ceci cela de tout bord dresser les oreilles. Nous entrons dans leur domaine. "que va-t-il nous dire que nous savons déjà ce dilettante ?" Mais oui, bien sûr que vous connaissez cela. Mais je resterai concis. Je pense que le "quelque chose" qui surgit dans le cadre d'un couple c'est un héritage. Un héritage majoritairement familial qui nous a laissé en tête de multiples archétypes, des vers comme on les a appelés en informatique, et chacune des ces "choses" sont prêtes à se changer en d'autant d'angoisses, petites ou grandes, qui vont influer sur notre comportement. A partir de là, tenter d'agir avec raison est une illusion pure. Chaque micro angoisse va déterminer des réactions inconsidérées et incontrôlables, et, dans le cadre du couple, ces micro-angoisses vont développer peu à peu des sources de conflits, des peurs aveugles et inexpliquées, qui vont provoquer des réactions chez l'autre elles-mêmes conditionnées par ces micro-angoisses, - et voici la tendre guerre qui commence...

A partir de là, la porte est ouverte à toutes les extrêmes, mais aussi, pourquoi pas, à quelques tentatives de réparation. Un plein vaut toujours mieux qu'un vide, et, à deux, il est toujours plus rassurant de se déchirer. La solitude reste la pire des situations lorsque quelqu'un souffre et est en danger.

La solution, la seule il me semble, est le dialogue. Encore faut-il qu'il soit voulu, encore faut-il qu'il soit accepté, encore faut-il que les protagonistes en soient capables. Car le langage a ses pièges, l'esprit humain a ses limites, et pour être capable de dialogue, il faut être capable de se mettre à la place de l'autre, ce qui demande des qualités d'abstraction, et il faut surtout être capable d'accepter de se libérer de ses propres angoisses, ses doutes, ses complexes d'infériorité et toutes ces barrières qui nous enferment dans nos propres problématiques.

La tendre guerre est commencée. Jalousies, malentendus, archétypes surgissant et déformant la réalité, donnant à l'autre le masque de ses fantômes, idées fixes, phantasmes, bref, un cortège de peurs qui se projettent sans jamais s'avouer, qui nous poussent à faire porter au conjoint des fautes dont il n'est pas responsable, voire même le poussant à devenir ce qu'il n'est pas...

La tendre guerre jusqu'ici n'a rien de tellement intéressant, rien qui mérite qu'un artiste comme Jacques Brel le porte à ce niveau de qualité qui vaille qu'il le préfère à la paix, "le pire des pièges".

La tendre guerre, si elle pouvait avoir une quelconque valeur, serait le moment où le couple, poussé par les vraies raisons de son attachement, à savoir la valeur incontestée que peut avoir chacun des amants pour l'autre, poussé par la reconnaissance d'avoir passé des moments exceptionnels, poussé par une attirance mutuelle jamais remise en cause, poussé par une vie sexuelle vécue comme une vraie valeur et source de plaisirs forts et partagés, - car mon dieu, le plaisir est quand même fait pour encourager deux êtres à poursuivre une relation en commun - La tendre guerre donc, si elle pouvait avoir une quelconque valeur, serait le moment où un couple, motivé par la force de son attraction, et désirant la faire perdurer, commence à vouloir essayer de comprendre pourquoi il s'est déchiré, d'où viennent les fantômes, les archétypes, les angoisses qui sont venues le hanter.

Qui se ressemble s'assemble dit-on. On se rapproche parce qu'on se comprend, et on se comprend car on a des comportements voisins. Les névroses s'attirent... Et bien sûr les névroses explosent ensemble. Ou s'annihilent (je n'y crois qu'à moitié). Bref, en explosant elles se révèlent. Foucault disait "le déviant révèle la loi". Quand les fantômes apparaissent, ils ont au moins l'avantage de montrer qu'ils existent. Alors, ou bien ils font éclater le couple, ou bien le couple, découvrant qu'il les subit à ses dépends, décide d'y faire face et essaie de les démasquer, de les comprendre, de les dominer. Ce n'est pas chose facile, c'est douloureux, c'est dangereux, c'est compliqué et notre intelligence a ses limites.

La tendre guerre c'est au moins d'essayer. Un travail sur soi-même, même si on n'arrive pas à le réussir totalement, apporte toujours un peu plus de clarté, et, quoi qu'en sera le résultat, de l'avoir commencé sera toujours un atout pour l'avenir.

Nous en sommes là, Ludmila et moi. Nous cherchons, nous trouvons, une clarté de plus, jamais certainement la dernière, mais on a eu l'impression d'avancer. Nous avons réussi à nous retrouver, ici, maintenant, pour ce séjour de dix jours. Ce que sera le mois, les mois suivants? Nous n'en sommes pas complètement certain. Mais nous avons fait face pour beaucoup de choses, et si nous sommes certain d'une chose, c'est que nous avons avancé, un petit peu, et que ça valait la peine, et la beauté des moments partagés en a été la preuve.

Cet après-midi nous partons pour le sud de la Moravie, nous dormirons quelque part près de la frontière autrichienne. Demain nous irons à Vienne où je veux visiter son magnifique musée qui contient une grande partie des tableaux qui ont fasciné mon adolescence. Ludmila voudra aller retrouver les traces des compositeurs qui ont fait la richesse de l'empire dont son pays faisait partie, empire qui a toujours donné une grande place à la musique, et toujours donné une grande place aux compositeurs tchèques.

Et puis nous rentrerons à Tabor, et je rentrerai en France. Et j'espère que nous aurons réussi à mettre fin à cette terrible période qui a commencé début avril, une période conditionnée par une suite de peurs destructrices, - peurs qui, en nous emportant dans leurs tourbillons infernaux, nous ont au moins appris qu'il fallait cesser d'en être les esclaves, et qu'on avait d'autres choses à vivre ensemble que leurs noirs remous...

 

 

 

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Lundi 30 juin 2008, Mikulov 

 

Dernier jour de juin. On oublie une année scolaire, les élèves de tous bords sont heureux d'entrer en vacances, certains connaîtront leur première histoire d'amour cet été, entrant sans s'en rendre compte dans le grand mystère de la relation à l'autre...

 

Hier nous étions donc à Vienne, Autriche. La capitale de l'ancien empire austro-hongrois était en prise avec un énorme fléau, le football... En plein centre historique, si j'ai bien compris, on avait installé le stade pour la finale de la coupe d'Europe (ou ce n'était pas le terrain mais juste un endroit où voir le match). Il y avait partout des cars de CRS (enfin, leur équivalent autrichien) et partout des groupes de supporters bariolés, des drapeaux peints sur le visage, des vêtements sortis de la garde robe de clowns, des drapeaux en guise de cape, des bouteilles à la main et hurlant des hymnes inconnus dont certains contenaient le mot "allemagne", d'autres le mot "espagna", cela traduit en autant de langues parlées par ces apaches bruyants de toutes nationalités.

 

Nous avions prévu de visiter le musée des Beaux-arts... On peut penser à quel point nous étions en phase avec ce qui était en train de se passer ! Entre les deux énormes palais, l'un abritant le musée des beaux-arts, l'autre abritant les musées d'histoire et d'histoire naturelle, au lieu du très joli jardin qui sépare ces colosses baroques, avait été construit pour quelques jours une sorte de bâtiment à étages sur une base d'échafaudages et de toiles plastiques aux couleurs du maître d'œuvre, celui qui a aussi donné ses couleurs au père noël, le sponsor coca cola ! C'était tout à fait réjouissant ! Qu'on ajoute à cela la pagaille qui régnait sur les lieux, les flics, les alignements de camionnettes de télévisions surmontées de grosses paraboles, et sans oublier une chaleur poisseuse rendue assommante par les bruits de supporters, de sonos colossales installées partout, vous devinerez que notre journée dans la cité romantique de Litz, de Beethoven, de Schubert et de Mozart a été quelque peu écorchée ! Le petit appareil numérique de Lida nous a permis de rapporter au moins une photo de de joli contraste d'histoire et d'hystérie médiatique, mais c'est à des kilomètres de la réalité ! Ce qui m'avait surtout intéressé sur cette photo, c'est les palettes de bouteilles posées à côté de la fontaine. On y voit personne car cet endroit n'était pas ouvert au public.

 

 

Ludmila a tenu a me présenter un personnage qu'elle connaît depuis toujours puisqu'ils sont nés en même temps, dans la même chambre de maternité et que les parents n'arrivent plus à se souvenir lequel des deux est sorti le premier, -  il s'agit du surnommé Baron. "Mister Baron" est un personnage comme on croit qu'il en existe seulement dans les livres ou les films, un extraterrestre tombé parmi le monde des hommes dont il a bien du mal à s'accommoder de la sociabilité. Ludmila m'en avait souvent parlé puisqu'ils mangent ensemble régulièrement mais elle n'avait encore jamais osé nous présenter, craignant la réaction que pourrait avoir son étrange compagnon, ou, peut-être encore, préférant garder pour elle leurs "débiles", comme elles les qualifie en riant, communications. Le mot même de "Baron" remonte à ces temps où ils étaient au lycée ensemble et où, en se nommant "baron" et "comtesse", ils se moquaient ouvertement du communisme qui régnait à l'époque tant à la tête du pays que dans les lycées. Il s'avère que déjà Baron était un élève brillant, passionné de chimie et d'expériences biologiques, ce qui lui coûta un oeil. En effet il s'exerçait à des expériences à la maison et une explosion d'acide lui brûla l'œil droit dont il a toujours aveugle. Baron mesure presque deux mètres et doit approcher les cent cinquante kilos. Il a vraiment l'air quand on le regarde, ou quand il éclate de rire, d'être un demeuré qui aurait bloqué son évolution psychique à l'age de neuf ans. Mais l'homme est un chercheur émérite en pharmacie, employé depuis l'année dernière par l'Université de Vienne. Il a déjà réalisé des conférences dans le monde entier, vit dans une chambre de l'Université et, dès qu'il est en vacances, il rentre chez ses parents à Tabor. 

Quand il va manger chez Ludmila, son père le conduit devant la porte à sept heures, et revient le chercher vers une heures du matin. 

Baron n'a pas le physique vraiment idoine pour rencontrer quelqu'un du sexe opposé pour lequel il dit ne ressentir aucune émotion. Ludmila a pensé qu'il pourrait plutôt être homosexuel sans pour autant n'avoir jamais pratiqué. Non, la vie de Baron ce sont ses recherches en pharmacologie, il est spécialisé dans les comportements de végétaux quasi indestructibles, les mousses, et... le ventre ! Car Baron est un mangeur pantagruélique ! 

 

Une des raisons pour lesquelles Ludmila avait eu peur de nous mettre en présence, c'était nos différences de convictions politiques. Baron est royaliste !

 

Donc nous avons retrouvé le fameux Baron en face le vieux bâtiment de l'Université et bien sûr, la première chose qu'il nous a signifiée c'est qu'il fallait fuir le bordel footbalistique du centre ville et nous a invité à nous ruer dans le métro pour rejoindre un endroit plus calme. 

Sentiment partagé, nous étions d'accord sur ce premier point !

 

Il nous a conduit vers le très joli Stadt Park à l'Est de la ville. Magnifique parc de style art nouveau où devait se trouver un très romantique et très aristocratique restaurant. Seulement le mal était venu jusqu'à ce joyau historique. Un immense écran géant avait été dressé face aux magnifiques terrasses du restaurant bondé de monde et où une sono puissante diffusait les commentaires du journaliste sportif ! Un cauchemar pour les trois âmes sensibles que nous étions ! Nous avons dû choisir un restaurant moins prestigieux où il n'y avait évidemment personne, ce qui nous a assez bien convenu. Baron qui venait de terminer un gueuleton avec son vieil oncle, lui-même professeur à l'Université, se proposa de renouveler l'opération avec nous, il avala un litre de jus de pomme et deux escalopes de porc à la viennoise garnies de légumes et de salade !

 

Nous avons réussi à passer deux heures sympathiques ensemble, passant des conversations les plus sérieuses aux blagues les plus puériles, celles dont Baron et Ludmila ont l'habitude de partager ensemble, d'un âge mental correspondant à celui mentionné plus haut. J'étais prévenu et finalement, je préférais encore ces délires rétrogrades que les délires bruyants qui déferlaient dans la ville devant les écrans géants !

 

Il semble que le sauvage et asocial géant se soit accommodé de ma présence, j'en étais heureux car je sais combien cette vieille amitié est chère pour Ludmila et je crois qu'elle était heureuse qu'enfin je rencontre son très étrange ami et que cette rencontre se passe bien.

 

Voici une photographie que nous avons réalisée ensemble, photographie qualifiée ainsi par Baron : "deux nains devant un géant de musique" le géant étant bien sûr Yohan Strauss, le compositeur viennois par excellence, dont la musique est aussi lourde et ampoulée que cette vieille capitale d'un empire d'opérette :

 

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Mardi 1er juillet 2008, Trebic (Třebíč), Moravie

 

Un vrai petit air de vacances dans la cour de cet hôtel installé dans l'ancien quartier juif de cette petite ville de Moravie. Ludmila était très heureuse de visiter ce quartier juif si bien conservé qu'il a été classé patrimoine mondial par l'Unesco. Il faut dire qu'elle prépare pour le mois de juillet une conférence sur la musique dans le camp de Therezin, conférence qu'elle va présenter dans un festival de musique Yiddish en Pologne, dans la ville de Sopot.

 

La promenade hier soir dans ce village juif installé sur la rive gauche de la Jihlava, la ville principale ayant été installée sur la rive droite, a enthousiasmé ma petite amie qui, depuis son enfance, et par le fait que sa grand tante était mariée à un juif de Tabor qui a été déporté et est mort en camp de concentration, garde pour la culture et la population juive un attachement particulier. Elle est un membre actif, avec sa sœur et ses parents, d'une association de Tabor, Adama, qui travaille à la mémoire des juifs de Tabor et de République tchèque. Ils organisent régulièrement des voyages dans des lieux de mémoire, organisent des concerts de musique Yiddish et des événements de remémoration pour les familles disparues lors de la seconde guerre mondiale.

 

Et c'est vrai que ce petit village construit autour de sa synagogue est vraiment charmant, des ruelles pavées, des traverses menant à des escaliers, des balcons, des cours, des places, le tout comme blotti entre rivière et colline, comme si les gens avaient voulu se sentir proches les uns des autres, dans des proportions restreintes où l'impression d'intimité est manifeste. En revanche, ce qui me surprend est la forme d'autarcie où ils semblaient vivre, il y a l'hôtel de ville du quartier juif, il y a l'hôpital, il semble que la communauté ait vécu comme une ville dans la ville. Cette situation ne devait pas aider les populations à vivre comme des égaux et, familier des valeurs républicaines d'égalité, cette forme de société à deux vitesses me surprend. Il est évident que pour les nazis débarquant en République tchèque il n'a pas été difficile d'aller cueillir les populations juives dans leurs ghettos... Qui aurait pu les en empêcher ? Les tchèques qui vivaient de l'autre côté de la rivière ? Et pourquoi, puisque de toute façon ils ne vivaient pas ensemble ?

 

En tout cas, pour revenir à Trebic, où se trouvait le plus grand ghetto de République tchèque, constitué de 123 maisons, il semble que l'accueil de la communauté ait correspondu à une volonté généreuse d'un aristocrate local. Les premières mentions de son existence remonte à 1410 et il semble que la communauté se soit associé au développement industriel, commercial et artisanale de la ville. La quasi totale "épuration" (quel mot horrible !) raciale de sa communauté est pourtant la terrible sanction de cette urbanisation communautariste... 

 

Avant de rentrer à Tabor, et avant mon retour en France demain (hou la la, ça va être dur !) Je voudrais rendre hommage à cette petite ville de Moravie, qui a accueilli les meilleurs moments passés ensemble, Ludmila et moi, lors de ces petites vacances en Moravie. Tout d'abord il faut tout de suite dire que les Moraves sont des gens extrêmement sympathiques. Ils vous accueillent en souriant, ils vous parlent d'une voix douce, ils n'hésitent pas à vous glisser un petit mot gentil. Ce n'est pas pour critiquer les habitants de bohème, il en est des sympathiques aussi, mais après avoir dû supporter le visage fermé de multiples serveurs ou serveuses de bar en bohème, je peux quand même me permettre de dire que ça n'a quasiment jamais été le cas en Moravie. Un ami de Tabor, originaire de Moldavie, Théodore, dit souvent qu'il y a deux types de population, ceux qui boivent de la bière et ceux qui boivent du vin. En bohème on boit de la bière et le folklore est de la famille des folklores autrichiens et allemands. En Moravie, grand producteur, on boit du vin et le folklore appartient à la même famille que la Hongrie, la Slovaquie et jusqu'à la roumanie. Deux cultures en fait, deux mentalités, et il est surprenant que, dans le même pays, la République tchèque, vivent deux populations aux mentalités si différentes. Pour le voyageur il est clair qu'il voyagera dans l'une et l'autre région dans un état d'esprit très différent. En Moravie on se sent bien, il est vrai que le vin est bon, et, pour être juste, il est vrai aussi que la Starobrno, la bière locale, est bonne aussi.

 

Alors dans le cadre accueillant de la petite ville de Mikulov, nous avons passé des heures magiques, sous l'œil complice des habitants de la ville. Je ne saurais trop conseiller aux amoureux de tous les pays d'aller passer deux jours dans la petite bourgade, d'y manger, d'y boire, d'y visiter son château, son église.... et de se sentir bien, comme un couple qui se serait rencontré une semaine avant...

Voici une image de la petite ville :

 

 

 

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Lundi 21 juillet 2008, St Pierre Quiberon 

Me voici revenu sur ma bonne vieille Presqu'île de Quiberon. J'y ai retrouvé quelques amis, Philippe au camping municipal de Kerhostin qui cette année est venu de Belgique avec, en plus de son fils, un nouveau compagnon, un bouledogue anglais de deux ans, qui boite, qui a un corps proportionné comme une saucisse de Toulouse et qui ne semble pas plus agile que ladite saucisse ; qui a une mâchoire inférieure qui dépasse de dix centimètres en longueur la supérieure, qui pète régulièrement, qui rote aussi, surtout la nuit quand il dort à côté de son maître ! On retrouve dans l'idée de croisement de cette race de chiens toute la cruauté un peu cynique de l'esprit anglais ! Mais bon, ces bouledogues sont extrêmement gentils, ce qui vaut mieux pour eux car, avec une gueule comme ça je me demande comment ils arriveraient à mordre ! Pauvre Bill ! Mais j'étais content de retrouver mon compagnon Belge, avec ses drôles d'habitudes aussi, sa bonté, son humour, et son anticonformisme surprenant !

Les autres amis je les ai retrouvés dans les restaurants où je vais jouer depuis de longues années, notamment les équipes du restaurant de la Criée, celles du Vivier et de la Strada.

A la Criée Laurent, Odile, Françoise étaient là, souriants, détendus, le restaurant n'a pas encore son régime maximal comme ce sera le cas au mois d'août. On a le temps de causer... mais comment ça se fait que Sandy n'est pas là ? Regarde me dit Odile, ils viennent d'avoir un petit bébé, il a deux mois ! Et elle me montre deux photos. Je vais féliciter le papa, Laurent, qui est en train d'ouvrir dix huîtres à la seconde !

Puis j'attaque mon tour de chant, le public est bienveillant, écoute, applaudit et ne rechigne pas sur le salaire du musicien. A la fin je propose à Laurent notre petit duo. Pas de problème, c'est pas la grande bourre, y'a l'temps !

Et nous voici partis à interpréter "La Bernique" un pastiche des "Amants de Saint Jean" version coquillage. Succès garanti, frénésie parfois, Laurent fait un tabac avec sa chanson (il a écrit les paroles, sauf un dernier couplet, rajouté sur le tard par Rémi Sabot). Je vais essayer de nous enregistrer cette année car Laurent fait sa dernière saison à la Criée, il a décidé de s'installer à son compte et je ne sais pas si nous pourrons rechanter ensemble cette pièce d'anthologie !

Côté Vivier, Jacques m'a accueilli avec un beau sourire de bienvenue, comme l'équipe, en tout cas celles qui travaillent ici depuis plusieurs années. Même Véronique, qui ne se gène pas pour m'envoyer des fions pas piqués des verres (en gros la musique ça l'emmerde !) m'a salué avec un joli sourire, très touchant. Une histoire de frères ennemis en somme. Ceci dit je n'ai pas encore réussi à chanter au Vivier car j'arrive tard et la clientèle de juillet se précipite d'aller au lit, donc il n'y avait plus assez de monde quand je suis arrivé.

Enfin, dans les établissements où je chante depuis des années, il y a aussi la Strada. J'y ai appris que le patron a bien failli nous faire un départ précipité pour la grande bleue sombre en fin de saison dernière ! Heureusement la médecine a pu intervenir à temps et je l'ai retrouvé en forme, contrairement à l'année dernière où de mauvais vertiges ne laissaient rien présager de bon... Il faut dire qu'il n'est pas tout jeune notre pizzaïolo ! Et que le boulot ne manque pas à bord de la strada !

Du côté de port Maria, le restaurant "Côte et Mer" a été vendu. Nouvelle équipe à part le cuisinier, Baptiste, et un serveur, Fred, très sympas tous les deux.

Enfin, parmi les bonnes adresses, il y a aussi la Chaumine. La patronne est toujours un peu rétive quand je débarque, elle a tellement peur que sa clientèle se plaigne de ma présence, comme ceux qui lui ont déjà fait remarquer que "ça fait trop de bruit" ! J'ai donc dû adapter le répertoire, avec des chansons très softs et surtout, savoir que : plus les clients sont bruyants, moins je dois l'être. La méthode a fait ses preuves et, finalement, c'est encore chez elle que j'ai le plus d'écoute et que je retrouve d'une année sur l'autre des habitués qui sont heureux de me faire la conversation. La patronne m'a imposé un quota : deux passages par semaine, eh bien soit, je m'y tiendrai, le compromis vaut mieux que la nervosité du non dit.

Ceci dit, je commence vraiment à me dire que Quiberon et la manche dans ses restaurants, il serait peut-être temps, après vingt ans de bons et loyaux services, de me retirer du jeu. Chaque année, c'est comme si j'avais rendez-vous ici avec l'âge que j'ai atteint. Où est-il le temps où je rentrais le soir rejoindre ma bande de potes autour du feu sur la plage de Kerhostin, et avec lesquels on festoyait jusque très tard dans la nuit ! Le temps où j'allais boire quelques Rhum au Nelson où on faisait passer les filles de l'autre côté du bar, au temps de Pascal, pour lui piquer son soutien gorge ! Le temps où on entendait le tube de Little Rabit "La mer", les Cramberries et autres tubes marrants dont les Négresses Vertes, le temps des batailles aux pistolets à l'eau, c'était toujours au Nelson, et puis, à l'heure de la fermeture, le transfert au Suroît où on s'égosillait sur les tubes de Téléphone et autres groupes, français ou anglais, mais qui avaient avaient l'avantage de pas faire entendre une sempiternelle rythmique d'usine... Ce n'est pas tant que les choses aient tant changé que le fait que, ce qui a été vécu à cette époque, a bien été vécu, et que les plats trop réchauffés n'ont plus de goût. C'est pourquoi je me dis qu'il serait temps, en fin de cette saison, de mettre un point final à l'aventure quiberonnaise, et laisser l'écume du sillage se refermer sur un souvenir définitivement clos...

Et voguer vers d'autres mers, d'autres océans, d'autres ports, d'autres continents...

 

 

 

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Lundi 4 août 2008, Saint-Pierre Quiberon 

 

Les pages ne s'alignent pas à une cadence infernale... Je ne pourrais même pas alléguer les vacances, la plage et toute la chaîne des valeurs touristiques, mais une somme d'activités usuelles et gourmandes de temps d'autant que, animateur musicien de touristes à midi, et rebelotte le soir, ça finit par ne pas laisser une grande place pour l'inspiration d'un diariste.

 

Mais aujourd'hui lundi, c'est jour de congé ! Oh que c'est bon ! Alors ce soir je prends mon portable sur le dos et m'en vais écrire sur la terrasse du Bigorn'Eau face à la plage de Saint Pierre. Je n'aime pas trop les paysages en photographie. En tout cas, je n'aime pas en faire. Mais là j'ai comme une petite envie de décrire ce que je vois devant moi. Exceptionnellement je ne parlerai pas des gens qui m'entourent. Je vois tous les soirs s'aligner des centaines de consommateurs de l'autre côté de ma guitare, et j'avoue que mon désir de parler d'eux s'est légèrement émoussé... Non, parler d'un paysage, presque minéral, nu de la présence humaine même si elle est bien présente, surtout phoniquement (conversations, rires, bruit de verres qui tapent sur les tables quand on les repose).

 

En face de moi, donc, il y a cette jolie baie qui va de la noire présence d'un bois de pins maritimes, à gauche, à un réverbère qui illumine l'extrémité de la jetée qui ferme le port. Port, plage, c'est un peu les deux, bien que le port n'abrite pas beaucoup de bateaux... si en fait, quelques barques qui luisent sur l'eau presque noire. La lumière baisse très vite, malheureusement. Lorsque je me suis installé il y avait plus de bleu sur l'eau, maintenant il se fait rare. C'est l'heure où la photographie remballe son matériel. C'est l'heure où seul l'œil peut être témoin. Et c'est bien comme cela. Le ciel est assez sombre lui-aussi, ne laissant présager rien de bon pour demain. Mais, sur la droite, les nuages laissent percer quelques grandes brossées de bleu clair, contrastant avec la masse sombre des nuages. De l'autre côté de ce qu'on appelle "la baie", au loin, les lumières oranges et blanches de Carnac ou de la Trinité. Cela scintille avec l'humidité de l'air, magique : je serais un homme préhistorique, je deviendrais croyant.

 

Quand on y regarde de près, je veux dire attentivement (sinon je serais trempé), l'eau n'est pas totalement noire. On y voit des traces pulvérulentes de bleu plus clair sur lequel des bouées rouges se dandinent comme des lutins marins. J'en viens à rêver d'y voir la lueur stellaire des planctons phosphorescents. Une amie m'a parlé de ce curieux phénomène. Dans certains endroits, si l'on marche dans l'eau, la nuit, le plancton s'illumine sous nos pas, laissant des taches de lumière bleue électrique derrière soi. Jamais vu ça, mais j'adorerais !

 

Tiens, assise sur la jetée, sur ma gauche, une fille blonde écrit un SMS sur son portable. C'est joli un être humain qui s'isole pour se consacrer à un moment d'intimité. Ne fut-ce que GSMesque... Que dire aussi de ceux qui marchent en groupe le long de la jetée ? Non, vraiment, ils n'ont aucune allure, rien à en dire...

 

J'oubliais de parler de l'alignement des maisons éclairées à toutes leurs fenêtres, sur ma gauche, face à la plage. L'effet n'est pas médiocre. Les architectes, même si ce n'est pas du "style d'époque", ont bien fait leur travail. Les bateaux aussi qui sont posés pèle mêle sur le haut de la plage ont fière allure. D'ailleurs maintenant plus personne ne marche sur toute la zone face à la plage et c'est mieux ainsi. Carte postale ? Rien à voir. De toute façon ce serait trop sombre, les gens trouveraient ça triste. Les Français sont déprimés paraît-il, un rien les attriste. 

 

J'ai vu ce matin une jeune femme dans un super marché qui était sensée étiqueter des produits et placer des objets dans les rayons. Mais en fait, au moment où je lui ai demandé "Excusez-moi Mademoiselle !" Elle ne faisait rien. Ma question la fait sursauter et elle me dit : "Excusez-moi je rêvais !" Je lui ai donc posé ma question fatidique : "Pourriez-vous me dire où je peux trouver une serpillière ?" Mais à peine ma question posée que je la regrettais. Elle rêvait... J'aurais dû la laisser rêver. Rêver c'est être un être humain, c'est être libre. Les gens ont peur de s'arrêter d'agir pour rêver. Comme si l'immobilité, la fin de l'activité présageait l'arrivée de la mort. Pourtant les gens qui s'arrêtent et qui rêvent sont les plus libres des êtres humains. Finalement il n'y avait plus de serpillières et la jeune femme m'a dit, "oh vous savez, vous n'avez qu'à aller chez le concurrent, c'est sûr que vous en trouverez !" Décidément cette jeune femme était très sympathique !

 

Les commerçants de la Presqu'île trouvent cette année que les gens sont bizarres. Moi qui suis une forme de commerçant avec ma guitare sur le ventre, je trouve aussi que cette année les gens sont bizarres. Ils comptent. Il y a bien sûr toujours des gens très gentils et très accueillants et très contents de retrouver le "chanteur de Quiberon" qui leur fait oublier que le temps passe. Mais je trouve qu'il y a de plus en plus de gens qui regardent leur assiette fixement quand vous passez près d'eux pour leur demander une petite pièce. C'est  terrible comme ils semblent tristes et fermés lorsqu'ils regardent ainsi leur assiette... On a l'impression qu'ils sont dans la salle de veillée d'un funérarium et qu'ils regardent le gisant de leur ancien voisin... Les gens ont des imaginations spéciales : quelle idée de s'imaginer dans un funérarium quand un chanteur qui vient de chanter s'approche de vous pour vous demander une pièce ! Je les regarde à mon tour avec compassion en pensant qu'il est bien triste d'avoir l'air si triste quand on est en vacances !

 

Mais j'ai appris des trucs super de mes spectateurs. Un jour, au restaurant La Strada, je joue "C'est extra". Déjà un vent d'enthousiasme retentit lorsque je commence la chanson, ce qui n'est pas si commun. Et puis, à la fin de la chanson, une belle vieille dame se met debout et s'exclame : "Messieurs Dames sachez que cette chanson de Léo Ferré a été composée au 21 du boulevard Chanard à Quiberon !" Voyez vous ça ! Je suis donc allé m'enquérir de quelques détails auprès de la belle dame qui devait avoir une soixante-dizaine d'années. Léo Ferré était donc chez son Mari qui a créé le bar le Colibri. Il y avait là une fille qui disait tout le temps "C'est extra, c'est extra". Sur un grand tableau, dans la soirée, Léo a écrit "C'est extra c'est extra c'est extra" et le lendemain, au matin, la chanson était écrite. Je voulais rencontrer le Mari de la Dame, elle m'a écrit son nom et son numéro de téléphone sur un papier, mais je l'ai perdu.... On n'en saura donc rien de plus...

 

Une autre fois, alors que je venais de chanter "Une chauve souris aimait un parapluie" Une dame très gentille me dit : "j'ai connu le père de Thomas Fersen. On travaillait dans la même banque. Il semblait à l'époque que le petit, qui ne s'appelait pas encore ni Thomas ni Fersen, était le vilain petit canard de la famille." Eh bien soit, c'est en étant petit canard que le jeune homme a cultivé un univers d'animaux, de héros et d'ogresses qui ont fait de lui un des meilleurs auteurs compositeurs de la nouvelle chanson française. Comme quoi la vie a parfois une justice !

 

J'ai appris aussi que la femme d'Henri, la seconde femme d'Henri, est morte au printemps. Elle était déjà malade l'année dernière, mais, quand j'étais allé chanter pour eux au camping, elle avait paru tellement heureuse ! Comme quoi il vaut mieux sourire quand le chanteur a chanté, on a bien le temps de porter le masque de la tristesse... Henri était pêcheur à Kerhostin. Il avait l'art de se faufiler avec son bateau entre les rochers de la côte sauvage, personne ne connaissait les hauts fonds comme lui, et personne n'aurait osé le suivre dans cette zone si dangereuse. Un jour m'a-t-il dit, le feu a pris dans son moteur et son bateau a brûlé. Sans bateau il a dû arrêter de travailler. Son fils a repris ses affaires et Henri lui donne un coup de main. Sa nouvelle femme, la pauvre défunte, ne voulait pas vivre à Kerhostin. Elle trouvait que l'hiver était trop triste sur la Presqu'île. Alors ils ont déménagé à Vannes. Mais Henri avait négocié qu'ils passeraient tout l'été sur le camping de Kerhostin, dans une caravane de Manouches, belle et spacieuse. Ils y venaient en juin et repartaient à Vannes en septembre. Après mon petit concert en l'honneur d'un anniversaire où tout le monde avait chanté avec moi et s'était bien amusé, la femme d'Henri a raconté qu'Henri avait fait faillite et qu'il avait dû vendre son bateau. Il n'avait tellement pas pu accepter de vendre ainsi son bateau qu'il disait à tout le monde que son bateau avait brûlé... La fierté du pêcheur....  Quelque chose de très respectable....

 

Ce matin, avec Théo, nous avons fait un grand grand ménage. Car mon ami Philippe, de Bruxelles, nous a prêté sa caravane depuis son départ, hier. Je connais Philippe depuis des années, c'est un personnage sensible, intelligent, pas un type pincé à la culture en bandoulière, non, mais un vrai être humain, avec un bon sens généreux, attentif. Philippe n'a pas toujours été très chanceux dans sa vie. Il a connu à Kerhostin la petite serveuse du café "La Chaloupe", une bretonne de dix-sept ans. Lui avait le double de son âge. Quand le père de la jeune femme a appris leur relation, il a coincé Philippe quelque part et lui a foutu une raclée. Après il lui a dit : "allez, viens boire un coup à la maison, on va causer". Et c'est ainsi qu'une longue relation a commencé. Ils ont eu un enfant, Julien, qui maintenant a quinze ans. Philippe a d'abord travaillé comme croque mort. Mais cela le déprimait bien qu'il gagne bien sa vie. Il est devenu alors serrurier. Mais de plus en plus il a été sollicité par les huissiers pour aller ouvrir des appartements qui allaient être saisis. Voir les gens se faire ainsi spolier de leur bien l'a déprimé. Philippe a pété les plombs. Plus le diabète qui commençait à faire des siennes, Philippe s'est laissé sombrer. Sa femme, la petite bretonne de Kerhostin avait pris quelques années pendant lesquelles ils avaient vécu avec des moyens très satisfaisants. Soudain l'argent vint à manquer, son homme fragilisé, irascible. Elle a fini pas mettre les voiles, les Bretons ont l'habitude de mettre les voiles... Philippe a fini par se retrouver dans une caravane, dans un camping à la banlieue de Bruxelles où vivaient des gens assistés par l'aide sociale. On allait demander à manger au secours populaire et à la croix rouge. Philippe s'était rendu compte que les deux organismes étaient en concurrence. Alors il allait au secours populaire et il disait : oh la la, j'ai des amis qui vont à la Croix rouge et il paraît qu'ils sont radins là bas, ils leur donnent trois fois rien" et la bonne sœur qui était de service, trop contente qu'on tape sur le concurrent, lui remettait une dose de viande, de légumes et de yaourts ! Et il refaisait la même chose à la Croix Rouge ! Ca a duré quatre ans le camping, vivre au milieu des SDF et des alcooliques, ça donne de mauvaises habitudes. Philippe a repris un appartement, mais n'a pas réussi à reprendre une vie totalement normale. Avec son ex-femmes les conflits sont fréquents et le diabète et les problèmes de santé n'aident pas. Souvent il baisse les bras, puis se relève, trouve du travail au noir de ci de là, puis se laisse vivre et se reprend. 

 

Il m'a avoué que depuis les dix ans environ qu'il s'est séparé de sa femme il n'a pas connu d'autre femme. Philippe c'est un sentimental, et puis il aime les femmes plus jeunes car le temps qui passe le déprime. Lorsqu'il a eu ses premiers cheveux blancs il s'est complètement rasé les cheveux, il ne pouvait pas supporter ces marques de vieillissement.

 

Cette année j'ai invité Philippe à venir me rejoindre à Quiberon pour boire un verre. On a croisé quelques amis, discuté, puis par deux fois on est allé finir la soirée au Suroît, la boite de Quiberon où il s'est remis à danser comme dans sa jeunesse. Il m'a remercié de l'avoir fait sortir du camping, il m'a remercié aussi pour tous ces moments passés à discuter autour d'un verre de rosé, de jour comme de nuit. Il m'a dit : "Ca m'a fait vraiment du bien, tu sais. A Bruxelles, je ne sors plus, on ne va même plus au cinéma avec Julien, - avant, pourtant, on aimait ça. Mais ça va se terminer tout ça. Je vais foutre dehors des gens qui me collent aux basques depuis la vie au camping et qui me tirent vers le bas et je vais me mettre à vivre autrement. Ca a assez duré. Je repars plein de résolutions, tu vas voir, même au boulot je vais me remettre à bosser sérieusement, il faut que ça change. Cette année on reprend le taureau par les cornes ! Hein Julien ! Et toi tu as intérêt à te remettre sérieusement à bosser à l'école ! On va reprendre tout ça en main !"

 

Donc Philippe nous a laissé sa caravane. Il la met en gardiennage l'hiver. Donc c'est moi qui m'occuperai d'appeler l'entreprise pour venir la chercher. Et franchement, la caravane c'est un autre confort que la tente ! Je pense que Ludmila, qui a accepté cette année de me retrouver au camping (elle a horreur de ça !) va apprécier de s'installer dans la petite maison.

 

Comme quoi l'amitié est une des valeurs majeures de l'humanité. Parole d'hédoniste. Certes. L'amitié comme relation d'échanges et d'influences réciproques. Philippe est reparti avec la motivation de se remettre à vivre en société. Il m'a laissé un toit où dormir sans craindre la pluie, - et même un petit coin de table bien abrité pour finir une page de journal  lorsque la batterie de mon ordinateur portable n'a pas permis, sur une terrasse de café face à la baie de Carnac, d'aller au bout de quelques fragments de pensée !

 

 

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Lundi 11 août, Cimetière de Bateaux, Lanester 

 

 

J'ai toujours aimé ce cimetière de bateaux, à côté de Lanester, près du pont du Bonhomme, sur le cours du Blavet dont le large estuaire a permis d'installer le port de Lorient. Voir ces coques noires, pourrissantes mais tellement solennelles, s'enfoncer dans la vase qui, avec le contre jour, a des reflets d'argent. Des bateaux en bois pour la plupart, éventrés, dont les armatures saillissent comme des arêtes de poissons géants. Ils semblent avoir été alignés, quelques uns ont gardé un peu de leur couleur originelle, l'un (le plus gros, un bateaux pour promenades touristiques) blanc et bleu, un autre rouge et blanc. Le plus grand nombre est d'un brun sombre, la couleur du bois que le temps ronge... Ces anciens grands voyageurs semblent nous chuchoter quelque conseil doux, tranquille et chaleureux. Lequel ? Une leçon d'humanité sans aucun doute. Autour d'eux la vase veille, jalouse, en en interdisant l'accès. Peut-être avec un bateau, par marée haute, pourrions-nous les approcher, les toucher. Mais quel besoin, ils sont si beaux vu de loin. La distance est une forme de respect. Respect pour leur grand âge, respect pour les mers qu'ils ont parcourues, respect pour les hommes qui ont travaillé à leur bord et qui, de façon certaine, sont rentrés au port. Ces bateaux n'ont jamais chaviré, on les a conduits ici, un jour où l'on a convenu que leur heure était venue et qu'il était temps de laisser leur vie s'en aller tout doucement, au rythme de la dégradation naturelle, paisible, douce...

 

Les mouettes rigolent, les pigeons battent de l'aile sur les pins maritimes et se mettent soudain à roucouler un peu bêtement. Les mouettes ont quand même plus de classe en tant que chanteuses!..

 

Le séjour se poursuit tranquillement, mais rapidement. Déjà Théo est reparti ce matin dans un avion qui le conduira à Paris, puis un autre à Bastia. Je ne peux m'empêcher d'avoir un petit coup de bourdon quand il s'en va ainsi. On est bien tous les deux ici. Hier, événement important de notre histoire familiale, pour la première fois il m'a présenté une petite amie. Manon elle s'appelle, un très joli visage plein d'émotion. Ils ont seize ans tous les deux, ils sont beaux et il était visible sur leur visage qu'ils avaient vécus de moments importants ensemble. On se souvient forcément, nous, parents, de nos premières amours... Oui, à seize ans j'avais eu mon premier grand amour, c'était aussi l'été et ce souvenir n'était pas sans rapport avec l'émotion de les voir ainsi, tous les deux, si plein de quelque chose de rare et de précieux... Manon est venue ce matin lui dire un dernier au-revoir. Ils devaient avoir le cœur gros.... "Le cœur gros", comme cette vieille expression correspond bien à la peine des premiers amours....

 

Demain Ludmila arrivera à Nantes, après un voyage de 26 heures. Ce sera un nouvel épisode de ces vacances d'été qui passeront toujours un peu trop vite et qui s'enfonceront dans le passé comme la proue de ces vieux bateaux dans la vase... 

 

Oui c'est bien cela la leçon de vie de ces "vieux squelettes qui font leur toilette" comme dirait Thomas Fersen, dans un bras de rivière à l'eau mi douce, mi salée, c'est à dire à mi chemin entre terre et mer, - en fait une sorte de purgatoire, de purgatoire où il n'y a rien à épurer, simplement à laisser venir l'oubli des aventures passées, de la vie vécue, des bonheurs décrochés ou entrevus...

 

Leçon donc que la vie n'est pas un banc d'essai, que la vie ne se rachète pas, mais que la vie est une, une seule, et qu'elle mérite tout le soin que notre esprit est capable de lui apporter. Je vois plein de gens dans les restaurants où je vais jouer qui semblent ne pas s'être rendu compte que la vie est importante, que chaque moment de vie doit être soigné comme s'il était le dernier. Ils ont des visages clos, ils ont des regards hostiles, ils sont recroquevillés sur eux-mêmes, ils ne regardent pas autour d'eux, ils ne voient pas les beautés qui passent à chaque seconde à proximité, ils semblent ne pas aimer, même pas eux-mêmes, ils semblent durs, avares de la joie, de la douceur, de la tendresse. Ils sont même parfois agressifs, on les sent méchants, n'aimant pas les autres hommes, aimant à peine les saveurs qui frémissent dans leur assiette. C'est un supplice de les voir ainsi, et je crains de constater, d'année en année, qu'ils sont de plus en plus nombreux. Brassens chantait : "quand on est con on est con". Mais ce n'est même plus vraiment le problème. Il semble y avoir de plus en plus d'êtres humains qui ne sont plus vraiment des êtres humains. Ou alors d'une espèce désespérante où l'humanité se résumerait à la mastication, à l'avarice agressive et aux exigences puériles ou séniles d'êtres ne savant plus respecter leurs semblables. 

 

Un affligeant spectacle qui, heureusement, est bien vite balayé par des êtres sains, joyeux et généreux, sachant partager dans l'instant des moments impromptus et vivifiants, des êtres ouverts aux cadeaux souriants de la vie, ces cadeaux qui font que la vie est belle et qui feront qu'un jour on pourra aller se garer à côté des carcasses sombres des bateaux, sur un sable aux reflets dorés, sans avoir à regretter la vie passée, voire même en la remerciant d'un salut chaleureux pour tous les dons dont elle nous aura comblés !

 

 

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Mardi 12 août 2008, Quimiac, Baie de Guérande

Boulangère, donnez-moi deux roulés au chocolat, - Sacré Lida, puisque te v'là !

 

 

 

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Dimanche 17 août 2008, Ronthon, Normandie

Nous voici donc en Normandie, pour deux jours. Nous sommes venus rendre visite à Marc, mon ami et depuis douze ans Président de Productions du Capricorne, et sa femme Brigitte. Ils ont depuis deux ans une maison de vacances sur la Presqu'île du Cotentin, à deux pas du Mont Saint Michel que nous allons aller visiter cet après-midi.

Donc il y a encore un peu de mer pas très loin mais la Bretagne est déjà derrière nous... Pour moi la fin de chaque séjour à Quiberon est un peu la fin d'une année. Une nouvelle saison commence, il va falloir songer aux projets de 2009, faire des demandes de subventions, il va falloir calculer pour le statut d'intermittent, faire en sorte de passer une nouvelle fois, éviter le naufrage... 

Alors c'est toujours avec un pincement, ou une appréhension, que je quitte Quiberon. Le temps met toujours cela remarquablement en scène, chargeant le ciel de nuages, et, pour hier matin, nous envoyant une belle pluie d'automne sous un ciel désespérant. Merci la Bretagne pour ces bouffées d'optimisme ! Une telle mauvaise grâce valait bien qu'on la trompe un peu et qu'on aille faire un détour chez sa rivale normande qui fait elle aussi son cidre, son Calva, ses caramels au beurre salé, ses bateaux, ses ciels marins tout en hauteur et s'étageant jusqu'à la stratosphère, ses moules au curry et à la crème, ses plateaux de fruits de mer, ses résidences d'été, sans parler des belles vaches blanches aux taches noires et marrons, ses fromages dont le magnifique camembert au lait cru qui fait se pâmer de honte tout ce qu'on a pu manger de pasteurisé...

Pour en revenir au temps, bien évidemment ici il n'est pas au top non plus, mais que la pluie ne vienne pas nous em... et on se contentera d'un peu de grisaille. Les Bretons parlaient d'années aux treize (pleines) lunes. Elles seraient trois à se suivre et nous serions dans celle du milieu (donc rebelotte en 2009 !). Et ces années offrent paraît-il le désagrément d'un temps mauvais, changeant, venteux et à l'été décevant. Les commerçants des stations Bretonnes font la gueule, les campings n'arrivent plus à se remplir. Et la dépression orchestrée par les slogans de Monsieur Sarkozy rendent les vacanciers méfiants et agrippés à leur porte monnaie.

Mais bon, il y a eu quelques cadeaux lors de ce séjour d'été, et si je suis loin d'avoir épongé toutes mes dettes, on va dire qu'on a sauvé le plus urgent. Mais rien vraiment pour profiter de la fin de l'été, il faudra donc rester prudents.

Je ne sais pas si deux jours furtifs passés en Normandie me permettront de me faire une idée correcte du pays. Brigitte et Marc nous ont promenés dans le coin, nous avons fait une escale à Granville, parcouru ce qui est pour Brigitte le plus beau kilomètre de France, le long des falaises de (?-à vérifier), puis nous avons terminé la journée dans un petit restaurant à Genet qui offre des moules délicieuses sauf quand les consommateurs ne se sentent pas trop bien, c'était mon cas hier soir, et décident de ne prendre qu'une assiette de crudités. Quel gâchis ! Mais voilà, notre corps a bien le droit de demander repos de temps en temps.

(Granville : avec Marc et Brigitte, et Ludmila face à la baie du Mont Saint-Michel)

Nous avons terminé la soirée tous les quatre à nous raconter, autour de la cheminée restée éteinte, des histoires de fantômes et de personnages aux pouvoirs non ordinaires, Marc ayant quelques bonnes histoires vraies qui devaient, originalement, faire oublier à Brigitte les craquements du bois dans les étages, ce dont une parisienne n'a pas trop l'habitude, "on dirait quelqu'un qui marche disait-elle", mais oui, notre âme et nos peurs enfantines sont encore bien vivantes et peut-être qu'il est vivifiant de les voir ressurgir, le temps de quelques nuits à la campagne, dans une maison vieille et belle, caressée par les vents de l'océan.

 

 

 

 

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Jeudi 21 aout 2008, Contréglise, Haute-Saône 

Retour à la terre première, celle où je suis presque né, en tout cas celle où j'ai été conçu. Celle où ont vécu mes derniers aïeuls, celle où j'aime à penser que je viens. Contréglise, un joli petit village minuscule, dominé par le clocher de son église que mon arrière arrière grand père, un immigré italien, a contribué à reconstruire. Un lieu qui donne dans ce monde mouvant et instable un peu de constance, ce qui, de temps en temps et le temps passant me fait l'effet d'un sourire clément et rassurant, donne en quelque sorte l'impression d'une structure convenable à ma vie puisque de la naissance à la projection de la fin de ma vie, ce village paisible fera office de point de départ et de point de finitude. Oui, point de finitude, car j'ai décidé de m'acheter ici, dans le joli petit cimetière du village, une concession qui sera ma seule possession immobilière ! Environ 3 m² de terre ! Cela me plait de savoir que ma dépouille sera couchée ici, à côté de mon grand-père, de ma grand-mère, de ma tata et plus tard de ma mère et de ma sœur. Un endroit qui ne sera jamais saturé de monde, où on n'aura pas besoin de déloger des habitants pour en loger d'autres, la surface de gazon disponible laissant présager des décennies de paix et non des luttes d'intérêts fonciers !

Cette idée a d'ailleurs beaucoup amusé Ludmila qui a tenu a faire une photo de moi dans le lieu de ma future résidence, ce qui, il faut en convenir, est une brillante idée !

Évidemment le clocher de Contréglise ne nous fera pas oublier les deux flèches de la Cathédrale de Chartres visitée en rentrant du Mont-Saint Michel ! Ce serait un comble ! Car vraiment, s'il est une cathédrale dont la visite me ravit, c'est bien celle-là. Chartres c'est la fête, c'est le marché, c'est un bordel jubilant et organisé par de brillants architectes, c'est le gothique truculent et souriant. Et j'adore ça.

Plus de mille sculptures, des sujets les plus divers : les signes du zodiaque, la ronde des métiers de l'époque, les mois de l'année, des diableries farceuses, le culte de la vierge (une femme quand même !), des alignements de prêtres et d'évêques, les armoiries des sponsors (dire "donateurs"), et puis, et puis... les vitraux.... Et puis, et puis.... le bleu... le bleu de Chartres... et là, c'est la jubilation, c'est le bonheur...

En plus, lundi, il faisait à Chartres un vent terrible, qui paraissait lui-aussi comme joyeux. Ce vent poussait les nuages devant lui qui galopaient comme un troupeau de moutons. Si bien que, lorsque vous étiez face à la façade principale, entre les deux flèches, vous aviez l'impression, avec le mouvement des nuages, que la cathédrale était en train de vous tomber dessus ! Je vous le disais, il y a de la gaieté dans la cathédrale de Chartres et il semble que tout le monde est prêt à vous y faire une bonne farce ! Chartres nous révèle un moyen-âge joyeux. D'autant plus que la relique que venaient y contempler le pèlerins était un voile qu'aurait porté la vierge au moment de l'annonciation. Rien que cela sent la bonne blague mais enfin, quand on est pèlerin on s'en vient pour croire au surnaturel et pas pour se demander si les antiquaires du Moyen Orient n'avaient pas raconté des bourdes aux Croisés, fussent-ils de la famille royale de France ! Mais après tout, l'idée est bonne, venir dans un lieu de marché permanent (les pèlerinages rapportaient beaucoup d'argent) pour y admirer une étoffe qu'aurait porté une vierge au moment de sa fécondation, voilà qui est tout à fait respectable, personne ne douterait aujourd'hui qu'un moment comme celui là est important et qu'il mérite qu'on lui construise une des plus belles cathédrales de France !

Quant au Mont Saint-Michel, mon Dieu, nous entrons là dans tous les livres d'aventure ! Déjà l'idée de départ : construire une église sur la pointe d'un rocher, ce rocher au milieu des sables mouvants ! N'est-ce pas l'idée d'un fou génial ? Et ça a marché ! L'église tient bon, et rien à voir avec Pise ou Venise, - pas de danger pour l'avenir ! L'ensablement est un détail accessoire et extérieur !

Non vraiment, le Mont Saint-Michel a été fait pour inspirer tous les livres et les bandes dessinées d'aventure. C'est véritablement un lieu fascinant. Vu de loin, déjà ; vu de quand on s'en approche ; vu de quand on y entre et qu'on se rend compte qu'il y a même un village ! Magique ! Et enfin vu depuis la visite de ce qu'ils appellent "La Merveille" et qui est l'ensemble architectural qui va de la pointe de la cathédrale et donc de l'aile de l'archange Michel au départ des premiers contreforts qui supportent trois étages de monstres architecturaux construits les uns sur les autres et dont le rocher recouvert est la colonne vertébrale invisible ! A cela ajoutez des escaliers qui montent, qui redescendent, qui vous amènent devant, vous ramènent derrière et sont toujours prêts à vous dévoiler la peau marbrée des sables de la baie réfléchissant des ciels de nuages eux-aussi étagés ! Oh ciel que l'homme peut-être génial quand il se met à défier l'impossible avec des ambitions de poète. Et le pire c'est que ça a marché ! Le Mont Saint-Michel n'a jamais été pris, ni par les anglais, ni par les protestants et encore moins par les pirates ! Il n'y a que les enfants qui aient réussi à venir l'investir sans autorisation, des enfants qui se révoltaient contre la misère de leurs parents et qui étaient venus des quatre coins de France constituer une milice au Mont Saint-Michel devant le regard sceptique des vieux épiscopaux....

Bref, un retour de Bretagne finalement assez joyeux, avec un amour qui se réinvente, des amis charmants et un ciel doux un peu pensif, - les vacances se terminent dans de grandes douceurs....

 

 

 

 

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Jeudi 4 septembre 2007, Besançon 

 

 

La pluie montre son nez, dans les rues on croise ceux qu'on a délaissés au début de l'été, ceux aussi qui sont partis il y a des années et qui, après un périple quelque part en France, reviennent se prendre les pieds dans la boucle du Doubs. On fête la bonne année au début de l'année, mais j'ai l'impression que, pour moi, l'année commence une fois l'été terminé.

 

Les contacts avec la République tchèque s'accélèrent, la tournée d'octobre se prépare. Heureusement que le Conseil Régional nous a attribué une petite subvention pour cette diffusion, sinon je serais très ennuyé pour rémunérer les musiciens. L'état français devient de plus en plus avare avec ses alliances françaises passées en contrat local, et, tandis qu'ils gaspillent des fortunes dans les capitales pour des évènements de prestige pas toujours très pertinents, ils imposent des conditions misérables à ceux qui ont affaire aux villes de Région. C'est notre cas puisque nous allons jouer pour les alliances d'Ostrava, de Plzen et de Ceske Budejovice, - villes importantes mais qui ne sont pas Prague où siège de prestigieux centre culturel français. Le château des seigneurs de France....

 

Donc merci le Conseil Régional. Et merci aussi aux directeurs d'alliances qui font ce qu'ils peuvent... Quand ils ne pètent pas les plomb comme c'est arrivé au Directeur de l'alliance de Liberec qui risque bien d'en garder des séquelles à vie... Sera-t-il dédommagé ? Il paraîtrait que non... Les seigneurs sont cruels, ce n'est pas nouveau...

 

Peut-être que Monsieur Sarkozy, après ses visites en Syrie, va ouvrir là-bas une nouvelle alliance française ? En contrat local ? On est prêt à tout !..

 

Le disque... Oui, le disque traîne. Alors qu'il n'avait plus qu'une retouche à faire sur Dobru Noc, Bertrand Homassel dit qu'il part en vacances, qu'il n'a pas eu le temps de terminer le travail et ne pourra donc pas le faire avant le 15 septembre ! Gloups... Je n'ai plus le temps d'attendre, si je trouve à faire refaire le mastering par quelqu'un d'autre, et que ça me convient, le bon Bertrand sera soulagé d'une tâche...

 

Le problème d'un travail artistique réalisé via internet. Pour en gagner on finit par perdre beaucoup de temps...

 

Ce soir mon ami Patrice Forsans, qui avait déjà réalisé notre précédente affiche, a eu une lumineuse idée de photographie pour la prochaine. Une affiche que l'on pourra aussi utiliser pour la promotion de l'album. J'espère que la concrétisation sera aussi lumineuse que l'idée qui en est à l'origine !

 

J'écoutais ce matin une intervention du Général Jean-Louis Georgelin à propos des soldats français en Afganistan. Je sais qu'il y a pas mal de gens bien pensants qui contestent l'utilité de cette intervention militaire française. Cela m'a rappelé une conférence qui avait été donnée, je crois que c'était en octobre 2001, à Dole, à l'occasion du mois du documentaire. Ils avaient projeté un film sur le général Massoud et, à la fin, un de ses porte-parole était intervenu longuement sur l'Afghanistan. 

 

A cette époque les Etats-Unis et les états d'Europe soutenaient le Pakistan et, depuis que les Russes avaient rebroussé chemin, et la guerre froide se réchauffant, avaient délaissé les combattants de Massoud qui avaient combattu les Russes et qui, maintenant, combattaient les Talibans. Ce diplomate Massoudien dont, hélas, j'ai oublié le nom, avait proclamé les dangers que représentaient ces Talibans, l'erreur du soutien au Pakistan qui se servait des Talibans pour éviter que l'Afghanistan se reconstruise afin, un jour d'annexer, le pays : "Ces Talibans sont un danger pour le monde occidental disait-il, et le monde occidental court un grand risque de laisser les Talibans gagner du terrain. L'Afghanistan occupe une position stratégique qui ouvre ouvre une porte sur l'Europe au terrorisme intégriste." Quelques années après, Massoud se faisait assassiner par un kamikaze taliban, et peu d'années après les Etats-Unis se prenaient à entrer en Afghanistan pour contrôler la menace des Talibans.

 

 Il aurait bien mieux valu aider Massoud à reprendre du terrain sur les Talibans et d'assainir le pays afin qu'enfin un gouvernement puisse s'installer dans un pays ravagé et où régnait une anarchie voulue par les Talibans et par le Pakistan évidemment juste derrière. Maintenant on envoie des militaires étrangers qui vont être perçus par la population par une force d'invasion.

 

Alors maintenant faut-il maintenir cette force Onusienne en Afghanistan ? Bien sûr que oui, on n'a pas le choix. Mais est-ce une bonne chose ? Non, car il aurait mieux valu que des Afghans règlent eux-même le problème car eux auraient été tolérés par la population. Les militaires français vont en fait aider les Talibans à se faire des émules !

 

Pourquoi on n'a pas aidé Massoud à cette époque ? Pensait-on, comme le Pakistan, qu'il valait mieux attendre que le désordre soit tel qu'il justifie une intervention directe on on partagerait les bénéfices ? Alors allez-y, aller cueillir vos bénéfices, mais il se pourrait bien qu'au lieu d'un petit bénéfice vous ne récoltiez une grosse faillite, une faillite qui aidera toute une partie du monde de se rallier aux valeurs médiévales des Talibans et des intégristes de tous les pays qui peuvent être tentés par cette voie ! Oh mon Dieu ce joli bourbier où nos dirigeants nous ont mené ! Un bourbier où on va se rouler pendant un bon siècle ! 

 

Autre exemple : Qui aurait cru qu'il valait mieux laisser en place un dictateur en Irak qu'élire un Président soi-disant libéral en Amérique !

 

Mais bon, pardon, je ne devrais pas aborder ces sujets, je ne suis qu'un artiste...

 

 

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Mardi 10 septembre 2008, Besançon

Comment qu'il était le bon Dieu quand il a eu fini de fabriquer son premier homme ? Content. Comment qu'elle est la mère quand elle vient d'enfanter son premier bébé ? Content. Comment qu'il est l'artiste lorsqu'il a fini son CD et qu'il l'a envoyé en duplication ? Content !

Conclusion : Dieu et les artistes se donnent bien du mal pour se hausser au niveau créateur de la femme !

Et même ! Dieu devait être une femme, et les hommes nous l'ont caché !

Ou alors, Dieu est une invention des hommes qui... bon, j'arrête mes stupidités !

Alors voilà, le CD "Drako" c'est fini, musicalement c'est fait. Aujourd'hui les masters sont partis chez Beleive pour la vente par Internet et chez Hurricane pour le pressage. Quel soulagement....

Et quelle joie d'entendre les morceaux sonner comme je les désirais après les cinq heures de travail avec Philippe Avocat ! Cinq heures pour le mastering ! Avec Bertrand Homassel ça fait trois mois que ça durait et, alors qu'il n'y avait plus qu'une équalisation à faire (il avait une semaine pour) le voilà qui part en vacances en me disant : "je ne pourrai pas finir avant le 15 septembre !" Et, si l'on compare ce qui avait été fait avec le travail de Philippe, rien à voir ! Alors conclusion : Manu Tchao a raison de confier la prise de son de ses albums produits maison à Philippe Avocat. En tout cas plus jamais je laisse quelqu'un masteriser un album sans que je sois là et je le conseille à tout le monde ! Du temps perdu et un travail jamais satisfaisant, voilà ce à quoi le travail à distance aboutit.

Donc je prie le bon Dieu qui est peut-être une femme de faire qu'il n'y aura pas de retard pour le pressage et, pour l'instant, je suis très content de ce travail d'équipe où chacun y a mis le meilleur de lui même, et, pour le mixage et le mastering, bravo Titi (Thierry Lorée) et bravo Philippe !

Et bravo aussi à Raphaël Baud pour le graphisme, car en plus, cet EP (on appelle comme ça un album 4 titres), il est beau ! Allez les amis, achetez-nous une souscription (ici) je ne vous dis pas dans quel état sont mes finances ! Avec Théo on va finir le mois en mangeant de la vache maigre !

 

 

 

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Mardi 16 septembre 2008 

 

 

Bravo Patrice, tu as fait un super boulot !

Patrice, c'est Patrice Forsans, auteur de cette photo.

 

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Jeudi 18 septembre 2008 

Ca y est, c'est envoyé ! Le film sur les assises Régionales de lutte contre les discriminations dans l'emploi qui ont eu lieu en juin. Beaucoup de travail pour le montage, beaucoup de problèmes d'images à corriger, plus le visuel de la jaquette...  Le film va être tiré en 500 exemplaires, fallait être très vigilants et sans une vérification ce matin à l'ACSE, le commanditaire du film, le film partait en fabrication sans générique de fin ! Mon Dieu, on a eu chaud...

Et puis est partie l'image ci-dessus pour un tirage lui-aussi à 500 exemplaires. Avec le CD qui est maintenant en fabrication, c'est cinq mois de travail qui sont en train de prendre fin, c'est une page qui se tourne.

Et puis on dirait que d'autres projets pointent leur nez, ce qui évitera de sombrer dans la morosité après toute la tension des mois passés. Peu de temps quand même pour l'écriture de nouvelles chansons, Titi m'en fait reproche. Mais il y a des moments pour créer et des moments pour fabriquer. Ce n'est pas le même métier, et ce n'est pas le même état d'esprit.

Je viens de regarder avec Olivier "Into the wild". Une amie me disait hier qu'elle avait adoré ce film. Chacun a ses raisons d'aimer plus un film qu'un autre. Et je me demande ce que Catherine, puisque c'est son prénom, a particulièrement perçu dans ce film. Il y a deux façons de le voir. Du point de vue du jeune homme qui quitte sa famille pour aller laver son enfance dans un voyage au bout de lui-même et celui de sa famille qui perdra un frère ou un fils pour des raisons dont chacun a sa part. Chacun des regards portés à ce film sont très différents. Et je crois que chacun va se projeter, en regardant le film, consciemment ou non, dans l'un de ces deux points de vue...

Évidemment, pour avoir moi-aussi fait une fugue dans un âge similaire et pour des raisons pas très éloignées, le point de vue va aller évidemment vers Chris, le jeune homme. Pourtant comment se retrouver dans une expérience proche de la sienne mais agie par une personnalité très différente et dans un pays très différent ? Les écueils ne manquent pas. Et puis je crois vraiment que l'Amérique est un autre pays, qu'on y rêve un peu différemment, qu'on s'y enfuit différemment aussi. Ce qui fait que j'ai regardé ce film avec une forme de détachement, animé par plusieurs accès d'impatience.

Mais convenons que les États-Unis sont un drôle de pays. Robert Franck nous l'avait déjà montré tel que nous pouvons l'aimer, Wenders aussi et Sean Penn s'y essaie à son tour. Il s'en tire parfois bien, parfois il nous agace. Mais il a quand même essayé dans le bon sens.

Maintenant, s'il fallait expliquer pourquoi ces jeunes de bonnes familles dans des pays en phase de prospérité, en viennent un jour à vouloir s'échapper de l'univers familial, pour s'en aller, dans le dénuement, à la recherche de quelque vérité, il y aurait évidemment beaucoup à dire. Et il y aurait aussi beaucoup de risque de dire des idioties. Dans des cas semblables, je me demande s'il ne faudrait pas commencer par mettre les sociologues dehors. Leurs explications en effet ne ramèneraient qu'à des vérités relatives et ce n'est pas cela le plus important. L'important pour ceux qui ont décidé de se poser cette question, c'est bien le sens de la vie observée par les humains qui est quand même la seule espèce animale à s'interroger de la sorte. Et il y a bien des humains qui ne se la posent pas, cette question. L'humain peut être un animal de meute semblable à d'autres animaux de meute, un prédateur semblable à d'autres prédateurs. Un homme qui s'interroge sur le sens de la vie et donc qui commence à se rechercher un sens de la vie spécifique à lui-même, cet homme là mérite au moins qu'on le considère comme un être humain au sens plein du terme.

Et cependant, malgré que l'homme soit capable, avec son super cerveau, de se poser le problème du sens de la vie, cela ne doit pas cependant lui faire oublier qu'il est avant tout un animal de meute. Chris aurait probablement survécu s'il n'avait pas été seul. Ce qui lui fait écrire à la fin de sa courte vie : "Le bonheur n'est rien s'il n'est pas partagé". Partager c'est en quelque sorte assumer sa condition d'animal social.

Alors Chris connaissait bien mal sa nature humaine. Il n'avait pas remarqué que l'homme avait survécu en s'associant à d'autres hommes pour lutter pour la vie.

Et l'artiste, parallèlement, s'il veut faire flotter sa petite coque de noix sur l'océan de la société, a lui-aussi intérêt à ne pas se couper de l'entraide des autres hommes. Cette page que je tourne aujourd'hui, je sais que je la dois aussi à la participation d'autres hommes que je remercie de tout cœur, à commencer par Patrice Forsans, Titi, sans oublier ces gens d'un autre monde, celui des administrations, des services périphériques de l'état ou des collectivités, et qui, formidablement, se mettent à vous apprécier et à vous tendre la main, Azzedine Mrad, Odile Chopard, Virginie Gavand, Nicolas Roussel, et, avant, Nicolas Oniscot, Denis Lazarotto, Pascale et Jean-Pierre Vincent... Des gens sans qui je serais peut-être mort ? Je veux dire comme artiste indépendant, - ou comme artiste tout court...

 

 

 

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Mardi 23 septembre 2008, Besançon.

Je reçois aujourd'hui par mail une très virulente critique. la voici :

> bonjour,
>
> longtemps déjà, je lis vos lignes, j'écoute les extraits, jette un oeil
> sur les photos. Voyeur qui cherche à comprendre ce qu'il n'aime pas.
> Un peu marre de la dichotomie, l'artiste et les autres. L'Artiste,
> l'autre, l'Ego et l'ego. Vous vous obstinez sur la bonne voie. Le voir
> autrement et le représenter autrement. L'artiste ingère des images d'une
> manière différente, la posture. Et son travail matérialise ce point de vue
> particulier.
>
> Mais on n'est pas artiste parce que le reste ennuie. On ne se décrète pas
> artiste, le revers de la main sur le front happé par le ciel et les affres
> de la création. L'art est ailleurs, l'art est partout. Mais dès le matin
> vous scrutez dans la glace l'artiste qui est en vous. Je suis un artiste,
> répétez-vous. Je le note et je m'en moque. Je retourne à ma médiocrité
> fier d'incarner Henriette face à vous Trissotin.
>
>Je suis un autre.

J'ai donc répondu ceci, ayant quand même l'impression qu'on me parlait de quelqu'un d'autre. 

Mais bon, nul ne peut jamais savoir la façon dont les autres le regarderont...

Bonjour,

C'est étrange votre message. Vous lisez un journal d'artiste et vous vous
étonnez que l'artiste parle de lui (comme artiste) et de son travail. Mais c'est 

justement le but de ce journal...

Maintenant je ne crois pas qu'il n'y ait nulle part de mépris pour qui que
ce soit d'autre.

Vous parlez d'égo. Je parle de mon travail. Par ailleurs je n'ai pas
beaucoup de succès, donc pas de quoi faire de son égo quelque chose de si
énorme que vous ne sembliez le dire.

Mais bon, oui j'ai choisi de faire ce travail, et d'en vivre. Artiste pour
moi n'est pas une posture. C'est mon travail. Et c'est ma vie aussi. Ce
travail j'ai vu des gens qui en mouraient, j'ai vu des gens qui
l'abandonnaient, j'ai vu des gens qui essayaient de le faire à côté d'un
travail plus lucratif. Je considère pour ma part, et c'est bien mon droit,
qu'un artiste doit faire son activité à temps plein. C'est de cela que je
parle parfois dans mon journal. C'est une position presque politique, en
tout cas un fait de société.

Votre adresse vous signe mais vous ne mentionnez pas votre nom. Vous ne
mentionnez pas qui vous êtes, vous écrivez "Voyeur qui cherche à comprendre
ce qu'il n'aime pas".
Mais je ne comprends pas bien tout ce que vous dites. Vous écrivez "on n'est
pas artiste parce que le reste ennuie" Désolé, ce n'est pas vrai du tout. Le
reste ne m'ennuie pas, au contraire, une grande partie de mon activité est
de recueillir les propos des autres. Mais si vous parlez d'un autre métier,
oui, certainement, j'ai déjà essayé, je n'ai pas aimé. Mais n'a-t-on pas le
droit de choisir soi-même ce qu'on désire faire ? Doit-on attendre de faire
ce que les autres veulent que l'on fasse ?

Être artiste, pour moi n'est pas une affaire de valeur. Ce n'est pas quelque
chose qui est plus ou moins. C'est un travail. J'ai eu envie de parler de
mon travail. C'était peut-être risqué. Le risque d'avoir des critiques comme
les vôtres. Je l'assume. Mais pourquoi vous dites "Je retourne à ma
médiocrité fier d'incarner Henriette face à vous Trissotin" Qui a dit que
vous étiez médiocre ? Qui a dit que celui qui n'est pas artiste est
médiocre? Et qui a dit qu'être artiste c'est mieux qu'autre chose? Je ne
pense pas que ce soit moi. 

Nous sommes obligés de communiquer. J'aimerais
bien que quelqu'un d'autre le fasse à ma place, cela m'éviterait d'avoir ainsi
à me mettre en avant. Mais pour l'instant je dois me démerder tout seul pour
faire ma com. 

Le journal c'est autre chose. Et si vos critiques vont vers le
journal, tant pis, je les assume. Et je pense que je parle bien autant des
autres que de moi dans ce journal.

Est-ce que le fait de dire "je" vous pose un problème ? Eh bien je
pense que les hommes devraient plus souvent dire "je".

Mais bon, merci pour la leçon. C'est la première fois que j'ai une critique
de ce genre. Je ferai désormais attention.
Je parlerai un peu moins de moi de façon qui puisse irriter.
Bien à vous,
Philippe B. Tristan


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Mercredi 24 septembre 08  

(Suite de la conversation commencée dans la page ci-dessus)


> Bonjour,
>
> il est tôt. Je me relis. Mes propos ont été excessifs, bulldozer (sans
> vouloir faire de pub). Je ne souhaitais pas heurter mais au clic je savais
> que la bêtise était commise.
>
>
> Le sens y est, "mahler"eusement, je ne pourrai pas développer ce matin.
> Vos énervements sont souvent les miens, vos atermoiements sont très
> souvent les miens.
> Mais l'impression couve, la démonstration ou le raccourci ; faut-il être
> artiste pour être légitime dans ces colères ? Faut-il être artiste pour
> être porte-étendard ?
>
> La posture n'est aucunement péjorative. L'art de voir autrement,
> d'expliquer autrement. Chaque génération possède en elle ses trublions...
> qui donnent au monde l'occasion de voir différemment et de faire un peu
> plus le tour de chaque question. Mais ce regard n'est pas choix, pire il
> peut être subi.
>
> Faut-il être artiste pour être porte-étendard ? A vous lire il y a une
> forme de récurrence à peine voilée, une démonstration redondante et
> permanente. Hâtivement, j'ai oublié que ce journal pouvait être un outil
> de communication. Une erreur donc.
>
> L'autre comme signature, sans masquer mon identité, l'autre qui croit que
> vos idées sont justes mais dont le doute sur le chemin à suivre contraste
> avec la certitude que votre communication veut nous faire adopter.
>
> Je fais court, suis à la bourre. Je dans un grand bal enivré ne
> m'intéresse pas. Mais "je" espère ne pas vous avoir heurté, quand l'autre
> s'est agacé. Question de posture.
>
> cordialement
>
> JE Lafarge

Réponse :

Bonjour,

Désolé de vous avoir fait prendre la plume aussi tôt et quand même heureux que vous ayiez nuancé votre propos.

"Faut-il être artiste pour être porte étendard ?" Non bien sûr, d'ailleurs il y a beaucoup de porte-étendard : voyez combien d'hommes politiques, de journalistes, de militants et de bloguistes expriment leurs points de vue sur la société et le monde dans lequel nous vivons.

Les idées sont évidemment le résultat d'une situation, d'un contexte, celui de l'époque où elles naissent.
Et les idées se déplacent, courent d'un esprit à l'autre, se heurtent entre elles, pour finir par donner des familles plus ou moins nombreuses et plus ou moins partagées.
Dans ce mouvement des idées, chacun y a sa place, chacun à son niveau, devant le papier, devant un micro ou seulement dans une conversation entre amis autour d'une table.
Il n'y a donc pas de légitimité particulière aux artistes. Mais un artiste a le droit et peut ressentir le besoin ou la nécessité de participer à la diffusion de ses propres idées.

Pour ma part il me semble que le développement de l'intelligence artificielle, que la communication mondiale des données et, par conséquence, à la mondialisation des marchés qui débouche sur le développement de grands
groupes économiques parfois plus puissants que les états, - il me semble que cette évolution va conduire à un méga féodalisme qui va de plus en plus réduire l'importance, la valeur de l'individu. L'individu qui n'appartient
pas à ces super sociétés, aux familles de ces seigneurs planétaires.

Par réaction au risque d'amenuisation de l'homme dans son essence individuelle, j'ai choisi de développer ce journal et d'y affirmer un droit à l'expression individuelle et, aussi, un appel à l'expression individuelle.
Pas de communication là-dedans. Je parlais de communication à propos du reste du site Internet, promotion du groupe PB. TRISTAN, des expositions, des vitrines des films réalisés, des mails de promotion. Pas du journal. Le
journal n'est que le témoignage de mon expérience, dans l'optique de montrer l'importance de toute expression humaine.

Dans ce sens votre réaction m'intéresse puisque vous-même vous semblez désirer exprimer votre point de vue, votre place dans notre société. Bien sûr que les lieux d'expression manquent, bien sûr que l'on ne trouve pas
toujours l'écho de ce que l'on pense, bien sûr aussi que les tribunes d'expression manquent... Mais je pense qu'il n'est pas juste d'accuser quelqu'un qui a décidé d'ouvrir sa propre tribune d'abuser d'un droit de porte étendard. Chacun a son niveau peut le faire, et la quantité des blogs grandissante montre que beaucoup ne s'en privent pas.

Alors, si vous en éprouvez le besoin, faites le, et le dialogue se poursuivra !

Cordialement,

Philippe B. Tristan

Si vous voulez continuer le débat, n'hésitez pas à nous envoyer vos remarques ou vos points de vue !

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Dimanche 5 octobre 2008, Besançon  

 

Fin ce soir du festival des musiques de rue. Dernière édition d'après ce que nous a dit la presse. Heureux d'avoir pu découvrir ces drôles de Fantazio. Heureux d'avoir passé hier soir une heure à discuter avec Sori, un musicien de la fanfare U Vagabontu, qui s'est mis à me raconter son histoire familiale dans un français mêlé à de l'italien et du Roumain. Beaucoup de douceur ce Sori, qui se mit, en battant le rythme de ses mains posées sur mes épaules, à me chanter des chansons de chez lui. Sa mère, à l'académie de musique (très haut niveau dans tous les ex-pays communistes) de la capitale Yougoslave, qui doit fuir le pays pour rejoindre les siens en Roumanie. Le père qui reste en Yougoslavie et que Sori, le drame de sa vie, n'a jamais revu... Et puis les mauvais traitements des Roms, les difficultés à se nourrir et la musique pour tenter de survivre quand les musiciens tsiganes sont foulés au pieds. Sori me racontait aussi : "Quand un policier m'arrête je lui dis 'Combien de temps il t'a fallu pour apprendre à être policier ? Moi il m'a fallu dix-sept ans pour apprendre à jouer la musique. Alors qui doit respecter l'autre ?'"

 

A propos de condition des Roms, j'ai été contacté pour réaliser un film documentaire sur le colloque qui va être organisé à Besançon sur le thème de la culture et de l'histoire des Roms d'Europe. Il va y avoir, parallèlement au colloque, une résidence d'artiste qui mettra en présence des musiciens Roms du Voyage, du Kosovo,  une famille musicienne sédentarisée en Franche-comté et des musiciens d'origine française jouant de la musique tsigane. La résidence se clôturera sous la forme d'un concert organisé dans le cadre du colloque. Je pense que ce colloque va être très intéressant et vous conseille, si vous en avez la possibilité, d'y participer. Elle se tiendra les 1, 2, 3 décembre à l'IUFM, rue Fontaine Ecu. Se renseigner au CASNAV, ou sur le site http://colloqueroms.fcomte.iufm.fr

Il va y avoir des intervenants d'importance européenne, - bref un évènement !

 

Par ailleurs nous avons eu une aide pour réaliser un film pendant notre tournée en République tchèque (on part le 15) sur le thème des échanges inter-culturels. Dans le groupe (musiciens français et tchèques) dans les morceaux (Ludmila qui chante en tchèque dans quatre chansons) et entre le groupe et le public. Ce film, d'une quinzaine de minutes, sera projeté lors du concert que nous allons organiser dans ce cadre le 13 décembre au Petit Kursaal. Il y aura avec nous en concert ce soir là un groupe tchèque invité. Tout a été très vite et donc il reste encore quelques flous quant à la façon dont le groupe invité va être choisi. Mais en gros, les alliances françaises de Tchéquie vont organiser un tremplin et le groupe lauréat de ce tremplin sera invité à Besançon. J'espère que ce sera pour nous aussi l'occasion de découvrir des musiciens nouveaux, de futurs amis tchèques !

 

Les jours passent donc très vite et le journal subit cette invasion d'heures de travail qui ne lui sont pas consacrées. Mais sûr, pendant notre tournée tchèque, je vais réserver une tranche horaire chaque jour pour vous faire part de cette aventure à sept, puisqu'aux six membres du groupe va s'ajouter un cadreur vidéo.

 

Au fait, j'ai reçu d'Alain Jean-André, qui publie la cyber revue La Luxiotte, un mail où il m'écrit : 

"J'ai bien reçu ton envoi de CD et apprécié ces morceaux qui tournent plusieurs fois par jour sur mon ordinateur (...) Drako, j'ai toute une histoire à te raconter à ce sujet. J'étais sur l'autoroute, il y a un peu plus d'un an, dans la voiture de celui qui a signalé son corps !

Le monde est d'un petit... effrayant ? amusant ? revigorant ? -- Je ne sais..."

 

Ce n'est pas incroyable cela ? J'attends donc avec impatience le récit qu'Alain va me faire du moment où, avec son ami, ils ont découvert le cadavre du pauvre Drako, alors que celui qui l'avait tué ne s'était  même pas arrêté ! Bravo les artistes, votre humanité, même à l'intention d'un pauvre singe, fait honneur à notre espèce humaine !

 

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Mardi 7 octobre 2008 : En direct du site La Luxiotte !

 

 

"L'antiblog d'Alain Jean-André


"4 octobre 2008

"Le fantôme de Drako

"Le 21 août 2007, une ambulance m’a conduit de l’hôpital de Besançon au centre médical de Lutterbach. J’étais "allongé sur une civière, un accompagnateur assis à mes côtés. L’ambulance a rejoint l’autoroute sous une pluie "battante. Le paysage était bouché et les vitres embuées. Je ne voyais rien, mais j’étais content de quitter l’hôpital et "d'aller respirer l’air d'une autre contrée. Il était midi passé.
"
"Avant d’arriver vers l’Ile-sur-le-Doubs, le conducteur fit un écart sur la gauche en poussant un cri. Il se tourna vers "nous, s’exclamant : « C’était un singe ! » Il venait d’éprouver une des plus grandes frayeurs de sa vie. Son regard "fixé sur la chaussée avait buté, à travers le rideau de pluie, sur un corps allongé. Il avait d’abord cru voir le corps "d’un homme ; mais il avait vite distingué une longue queue. « C’était un singe ! », répéta-t-il plusieurs fois, encore "sous le coup de l'émotion. « C’est celui qui s’est échappé du zoo, ça ne peut être que lui ! » Il évacuait sa tension en "reprenant les mêmes phrases. « Il s’est échappé du zoo de la Citadelle. On en a parlé dans les journaux. C’est un "singe japonais. »
"
"Je n’avais rien vu, allongé sur la civière, sans parler de la buée.
"
"À l’approche de Montbéliard, la pluie a cessé de tomber. Le conducteur de l’ambulance s’est arrêté au péage de "Colombier-Fontaine. Il a pressé sur le bouton qui commandait le téléphone ; il a expliqué ce qu’il venait de voir. "« Ce n’est pas une plaisanterie. Il y a un singe en travers de l’autoroute. Il a dû buter contre une voiture. »
"
"Ce fut l’unique incident du voyage. La pluie s'est remise à tomber de plus belle quand l’ambulance a passé la ligne "de partage des eaux, entre le bassin du Rhône et celui du Rhin, avant d'entrer en Alsace.
"
"Le 2 octobre dernier, j’ai reçu le nouveau CD de Philippe B. Tristan. Il a composé une chanson sur Drako, le singe "du zoo de la Citadelle qui a fait la belle. En écoutant les nouveaux morceaux, je me suis retrouvé dans l’ambulance, "treize mois plus tôt. Le Drako de la chanson de Philippe, c’est le macaque du Japon qui a suscité tant d’émotion au "chauffeur de l’ambulance lors de sa course jusqu'à Mulhouse.
"
"Visiblement il avait fait du chemin, l’évadé du zoo. Il avait remonté la vallée du Doubs en direction du nord-est, "parvenant à semer ses poursuivants chaque fois qu’on le repérait en train de croûter dans les jardins. Il paraît qu’il "raffolait des fraises et qu'il reconnaissait les gens. C'était un jeune mâle. Il s'était enfui du zoo pour échapper à un "examen sanguin. On devait le transférer en Écosse, du côté d'Edimbourg.
"
"S’il n’avait pas eu cet accident, on l’aurait peut-être surpris un matin en train d’escalader le Lion de Belfort. Si "Philippe n’avait pas composé une chanson sur lui, je l’aurais sans doute oublié. Et ce qui avait l’an dernier une "tonalité plutôt dramatique, dans la lumière grise d'un jour de pluie, n’aurait pas provoqué cet automne un grand éclat "de rire.

"

"Alain Jean-André.

 

 

 

 

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Samedi 18 octobre 2008, Tabor (CZ)

 

Du soleil ce matin sur Tabor. On est brutalement passé de l'été indien à l'hiver pendant notre voyage, non pas qu'il y ait tant d'écart pour l'instant entre la France et la République tchèque, mais il s'avère que le temps a changé pendant notre premier jour en Tchéquie.

Nous sommes donc partis mercredi dans notre trafic rallongé en location pour 10 jours. Cette location nous a été permise grâce au label de l'année européenne du dialogue inter-culturel qui nous a été octroyé avec une subvention qui nous permet aussi d'organiser un concert le 13 décembre à Besançon et de réaliser un film pendant notre tournée en République tchèque. En premier lieu donc, le camion, ce qui a eu un effet très positif sur les musiciens, heureux de voyager dans un camion spacieux et confortable, et surtout heureux de voyager tous ensemble. Ce sera une grande nouveauté de cette tournée, pouvoir voyager dans un seul véhicule : une vraie ambiance de groupe ! Nous sommes partis de France à 5 et, avec Karel et Ludmila, nous serons 7 en République tchèque.

Jeudi, dès onze heures, nous partions pour Ceske Budejovice où je devais présenter, devant les élèves du Conservatoire supérieur, "ma petite histoire de la chanson française". Ludmila devait traduire mon français en tchèque et Yan, qui est le cadreur du film sur la tournée, devait s'occuper de la caméra.

La salle était pleine, il y avait même quelques étudiants assis par terre au fond de la salle. Les représentants de l'alliance française, Nicolas Roussel en premier lieu, qui a été à l'initiative de cette tournée tchèque, ont préféré retourner à l'alliance que de se faire céder une place par les étudiants.

J'avais choisi, plutôt que de faire entendre que des sons, de présenter des clips récupérés sur le net, et je crois que les étudiants ont aimé cette présentation. En effet, si certains avaient déjà entendu parler de piaf ou de Jacques Brel, ils n'avaient jamais eu l'occasion de les voir chanter. En outre il y avait des clips bricolés par des internautes à base de photographies d'époque. Tout ce matériel visuel représentant le Paris du début vingtième ou celui de Saint Germain des Prés, ne pouvait qu'intéresser les étudiants. Je ne sais pas en revanche si j'aurai réussi à leur donner ma passion pour la chanson française mais il est certain qu'ils ont été très attentifs à ce qu'ils ont vu et entendu, ce qui est déjà une première marche pour la sensibilisation à notre patrimoine européen.

A la fin de ma "conférence", nous avons interviewé quelques étudiantes, et l'une nous a répondu quelque chose de très intéressant. Elle disait en gros que le dialogue interculturel est bien à partir du moment où c'est un vrai dialogue, c'est-à-dire à partir du moment où l'intérêt va dans les deux sens et que ce n'est pas un pays qui impose sa culture à un autre. C'est le point de vue des petits pays face aux plus gros, la France par exemple, ou l'Angleterre, ces anciens pays coloniaux qui ont toujours eu tendance à imposer leur culture plutôt que de s'intéresser à celle des autres. Je crois que nous garderons cette interview pour le film car je suis convaincu que cette réciprocité des échanges est une fondation indispensable à la construction européenne.

En conférence !

De retour à Tabor, nous sommes allés répéter dans la cave aménagée de la pension Alfa où logent les musiciens. Mais le temps que l'on s'installe et puis la nécessité d'aller manger avant que les restaurants ne ferment ont fait que la répétition a été un peu courte. C'était la première, disons que c'était une petite mise en route.

En revanche la répétition d'hier a été une des répétitions les plus abouties que j'aie pu faire. Elle a eu lieu dans le local où Karel répète avec son groupe de Tabor. Nous avons commencé à jouer à 15 h 30 et terminé la répétition un peu avant 22 heures ! Chacun a pu avoir sa partie et nous avons vu surgir un nouveau morceau, "Yanitchka" qui a pris une nouvelle tournure (nous ne l'avions répété qu'avec Karel et Ludmila) avec l'ensemble du groupe. Fait intéressant : la naissance de ce morceau sous sa forme définitive a été filmée par Yan ! Je suis impatient de revoir ça !

Karel, Titi et Guigui en répétition

Et maintenant nous nous préparons pour le concert de ce soir. En tout cas nous partons en confiance, les morceaux sont en place et cette assurance va, je l'espère, nous aider à nous surpasser !

 

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Lundi 20 octobre 2008, Tabor

 

Après le concert de samedi où le public de Tabor nous a témoigné un bel enthousiasme, nous allons quitter Tabor, notre port d'attache, pour aller aux quatre coins de la République tchèque. Ce soir Prague, demain Ostrava, puis Ceske Budejovice et Plzen. Plus de jour de récupération. Hier c'était dimanche et on a pu se poser un petit peu. Nous avons pris notre repas chez Ludmila hier soir, puis les musiciens avaient décidé de faire un bœuf dans un bar de Tabor, un bœuf proposé par Radek, notre ancien collaborateur guitariste.

Hier matin j'écoutais l'enregistrement réalisé lors de notre concert de samedi et pour la première fois j'ai pu écouter ce concert de bout en bout sans attaques d'angoisses comme c'était le cas à chaque fois que j'écoutais les enregistrements des concerts du passé. Il est clair que nous sommes en train, avec la confiance qui s'installe dans le groupe, de trouver cette magie qui nous échappait si souvent auparavant. La clé semble être justement cette confiance, une confiance dont j'ai tant besoin étant toujours très crispé pendant les concerts.

Avec la nouvelle chanson, Yanitchka, nous avons introduit une nouvelle couleur, une nouveau style dans notre répertoire. La chanson demande encore quelques affinages mais elle fonctionne déjà telle que, intégrant Ludmila dans un univers plus dynamique que les chansons où elle intervenait précédemment. Il est vrai que j'ai écrit cette chanson pour qu'elle puisse être plus présente sur scène, et je dois à Karel une lumineuse idée de faire progresser la chanson vers une danse festive où chacun retrouve sa place (le début de la chanson est joué à 3).

Bref, notre tournée s'annonce très bien. Dommage que ce soir et demain à Ostrava Ludmila ne sera pas là, elle ne peut sauter ses cours au conservatoire. Cela nous permettra de jouer d'autres chansons, de développer un univers différent, mais nous serons tous présents sur scène à Ceske Budejovice et à Plsen et je pense que ces deux concerts seront notre point d'orgue !

 

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Mercredi 22 octobre 2008, Ostrava (CZ)

 

A l'hôtel, j'attends l'équipe qui finit de se préparer. Nous sommes en retard mais bon, s'il n'y a pas d'imprévu sur la route nous serons à l'heure. Six heures pour aller à Ceske Budejovice, pas d'autoroute. Nous avons donc fait notre troisième concert hier soir, c'était sympathique, mais l'équipe a eu quelques dérapages vers la fin, une histoire d'absinthe qui monte au cerveau, - dangereux l'absinthe...

Mais le public était content, les jeunes comme les plus âgés. La directrice de l'alliance française, une ancien médecin, très classe, fumant cigarette sur cigarette mais au beau visage ridé qui respire l'intelligence me disait : "je ne comprends pas qu'on invite des groupes français, nous, à l'alliance française, et qu'on entende qu'ils chantent en anglais. C'était un grand plaisir de vous entendre chanter dans votre langue." Rencontre avec les professeurs de français travaillant ici (l'un a fait ses études à Besançon!) et puis aussi avec Vladimir qui travaillait auparavant  à Besançon et qui était venu nous voir plusieurs fois en concert chez nous ! Il est rentré travailler au pays, ici, à Ostrava, avec sa femme. Il m'a dit "nous avons prévu d'avoir un enfant l'année prochaine, nous voulions élever notre enfant ici." Le monde est petit et les gens y bougent...

Ostrava, ville industrielle de République tchèque, les mines, la métallurgie lourde, la chimie. Une des villes d'Europe les plus polluée, et, l'activité industrielle en crise faisant, une des villes tchèques où il y a le plus de chômage, vers 15%... Il paraîtrait, pour comparer, que ce taux de chômage est, à Prague, quasiment nul...

Mais il faut que nous partions. Cette fois ce sont les musiciens qui m'attendent !

 

 

 

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Dimanche 26 octobre 2008, Besançon 

Impossible d'aller plus vite que la musique, elle a pris tout mon temps, l'écriture n'a pas suivi...

Déjà de retour, après ces quatre jours de concerts successifs, impossible de prendre le temps de me poser devant un ordinateur et de raconter ce qui se vivait sur la route et dans ces salles de concert.

En tout cas il s'est produit quelque chose dans cette tournée, une véritable fusion du groupe, fusion humaine et musicale, et le succès rencontré a reposé sur ce petit miracle. Et cette fusion a explosé lors de notre concert à Ceske Budejovice, le quatrième et avant dernier, devant un public absolument ravi, ce qui a évidemment fait énormément plaisir à Ludmila qui avait si peur que nous ne soyons pas à la hauteur face à ses élèves du conservatoire. Et ses étudiants furent unanimes, ils ont aimé passionnément ! Ludmila n'en croyait pas ses oreilles ! Quant à l'équipe des musiciens, je me souviens du moment où nous avons écouté le concert dans le camion en route pour Plzen, ils étaient stupéfiés d'écouter ce que nous avions faits et soudain me demandaient comment j'envisageais l'avenir, - Titi me disait deux jours auparavant qu'il allait arrêter après notre date au Petit Kursaal...

Une équipe s'est constituée, qui s'écoute mutuellement, qui a plaisir à vivre et à jouer ensemble...

Et puis il a fallu rentrer. Il faisait gris lorsque nous sommes partis de Plzen et puis il y a eu l'arrêt par la douane volante, une voiture non banalisée qui nous a conduit dans une cour éclairée par des projecteurs alimentés par des générateurs sur camion, avec une quarantaine d'hommes en uniforme qui cernaient la cour et d'autres qui donnaient les instructions. Il nous a fallu tout sortir du camion, en ligne sur le sol nos bagages, instruments. Puis nous nous sommes retrouvés dans un préau et il a fallu que l'on s'aligne contre le mur. Nous avons tous pensés aux films que nous avons vu sur la seconde guerre mondiale et je me suis dit que ces nazis qui hurlaient leurs ordres aux prisonniers étaient de la même espèce que ces douaniers qui nous donnaient leurs instructions. Fouillés, passé au chien senteur de drogues, on nous a demandé ensuite d'emmener tous nos bagages vers le scanner installé lui aussi sur un camion. Cela a duré au moins une heure et demie.

A deux heures nous arrivions à Besançon, déchargement chez chacun des musiciens et ensuite nettoyer le camion...

A cinq heures je redescendais la rue Battant après avoir laissé les clés du camion dans une boite aux lettres (il repartait le matin), et je me disais : "Ca y est, la tournée en République tchèque est terminée, fin du projet"

Ensuite se reposer, reprendre ses marques et se remettre au travail car ce n'est pas le moment de baisser les bras, - tant de choses à faire cet automne !

 

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Samedi 8 novembre 2008, Besançon  

Un petit point sur l'actualité. 

Une fonctionnaire dénonce une femme étrangère sans papiers qui est venue inscrire son enfant à l'école. On pense à Vichy et à toutes ces vilaines dénonciations qui ont conduit des gens vers la souffrance, l'exclusion ou la mort.

 

Les américains ont voté un président métisse, beau gosse et en plus intellectuel ! Tout le monde se demande si le monde va s'en trouver changé. Dommage que Bush ait laissé son pays autant dans la merde, ça ne va pas être facile pour le nouveau candidat de solutionner tous ces problèmes ! Et s'il échoue on dira que c'est un Président qui ne valait rien... Mais bon, il est charismatique et beaucoup de gens vont rêver avec lui d'un renouveau du premier pays du monde ! 

 

Nous avons filmé hier, avec le journaliste Pascal Vernier, un entretien qui servira de fil rouge au film sur notre tournée dans le cadre de l'année européenne du dialogue inter-culturel. Dommage que j'avais la grippe pendant l'entretien. Ca me donne des yeux mouillés de mec maladif. Mis à part ça, Pascal a réussi une approche très intéressante pour révéler le travail du groupe dans cette thématique européenne et dans le cadre du travail que je mène depuis des années..

 

Ludmila a accueilli toute cette semaine l'équipe du chanteur polonais André Ochodlo, un des plus connus chanteurs de musique Klezmer en Pologne dont elle est une grande admiratrice. Cet été le "théâtre Atelier" à Sopot, dont André est le directeur, l'avait invitée à présenter une conférence sur la musique dans les camps de concentration pendant la seconde guerre mondiale. Ludmila les a aidés à trouver des lieux de concerts en République tchèque, dont à Tabor et Ceske Budejovice. Pendant ces concerts elle faisait un récitatif, une traduction résumée du texte des chansons, du Yiddish au tchèque. Elle était contente de sa prestation et certainement fière d'avoir en partie organisée cette tournée !

 

J'ai été contacté cette semaine par Raymond Roy, un Monsieur très investi dans le jumelage entre la ville de Besançon et la ville Russe de Tver. Ce Monsieur, cycliste au demeurant, est en train d'organiser une "promenade" en vélo, pour cyclistes tout de même très bien entraînés, entre Besançon et Tver. 2800 km si je me souviens bien ! Une bagatelle... Or Raymond qui organise en ce moment toutes les étapes des 16 cyclistes et de leurs accompagnateurs, n'arrivait pas à trouver un hôtel à Tabor en République tchèque ! Tiens, lui dit alors un ami journaliste, mais je connais quelqu'un qui va régulièrement à Tabor ! Voici donc comment Raymond a été amené à m'appeler. Je lui ai donc dit que nous l'aiderions, Ludmila et moi, à organiser cette étape et à trouver des chambres pour la nuit. Nous continuons à parler voyages lorsque Gérard me dit qu'il part dans deux jours à Tver où il va rencontrer les décideurs de la ville qu'il connaît bien. Gérard appartient à l'association de jumelage avec cette ville. Donc je lui ai demandé s'il voulait bien nous faire connaître là-bas car j'aimerais beaucoup retourner en Russie et j'aimerais beaucoup aller y jouer avec le groupe. Nous verrons donc, il est parti avec un DVD et quatre CD...

 

Cet automne est une période étrange. Elle me tend des perches, me fait des cadeaux, quatre films à faire, le concert de décembre, la tournée en Tchéquie, la sortie du disque, et puis les ateliers, et puis et puis... J'avais perdu l'habitude de tant de travail et d'encouragements. Cela ne dépasse pas un seuil qui pour certains pourrait sembler normal, mais enfin, soudain c'est comme si les problèmes dont j'avais l'habitude depuis des années s'évaporaient. Oui, c'est surprenant, mais c'est aussi comme si un inconnu s'ouvrait... Une petite pointe d'appréhension. Parfois aussi, sans savoir du tout pourquoi, une pointe de tristesse. C'est idiot. Est-ce que je manquerais de quelque chose ? Mais quoi ? Je me donnerais des baffes....

 

 

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Mercredi 12 novembre 2008, Besançon  

 

 

Ludmila se couvre de travail et je me perds un peu dans le mien. Surtout ce film que nous devons présenter le soir du 13 décembre, entre le concert du groupe tchèque et le nôtre. Il faut dire que je n'aime pas les images que Yan a faites. Alors je m'énerve comme dit Bobby Lapointe. Mais bon, on va y arriver ! 

Pourtant quand je m'assois et que je vois les 14 heures de film devant moi, et quand je vois ces images qui tremblent, ces zooms que je déteste.... Heureusement il y a le concert à Ceske Budejovice ! Le plan large est un peu serré mais bon, on est dedans, et ils ont joué si bien les amis du groupe ! J'en ai fait une petite compilation, de quoi graver ça sur un DVD. Il y a des moments que j'aime vraiment beaucoup. C'est la première fois que j'ai tant de plaisir à revoir un concert. Avant j'avais plutôt mal au ventre.... C'est pendant ce concert que l'équipe a vraiment pris, c'est un peu magique, d'un seul coup, "clac !" ça prend. Et on ne saurait dire ce qu'il manquait avant... La foi, la confiance....

Bien sûr, en regardant avec Guigui ce concert, on découvrait le travail qu'il restait à faire pour la présentation scénique : Un décor, de vraies lumières, et, très important, jouer ensemble. Je veux dire physiquement. Les regards, les approches les uns vers les autres, tout un petit jeu qui, les problèmes musicaux se retirant, devrait trouver facilement sa place, pourvu qu'on y veille.

La semaine dernière, un journaliste, Pascal Servan, non je plaisante, Pascal Vernier, qui travaille aux rubriques musicales dans le BVV et Vu du Doubs, deux magazines locaux, est venu me faire subir, - à moins qu'il soit venu se faire subir - un entretien. C'est moi qui le lui avais demandé, nous en avions besoin autant pour la promotion de l'album que pour tenir lieu de colonne vertébrale pour le film que nous présenterons au Petit Kursaal.

Pascal est venu la veille, nous avons préparé cela calmement pendant une matinée, et, le lendemain, exécution, devant deux caméras que j'avais installées pour la cause. Pascal s'en est très bien tiré, l'entretien a duré une heure. J'ai été un peu trop bavard comme d'habitude, mais je crois qu'il y a de bonnes choses. Dommage que ce jour là j'étais en plein milieu d'une grippe. Mais bon, il paraîtrait, selon quelques amis consultés, qu'on ne remarque pas trop mes yeux vitreux. J'ai passé deux jours à transcrire l'interview sur papier, pour le réduire. Il est maintenant en ligne sur notre site et sur celui de Believe, notre distributeur.

Il faut donc faire avancer tout ça, c'est un peu long mais je préfère avoir du travail que de l'attendre... Ludmila m'écrivait ce soir : "J'ai l'impression que je ne vais pas vivre longtemps, c'est pourquoi je me suis lancé dans plein de projets, histoire de laisser une trace..." Je lui ai répondu : "J'espère que tu ne vas pas te tuer au travail seulement parce tu avais l'impression que tu n'allais pas vivre longtemps !" Je ménage certainement davantage mon organisme qu'elle le fait (un rythme comme elle en a un, je me retrouverais à l'hôpital)  mais je n'aime pas perdre mon temps. C'est vrai qu'on n'en a pas tant que ça, de temps, dans une vie, alors au moins l'utiliser au maximum. Avec Ludmila nos points de vue ne sont pas si éloignés, mais l'un des deux est celui d'un hédoniste : vous devinez lequel ?

 

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Mercredi 19 novembre 2008, Nepomuk  

 

 

 

 

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Samedi 22 novembre 2008, Tabor

Il neige à Tabor... Par la fenêtre de la cuisine je vois les flocons tourbillonner, les toits sont déjà blancs, et les pavés du petit traje qui passe sous la maison sont redessinés par la neige, blancs sur chaque pavé et marrons sombre entre les pavés. Un coup de vent et le blanc de la pulvérulence s'épaissit et tourbillonne... Il fait bon dans les maisons, si bon que le chat, Boubak, n'est pas sorti depuis trois jours. Il préfère aller se promener dans les greniers que d'aller poser ses pattes sur le sol froid et humide de l'extérieur...

Avant hier nous sommes allés à Ceske Budejovice avec Ludmila. Nous avions rendez-vous avec quelques uns de ses étudiants qui étaient venus à notre concert à Solnice (c'est le nom de la salle où nous avons joué à Ceske Budejovice), cela dans le but de filmer des interviews pour le film. Des jeunes gens charmants qui nous firent des réponses éclairées, dans le sens où ils sont musiciens et ont pu apporter leurs regards de musiciens.

Après les entretiens avec ces jeunes gens qui ont dû rejoindre leurs salles de classes, visite à l'alliance française pour m'enquérir des nouvelles concernant la recherche d'un groupe tchèque pour notre concert du 13 décembre. Apparemment il y aurait deux groupes en lice, un de Budejovice, l'autre de Plzen. Nicolas, le directeur de l'alliance française de Budejovice m'a dit que, s'il n'y a que ces deux groupes, le mieux serait que je choisisse, cela leur évitera, les deux directeurs des alliances concernées, d'avoir à défendre chacun leur baraque sur des arguments forcément subjectifs... Nous avons profités que je sois à l'alliance pour enregistrer un entretien avec Nicolas, il mérite bien d'apparaître dans le film car, sans lui, cette tournée n'aurait jamais eu lieu...

Maintenant il y a matière à étoffer ce film qui commençait plutôt mal puisque, vraiment, les images que Yan avait faites étaient inutilisables si on n'avait eu qu'elles pour construire le film. Maintenant, avec ces entretiens, et notamment l'entretien avec Pascal, la colonne vertébrale du film, avec aussi quelques images faites ici cette semaine, je pense maintenant que l'ensemble peut fonctionner... reste seulement quelques longues journées de travail.... dont aujourd'hui où, avec Ludmila, de l'après-midi à la nuit, nous allons nous y plonger !

Avant de refermer cette page, j'avais envie de vous faire écouter le carillons de l'hôtel de ville de Ceske Budejovice. J'en avais parlé dans une page du mois de juin, mais je n'avais pas encore l'outil pour vous transmettre ces sons. C'est maintenant fait, la mélodie que je préfère est la troisième, la dernière en fait, il paraît que ce n'est pas du folklore mais du Beethoven. A vos oreilles... 

 

Mais cette neige par la fenêtre n'arrête pas de tomber ! Finis les interstices sombres entre les pavés de la ruelle ! Maintenant les toits, les rues et les ruelles, les arbres, le haut des murets, tout est blanc et, avec ce joli carillon, l'idée qui nous vient, c'est que Noël approche... Que l'hiver est beau en Europe centrale....

 

 

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Vendredi 19 décembre 2008, Besançon

 

Quelle longue absence... Et que de choses se sont passées...

Mais voilà, on ne peut pas travailler du matin au soir et trouver le temps d'arrêter tout pour un moment de recul au calme, afin d'écrire... mais quoi ? La réflexion et l'action sont deux moments distincts.

 

Alors il y a eu le colloque de Dijon "Éducation et égalité des chances", puis celui sur les Roms en Europe, trois jours. Avant il y a eu la résidence à filmer des deux groupes d'origine... rom ? Mais les Manouches se considèrent-ils comme des Roms? Et écrit-on Rom avec un "r" ou deux ? J'ai vu tant passer le mot "Rrom" pendant le colloque... Tant d'obscurité ces personnes laissent sur leur longue histoire en Europe... En tout cas un des groupes avait pour nom "Swing 39", la famille avait pour nom Gaguenetti et ils étaient les descendants culturels, mais pas que, un peu familiale aussi, du côté de la grand-mère, de Django Reinhardt. L'autre groupe étaient de familles Rom de Macédoine. Deux traditions musicales totalement différentes et un concert pour montrer ce qu'ils étaient chacun et ce qu'ils pouvaient faire ensemble. La résidence a été ce travail de mise en commun de leurs deux cultures musicales pour préparer le semi bœuf présenté au Théâtre de Besançon.

 

Pendant ce colloque beaucoup de rencontres, des gens aux parcours, aux savoirs, aux expériences si différents mais néanmoins avec de lointains ancêtres communs, venus d'Inde ou d'Égypte, ou plutôt, de "Petite Égypte" disaient-ils, sans qu'on sache vraiment où se trouvait ce pays...

 

Après ce superbe colloque de trois jours, couché sur 36 heures de magnétiques, la préparation de notre concert au Petit Kursaal. Les Répétitions, une promotion dans le temps que le reste me laissait, et le montage du film que nous devions présenter entre le groupe "Mogador" qui devait assurer la première partie du concert et notre partie.

 

Un peu de stress, mais surtout des heures de travail.

 

Le concert a été beau, nos concerts sont de plus en plus beaux. Les musiciens, sceptiques depuis le début, commencent à changer leur fusil d'épaule. En regardant la vidéo, en écoutant les commentaires de leurs petits camarades, les voilà qui soudain prennent conscience qu'ils font quelque chose d'important. La motivation monte concert après concert et ils me font pression pour augmenter les répétitions, pour prendre des risques quant à la promotion, pour embellir le plateau, pour que je travaille ma voix, mon jeu de scène, ma présence. Cet enthousiasme lie les musiciens, ils s'écoutent, se complimentent mutuellement. Finies les critiques des uns des autres, une vraie dynamique d'équipe se crée où chacun reconnaît la valeur de l'autre. C'est magnifique. Guigui qui me disait avoir été sur le point de tourner la page et d'abandonner la batterie, s'est remis à croire en lui et peu à peu il retrouve le magnifique niveau qu'il était en train de perdre à force de ne plus jouer. Et c'est un vrai magicien qui apparaît, une sensibilité, une imagination et une maîtrise rythmique. Du coup tout se met à prendre et je dois avouer maintenant que c'est à moi de me hisser à la hauteur de cet ensemble de talents. Ce corps crispé qu'il faut détendre, cette tension intérieure qu'il faut relâcher car elle se répercute sur mes cordes vocales et la justesse en pâtit. Mais il y a déjà eu du boulot de fait. Ceux qui avaient vu notre concert l'année dernière à Bacchus n'en sont pas revenus et n'ont pas caché leur enthousiasme.

 

Cet automne a été un vrai don du ciel. Tout à été si vite, les projets s'enchaînant, les moyens avec, de réaliser les choses correctement. Encore un peu d'organisation, de méthode...

 

Demain je vais aller visiter la famille Gaguenetti sur leur terrain près de Dole. Pour le dernier projet de l'année, une série de petits films pour le site Internet du CCAS. Après demain je vais aller filmer Rafika et elle me parlera de son enfance aux Founottes, de sa famille, de sa musique... Encore des belles rencontres, encore ces histoires de vie qui montrent ce dont l'homme est capable, cette magnifique imagination de la vie, des êtres humains, des parcours de vie si différents qui nous aident à mesurer la profondeur et la beauté de l'être humain...

 

 

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Mercredi 24 décembre 2008, Tabor (CZ) 

 

Depuis environ un an, j'attends le moment de pouvoir m'acheter un appareil photo numérique afin de donner à ce journal une forme nouvelle et aussi, une nouvelle vocation.

 

Tout d'abord la boutique photo, où j'allais régulièrement développer mes films, a fermé cet été. Le très sympathique commerçant, sa boutique s'appelait "L'Imagerie des Chaprais", était le seul qui acceptait de faire le développement croisé que je pratique depuis 2002.  Il s'agit de développer des films diapos dans des bains pour films négatifs. Les autres disaient que ce procédé abîme leurs bains. Ma pratique de l'argentique était devenue exclusivement liée à cette technique. "L'imagerie des Chaprais" fermée c'était la fin d'un cycle et je ne voyais pas l'intérêt de revenir à un argentique "normal", ce que la technique numérique, aujourd'hui, fait aussi bien. Il était donc temps de tourner la page et de m'ouvrir à cette technique.

 

Mais. Si l'argentique semblait fait pour être tiré sur papier et exposé dans des salles d'exposition, je trouve que le numérique n'a pas beaucoup d'intérêt à suivre le même chemin. Le numérique est fait pour le numérique. Et le numérique c'est l'ordinateur, non le cadre d'exposition.

 

Puisque ce journal existe depuis maintenant bientôt trois ans, il était peut-être temps que la photographie s'y intègre. Non comme une illustration comme j'ai pu le faire déjà, avec des appareils amateurs qui passaient entre mes mains. Mais comme un élément aussi important que l'écrit et bien sûr lié à lui. J'attendais donc de pouvoir acquérir un appareil assez petit pour pouvoir me suivre partout, et assez fiable pour pouvoir me permettre de faire de la photographie.

 

J'ai donc choisi un appareil Canon G10 et les quelques essais réalisés m'ont totalement comblés. Il y a bien sûr quelques légers inconvénients, la réactivité, si elle a beaucoup progressé, n'est pas encore l'égale de ce que mon Leica me permettait. Mais elle est pratiquable. L'image est un peu molle et pas très dynamique mais un petit coup de photoshop peut améliorer ça. En revanche j'ai découvert des fonctions très sympathiques, l'utilisation d'un flash réglable en intensité par exemple, et un accès immédiat aux fonctions qui me permet d'utiliser le mode manuel presque aussi facilement que me le permettait mon bon M6.

 

On ne va pas s'étendre sur ces considérations techniques, je déteste cela. L'outil est bon, maintenant oublions le.

 

Aussi, pour mettre en pratique ce nouveau Médium, j'ai eu l'idée, lors de mon voyage pour Tabor, de commencer par cette occasion la nouvelle vocation de ce journal (ceci n'est pas un blog).

 

L'idée m'est venue un peu avant Karsruhe. Il faisait encore un peu jour. Dommage que je n'aie pas été dans l'autre direction, le soleil couchant aurait pu donner de très joli résultats. Mais j'allais vers l'est et je tournais le dos au couchant...

Ennuyant autoroute.... J'écoutais un disque de Mano Solo, il y a dans cet album un morceau sur les gitans. Si j'aime bien l'univers musical de Mano Solo, si j'aime bien aussi sa voix, je sens dans ses textes quelque chose d'un peu irritant. Trop de "je", pas assez de "il(s)". C'est pourquoi j'ai retenu ce morceau sur les gitans...

Puis la lumière a baissé. Il fallait alors, tout en conduisant, essayer de trouver une formule pour récupérer assez de lumière pour faire réagir le capteur. Quelques imprudences me permirent de trouver une solution : la basse vitesse. Les effets qui suivirent donnèrent à la nuit, pour cette fois seulement (ces effets sont lassants), une poésie un peu ricanante :

 

Et  puis, petite halte dans un restaurant

J'ai d'ailleurs constaté que l'architecture du lieu était exactement la même qu'une station d'autoroute dans le centre de la France, un peu après Sens, direction Montargis. C'est quand même navrant cette globalisation...

 

A nouveau un bon fragment d'autoroute et, vers 9 heures et demie je passais la frontière tchèque. Pas de photo il n'y a plus rien, juste une limitation à 60 km/h... On ne peut pas s'en plaindre... Le rideau de fer était peut-être plus photogénique mais gare à qui était pris à faire une photo !

 

A Plzen (Pilsen), on sort de l'autoroute. Juste faire attention au radar qui se trouve à la fin d'un village dont je ne me souviens jamais le nom et puis le charme de la Bohème... Les villages aux façades dites de style "baroque paysan", en fait datant du XIXème siècle. L'impatience d'arriver commence à monter, proportionnelle à la panique de Ludmila de ne pas être prête lorsque je vais arriver. A Pisek je dois lui envoyer un SMS, elle saura presque exactement quand je vais arriver. Quant à moi, j'aime voir passer les stations d'essence, avec leurs néons, et puis, en quelque sorte, leur rassurante présence. Il est quasiment impossible de tomber en panne d'essence en République tchèque, et quelque soit l'heure de la nuit. La France nous a habitué à ses grands déserts nocturnes, la République tchèque nous rassure par la présence de ces stations, nombreuses, ouvertes 24h/24 sur toutes les routes... En voici une que j'aime bien :

Mais surtout, il y a une petite chapelle que j'aime à apercevoir car elle me dit que mon voyage touche à sa fin. En pleine nuit, elle n'est bien sûr pas facile à photographier. Mais le G10 est tolérant et la lumière des phares a suffi à réaliser cette photo :

Quel dommage qu'il y ait cet arrêt de bus juste devant...

Le dernier signal viendra quelques kilomètres avant Tabor. C'est une publicité pour un magasin de salles de bains qui se trouve à Tabor, pas très loin de chez Ludmila. Quand je vois cette image, toujours éclairée, je suis ravi, autant dire que je suis arrivé.

La pancarte :

puis la ville devant soi 

Après l'entrée de la ville, le passage devant le Lidl, encore une globalisation pas très dépaysante... et voici la grande salle de danse, un bâtiment récemment rénové par monsieur Dvorak, propriétaire de la grande brasserie qu'il a, elle aussi, rénovée avec beaucoup de fidélité et de goût :

Prendre la route à droite, passer devant cette jolie façade :

Dommage que ce soit un bordel...

et la petite ruelle à droite encore, la première maison sera bientôt rénovée et... je suis arrivé !

C'est Noël ! (dommage que la neige ne soit pas au rendez-vous...) 

 

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Jeudi 25 décembre 2008, Tabor.

 

Il y a deux ans, j'avais décrit dans ce journal le menu du réveillon de Noël en Bohème Sud. Je ne voudrais pas revenir à cette description car, en relisant cette page, je m'aperçois, incroyable ! que rien n'a changé ! Même l'humeur de Ludmila quand je suis arrivé, et peu à peu son ouverture dès que le stress des semaines précédentes est retombé : pareil cette année ! Le temps, idem ! L'apéritif, kif kif ! 

 

Ca fait peur des fois les traditions ! Juste quelques variations : la prière du repas était cette année en tchèque, non en latin. Donc, il y a deux ans, Voytik avait fait du zèle ! Alors, pour y ajouter une dimension nouvelle qui puisse vous motiver d'aller découvrir cette page, j'y ai ajouté les photographies que j'ai faites cette année. Donc, la suite de cette journée du 25 décembre 2008 se trouvera le 25 décembre 2006, il vous suffit de cliquer 

 ici !

 

 

En 2006 je travaillais encore, avec mon Leica, à la série "Close Up". Avec mon Canon je suis revenu à ce regard nocturne et circonstanciel de notre relation avec Ludmila, pour un cliché qui ne sortira pas, lui, de ce journal. En effet, l'exposition comme finalité d'une photographie, c'est aujourd'hui quelque chose d'assez triste. En tout cas hors des circuits élitistes des galeries de photographie dignes de ce nom. Il y en a assez peu en France et leur accès est difficile, encodé par des critères de profils spécifiques, souvent liés directement aux écoles de photographies et à la fréquentation de certaines thématiques. Je n'ai pas le temps de courtiser les bonzes de ces sanctuaires.

 

Donc voici une réplique de Close Up, un faux, puisque les originaux resteront des images argentiques en traitement croisé...

 

 

 

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